Monsieur le commissaire général à l’investissement, cher René Ricol,Monsieur le Président de la Bibliothèque nationale de France, cher BrunoRacine,Mesdames, Messieurs,Chers amis,

Cher René Ricol, j’ai chaque fois un très grand plaisir à présenter à vos
côtés des projets qui ont vocation à être soutenus dans le cadre des
investissements d’avenir. Vous connaissez tous l’ambition qui est la
mienne en matière de numérisation du patrimoine et de diffusion
numérique de la culture et du savoir. Dès mon arrivée au ministère de la
culture et de la communication, j’ai souhaité en faire l’une des priorités de
mon action. La convergence de la culture et du monde numérique
présente, en effet, un triple enjeu : un enjeu pour le développement de la
création littéraire et artistique ; un enjeu pour la recherche et pour la
société de la connaissance ; un enjeu de croissance pour nos entreprises
et notre économie à l’heure de ce qu’on appelle parfois le « capitalisme
cognitif ».

Le Président de la République a dressé, le 27 juin, un premier bilan des
projets financés par le programme des investissements d'avenir. Ils
constituent un formidable levier pour l'innovation et la réalisation de projets
numériques de grande envergure. Ils doivent permettre à notre pays de
continuer à mener une politique volontariste. Cette dernière donne à nos
partenaires de l'Union européenne les preuves de nos convictions. Elle
s’avère capitale pour le rayonnement de notre culture au sein de cette
réalité qu’est la Francophonie. Elles est capable, enfin, de susciter l’intérêt,
voire de nous garantir le respect de la part des grands acteurs mondiaux,
qu’il s’agisse d’Etats ou d’entreprises de taille planétaire.

Aux côtés de l'Université, de la recherche, du développement durable, je
rappelle que la numérisation des contenus culturels constitue un volet
essentiel des investissements d'avenir. Grâce à cette politique, c’est une
fierté pour la France d’être, depuis son origine, le premier contributeur du
projet Europeana, en particulier à travers les contenus du portail
Collections du Ministère, des ressources de l'INA et, bien entendu, des
collections de la Bibliothèque nationale de France.

La BnF, à l’honneur aujourd’hui, a fait depuis longtemps la preuve de son
savoir-faire en matière de numérisation : vous connaissez tous la
détermination dont ont fait preuve ses présidents successifs, Jean-Noël
Jeanneney, premier concepteur d’Europeana, défenseur d’une grande
politique européenne de la culture numérique et aujourd’hui, vous-même,
cher Bruno Racine, qui avez su tisser des collaborations nouvelles avec
les grands éditeurs français et faire de Gallica une bibliothèque numérique
d’un million et demi de documents, l’une des premières au monde et en
Europe, et la première en France.

C’est donc un acteur de tout premier plan, moteur de plusieurs grands
programmes internationaux, qui propose aujourd’hui à des entreprises
privées de le rejoindre pour réaliser de nouveaux projets.

Ces partenariats avec le secteur privé ont de multiples objectifs.

Il s'agit tout d'abord d'amplifier l'effort national de numérisation. En 2007,
l'Etat a mis en place un dispositif de financement original qui permet à la
BnF de mener seule un ambitieux programme de numérisation des livres
imprimés, à hauteur de 7 millions d'euros par an.

Il s'agit aujourd’hui d’accélérer les chantiers engagés. La BnF va ainsi
s'allier à des partenaires pour passer à un niveau supérieur, en volume
comme en variété de projets, dans un cadre plus collaboratif qui permettra
de numériser et de diffuser un plus grand nombre d’oeuvres et de
documents, anciens ou plus récents. De ce point de vue, cet appel à
partenariat s'inscrit pleinement dans la logique qui nous a amenés, cher
René Ricol, à signer ici même en février un protocole d'accord avec les
éditeurs, les auteurs et la BnF pour numériser 500 000 livres indisponibles
du XXe s.

Le recours au programme des investissements d’avenir va constituer un
formidable accélérateur pour la numérisation des collections de la BnF. La
numérisation de ces ensembles devrait ainsi permettre de tripler le volume
actuel de Gallica, qui est donc pour l’instant d’un million et demi de
documents. Le coût global de ces programmes de numérisation est évalué
à 150 millions d’euros, soit l’équivalent de plus de 20 ans de travaux, si
nous avions conservé le rythme actuel de numérisation.

