Majesté,
Votre Altesse Royale,
Madame l’Ambassadeur, chère Anne Dorte Riggelsen,
Monsieur le président du Conseil d’administration de l’Opéra national de
Paris, cher Bernard Stirn,
Monsieur le directeur de l’Opéra National de Paris, cher Nicolas Joel,
Madame la directrice de la danse de l’Opéra National de Paris, chère
Brigitte Lefèvre,
Monsieur le Directeur artistique du Ballet royal du Danemark, cher Nikolaj
Hübbe,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

La magnifique représentation du chef-d’oeuvre d’August Bournonville, à
laquelle nous venons d’assister, nous rappelle l’ancienneté et l’intensité
des liens culturels qui unissent nos deux pays, dont le Ballet Royal du
Danemark et sa tradition chorégraphique marquée par ses liens étroits
avec l’école française sont une manifestation indéniable. Je sais
également, cher Nikolaj Hübbe, vos liens avec l’Opéra National de Paris,
vous qui avez dansé avec Isabelle Guérin, Sylvie Guillem et Manuel Legris.

Pour la 7ème fois depuis son adhésion à la Communauté européenne, le
Danemark va assumer la présidence de l’Union Européenne, aux côtés de
la Pologne et de Chypre. Nous vivons, vous le savez, des temps cruciaux
pour l’avenir de l’Union. Les regards de l’Europe se tournent vers
Copenhague, pour la relance de la croissance, pour une Europe
responsable et dynamique. Dans ce climat particulier, je prends toute la
mesure de ce qui, depuis si longtemps, nous relie, des valeurs qui nous
sont communes, des engagements que nous partageons sur la scène
internationale.

J’étais ce matin à Domrémy, en Lorraine, avec le Président de la
République, pour commémorer les 600 ans de la naissance de Jeanne
d’Arc. En revisitant le paysage bigarré de toutes les interprétations, des
relectures contradictoires de cette figure nationale, les mille et un visages
d’une mythologie à la fois si complexe et constitutive de notre histoire,
j’avais en tête le visage de Renée Falconetti et sa chevelure rasée, dans le
chef-d’oeuvre de Carl Dreyer. C’est un maître danois qui finalement, aura le
mieux saisi la portée universelle d’une figure française, dans un « hymne
au triomphe de l’âme sur la vie » qui figure à jamais au Panthéon de
l’histoire du cinéma mondial.

Pour la France, le Danemark restera toujours la patrie de Tycho Brahé et
de son observatoire, celle de Søren Kierkegaard, celle du courage d’un
peuple pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais au-delà de ces
permanences que nous lègue l’histoire, il y a tout ce que la scène culturelle
danoise nous apporte, et dont le dynamisme nous montre que notre vieille
Europe n’a jamais perdu le chemin de la créativité.

La prolifique scène de Copenhague redessine le paysage du jazz, en
tissant de nouveaux liens avec la scène française. De longue date, dans le
domaine du design et des arts plastiques, les artistes danois continuent
d’imposer leur marque en France, dans la lignée de Richard Mortensen et
Robert Jacobsen, qui étaient très liés au cercle qu’avait formé Denise
Renée : les artistes danois ont toute leur place, d’ailleurs, dans le Fonds
National d’Art Contemporain français. Vos créateurs de mode continuent
d’inspirer leurs homologues français, dans l’héritage qu’aura laissé le
regretté Erik Mortensen. À la Grande Arche de La Défense signée par
l’architecte von Spreckelsen, est venue répondre le geste créatif de Jean
Nouvel, pour la grande salle de concert de la Radio et Télévision danoise.

Et puis il y a cette passion commune que la France et le Danemark
partagent pour le cinéma, depuis Carl Dreyer jusqu’au Festin de Babette
de Karen Blixen, si magnifiquement adapté au cinéma par Gabriel Axel en
1988, et au succès retentissant des réalisateurs du groupe Dogma 1995 -
Thomas Vinterberg, Lars von Trier, Soren Kragh-Jacobsen, tous primés à
plusieurs reprises dans les plus prestigieux festivals de cinéma européen.

La littérature danoise était à l’honneur au dernier Salon du Livre de Paris,
qui rendait hommage en 2011 aux lettres nordiques : si nos mémoires
d’enfance portent toujours la trace des contes d’Andersen, de ses
marchandes d’allumettes, de ses vilains petits canards et de ses soldats
de plomb, le public français lit désormais les romans de Sven Åge Madsen
traduits et publiés chez Gallimard, tout comme Jens Peter Grondahl.

Voilà pour ces quelques exemples, parmi tant d’autres, de ce
foisonnement de la culture danoise en France, particulièrement bien reflété
dans l’excellente programmation de la Maison du Danemark à Paris, l’un
des instituts culturels étrangers les plus actifs de la capitale - comme en
témoignent son festival de jazz, ses expositions, du design au jeu vidéo,
reflétant toutes les facettes et les genres de la création contemporaine. Le
Danemark en France, c’est également la Fondation Danoise à la Cité
universitaire internationale de Paris, et tous les artistes qui y viennent en
résidence – et je connais l’importance que le gouvernement danois
accorde à la mobilité des artistes.

C’est aussi, bien sûr, l’attachement très fort d’un couple royal francodanois
à notre pays. Celui de Votre Majesté, qui avez étudié notamment à
la Sorbonne, une Reine qui, avec son époux, a traduit Simone de
Beauvoir ; celui de la famille des comtes de Monpezat, par qui le domaine
des châteaux du royaume s’étend de Rosenborg à Caïx dans le Lot. Un
amour de la France que vous partagez avec vos enfants, le Prince Héritier
Frederik, qui a été en poste à l’Ambassade du Danemark à Paris, le Prince
Joachim, marié lui aussi à une Française, et vos petits-enfants.