Je voudrais également souligner ici que les différents projets qui seront
proposés sont expressément conçus pour valoriser d'autres richesses de
la BnF que les seuls livres imprimés. Les débats internationaux sur les
bibliothèques numériques ont presque fait oublier que la BnF conservait
des collections inestimables de presse, de contenus audiovisuels, de
manuscrits, de photographies, de cartes et plans… Les projets concernés
rejoignent ainsi parfaitement la volonté du ministère de la culture d'investir
l'ensemble du champ patrimonial et culturel, et pas seulement le seul
domaine du livre.

Ce travail pourra bénéficier à d’autres bibliothèques, à Paris et en région,
qu’elles soient municipales ou universitaires. Elles seront ainsi des
bénéficiaires indirects du programme des investissements d’avenir.

Les partenariats doivent permettre de fédérer des compétences
différentes, de passer notamment à un rythme de numérisation plus élevé,
d’exploiter aussi des contenus dans un cadre plus large, en intégrant
parfois des contenus sous droits. Il s’agit également d’inventer une plus
grande variété de modèles économiques au bénéfice des internautes et
des chercheurs comme de l’ensemble de nos concitoyens, afin de créer
une offre numérique globale que l’internaute d’aujourd’hui appelle de ses
voeux.

Ces modèles économiques auront, par ailleurs, des répercutions
appréciables sur la modernisation du fonctionnement de l'établissement,
puisque la BnF va être amenée à filialiser ses activités relevant du secteur
marchand. Il sera nécessaire pour l'établissement, en effet, de créer une
société commerciale tant pour contracter avec ses partenaires que pour
permettre l'intervention du CGI qui devra se faire, je le rappelle, selon le
modèle de l'investisseur avisé. Le CGI interviendra ainsi pour capitaliser la
filiale à hauteur de plusieurs millions d'euros.

Il s'agit là d'une évolution considérable pour la culture de la bibliothèque.

J'ai demandé à Bruno Racine de mener cette réforme en y associant
pleinement les agents de la BnF et dans le respect rigoureux des missions
statutaires de l'établissement. Je sais qu'il veillera à ce que ces nouveaux
défis du numériques soient abordés avec la mobilisation et la conviction
nécessaires, mais également avec toute la prudence qu’il faut pour veiller
à ne pas déséquilibrer cette institution historique.

Je voudrais vous remercier, cher René Ricol, ainsi que l’ensemble de vos
équipes, d’avoir parfaitement compris le caractère tout à fait particulier des
projets culturels. Vous avez su proposer ces derniers mois un cadre
d'accompagnement adapté, susceptible de mobiliser des financements
extrêmement importants comme on l’a vu encore récemment avec le
soutien apporté aux projets numériques des détenteurs d'oeuvres
cinématographiques.

Pour conclure, je voudrais rappeler les principes qui gouvernent la
démarche de l’Etat, et plus particulièrement de mon ministère et de ses
opérateurs, dans le cadre des investissements d’avenir. Il s’agit d’abord
d'adopter une démarche transparente et équitable, qui permette à tous les
acteurs économiques de concourir à armes égales et, aux citoyens, de
connaître les intentions de l’Etat dans la gestion du patrimoine de la
Nation. Les partenariats conclus devront être équilibrés, et les avantages
concédés aux entreprises soigneusement proportionnés à l’investissement
et aux risques qu’elles acceptent de prendre. Il s’agit ensuite pour l’Etat de
conserver la maîtrise globale de sa stratégie de diffusion, en particulier
lorsqu'il s'agit d'oeuvres du domaine public qui, par définition, appartiennent
à tous. À cet égard, je tiens à saluer tout l’apport des travaux conduits par
Marc Tessier en 2009 sur la numérisation du patrimoine écrit, puis par
Maurice Lévy, au niveau européen, en 2010. Le rapport de Marc Tessier
demeure ainsi le fil rouge de mon action. Il a su en effet rappeler quelques
grands principes fondateurs, notamment, pour qui voudrait contracter avec
un acteur public, l’impérieuse nécessité de respecter la loi et le droit
d’auteur.

Avec cet appel à partenariats, la voie empruntée par la BnF est une voie
ambitieuse et exigeante. Elle est aussi pleine de perspective très
prometteuses. Elle suppose de l’imagination et un véritable esprit
d’entreprise de la part de ceux qui souhaiteront la rejoindre. Je suis
cependant convaincu que les trésors qui leur sont proposés et que, cher
Bruno Racine, vous détaillerez dans quelques instants, le méritent
largement.

Je voudrais terminer, cher Bruno Racine, en saluant votre très récente
élection à la présidence de la conférence européenne des directeurs de
bibliothèques nationales : elle constitue une reconnaissance de l’action
menée par la France et la BnF depuis de nombreuses années aussi bien
qu’un hommage de vos pairs à titre plus personnel. Je vous remercie.