Cet attachement que votre famille incarne en premier lieu, on le retrouve
dans la qualité et la densité de notre coopération culturelle, qui se traduit
chaque année par une multitude de manifestations dans les domaines les
plus variés. Je pense par exemple, à Copenhague, à l’exposition sur
Gauguin et la Polynésie au musée Ny Carlsberg, avec le soutien de
l’Institut français, qui vient de se terminer ; à l’exposition prochaine sur
François Boucher, ou à celle en cours sur Toulouse-Lautrec à la Galerie
nationale du Danemark, avec votre appui précieux, puisque un grand
nombre des oeuvres présentées proviennent des collections royales, l’une
des plus riches au monde pour la production graphique de l’artiste – de la
même façon que l’exposition « Quand Versailles était meublée d’argent »
avait pu faire découvrir au public français les pièces danoises du château
de Rosenborg, coorganisateur de l’événement. Je pense au festival de
musique Athelas, où Pierre Boulez sera invité, et auquel Votre Altesse
Royale a bien voulu donner son patronage ; au projet de musique
française, du baroque à nous jours, actuellement mené au Danemark à
l’initiative de Peter Augustinus. Dans le domaine de la musique, il y a
moins de trois mois, le festival Les Boréales, organisé par le centre
régional des lettres de Basse-Normandie avec le soutien de mon ministère,
a été marqué par le remarquable concert d’Agnès Obel lors de la 20ème
édition du festival, en novembre dernier.

Notre coopération culturelle, ce sont aussi nos échanges d’expertise sur
les questions patrimoniales, et leurs nouveaux enjeux juridiques et
environnementaux ; les partenariats étroits entre la Bibliothèque nationale
de France et la Bibliothèque royale du Danemark, notamment dans le
domaine de la préservation des données numériques, et leur participation
commune à Europeana ; les échanges d’étudiants et d’enseignants entre
nos écoles d’art et de design.

Dans le domaine de l’audiovisuel, je souhaiterais évoquer nos
engagements communs en matière de diversité culturelle et linguistique,
pour attirer votre attention sur la visibilité de la chaîne TV5 Monde au
Danemark, qui semble être en partie remise en question par les opérateurs
privés concernés. Je ne doute pas que les négociations en cours avec
l’opérateur puissent aboutir sur une issue favorable.

Je me réjouis par ailleurs que soit à l’étude, à l’initiative du Conseil
Nordique, la création d’une chaîne de télévision culturelle commune à
l’ensemble de l’espace scandinave, sur le modèle d’ARTE, dont nous
venons de fêter les 20 ans. J’ai veillé à ce qu’ARTE puisse participer à ce
très beau projet d’ARTE Norden, dans son nouveau contrat d’objectifs et
de moyens, notamment en termes de fourniture de programmes.

La qualité de cette coopération doit pouvoir nous servir d’aiguillon pour
intensifier nos projets communs au niveau européen.

Dans les domaines culturels, les enjeux en effet ne manquent pas pour la
présidence danoise, avec l’élaboration de positions communes sur la
numérisation, sur la place de la culture dans les relations extérieures de
l’Union européenne, avec l’ouverture également des négociations pour le
programme Europe Créative, qui se substituera aux programmes Média et
Culture. Sur tous ces sujets qui relèvent de notre responsabilité commune,
vous pouvez compter sur l’implication et la collaboration étroite de la
France.

Je sais que votre gouvernement a reçu il y a quelques mois la visite de M.
Jacques Toubon, sur la fiscalité des biens et services culturels. Nous
avons, vous le savez, adopté en France une loi sur le prix unique du livre
numérique. Il s’agit là d’un enjeu essentiel pour le monde du livre, en
France comme au Danemark. Il nous faut repenser ensemble les politiques
du livre à l’heure du numérique, en anticipant les bouleversements en
cours plutôt que de les subir. La France a proposé au Conseil, à la
Commission européenne et au Parlement européen de se saisir de cette
question : un soutien du Danemark en la matière serait primordial.
Le livre, bien entendu, n’est pas le seul secteur concerné par la révolution
numérique : la vidéo, la musique, la presse sont tout aussi concernés. Pour
le livre numérique, la France applique un taux réduit de TVA depuis le 1er
janvier. De manière générale, je suis convaincu de la nécessité de mettre
en place un environnement fiscal propice au développement d’offres
légales de contenus culturels. Le développement de ces services est
actuellement entravé par les différences de traitement fiscal au sein de
l’Union. Là aussi, la présidence danoise pourrait permettre de rouvrir cette
question dans un cadre communautaire.

L’avenir de la création culturelle à l’heure du numérique était précisément
le sujet qui nous a réuni en novembre dernier en Avignon pour le sommet
culturel G8-G20 : nous avons pu partager avec nos partenaires nos
convictions sur la nécessité de préserver les droits d’auteur, qui protègent
et rémunèrent les créateurs, sur la nécessité de garantir une offre légale
diversifiée des contenus culturels en ligne, de lutter de manière
coordonnée contre le piratage des oeuvres, de partager, de manière
générale, notre responsabilité face à cette grande transition qui concerne
l’ensemble des secteurs de la culture et de la communication.

À l’occasion de ce très beau moment d’amitié franco-danois qui nous réunit
ce soir, je formule le souhait que dans tous ces domaines, face à notre
responsabilité commune sur les engagements à prendre, le dialogue avec
votre gouvernement puisse être le plus fructueux possible.

Je vous remercie.