À l’heure où l’œuvre du photographe rejoint les collections nationales, la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, qui conserve l’intégralité du fonds exceptionnel de Willy Ronis, présente, à partir du 12 septembre, l’exposition "Transmission" au ministère de la Culture et de la Communication. Trois questions à Gilles Désiré dit Gosset, son directeur.
Photographe humaniste, Willy Ronis a fait le choix de donner l’ensemble de son œuvre à l’État.
Willy Ronis, avec Robert Doisneau et Édouard Boubat notamment, est un des acteurs majeurs du mouvement des photographes humanistes auquel la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine fait une large place dans ses collections. Avec cette dotation, on se trouve dans un cas rare où une figure majeure de la photographie du 20e siècle en France fait don de l’intégralité de son œuvre à l’Etat. Un trésor réuni au terme d’un processus de près de 30 ans. La première donation remonte en effet à 1983, au moment où l’œuvre de Willy Ronis qui était déjà âgé – le photographe a la particularité d’avoir vécu presque cent ans, il est né en 1910 et mort en 2009 – commençait à être connue internationalement. Une deuxième donation a suivi à 1989. Elles ont été complétées par le testament du photographe en 2009. Mais ce n’est qu’à la fin du règlement de succession que la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine s’est trouvée en possession de l’ensemble de son œuvre. C’est peu dire que nous sommes heureux et honorés. À présent, l’inventaire scientifique va pouvoir commencer.
"Transmission" est une mise en bouche, un appel lancé aux chercheurs pour qu’ils travaillent sur ce fonds et le fassent connaître au public. C’est un premier jalon dans une histoire qui, je l’espère, va connaître de nombreux développements dans les années à venir
En quoi cette donation est-elle exceptionnelle ?
C’est un ensemble très complet qui comprend des négatifs, des tirages de lecture, des planches-contact, mais aussi toutes les archives qui permettent de documenter l’œuvre de Willy Ronis et constituent l’histoire de sa vie et de son travail d’artiste. Encore une fois, il est rare d’avoir un ensemble aussi vaste et multiforme concernant un photographe. Qui plus est, c’est un fonds emblématique de la mission assignée à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine qui s’attache en premier lieu à conserver des fonds d’archives de photographes les plus complets possibles. Notre politique de préservation de fonds photographiques va des tirages pouvant être exposés dans les musées à l’ensemble des documents et archives qui vont permettre aux chercheurs et conservateurs d’écrire l’histoire de cette œuvre. Nous voulons préserver des fonds photographiques dans leur intégrité et si possible dans leur intégralité.
Comment avez-vous conçu l’exposition organisée au ministère de la Culture et de la Communication ?
De nombreuses expositions d’envergure ont déjà rendu hommage au travail de Willy Ronis par le passé, d’autres le feront à l’avenir. L’exposition organisée au ministère de la Culture et de la Communication, de format plus modeste, est l’occasion de présenter au public la diversité du fonds. Nous présentons quelques tirages photographiques parmi les plus connus ainsi que des éléments d’archives et de sa bibliothèque. Mais nous donnons surtout une place centrale aux albums qui forment un ensemble important de la donation. Au fur et à mesure des donations de 1983 et 1989, puis au moment de la rédaction de son testament, Willy Ronis a en effet fait réaliser sous son contrôle par le ministère un certain nombre d’albums contenant une sélection de tirages – 590 au total – accompagnés de ses propres commentaires. Ils sont en quelque sorte le choix par l’artiste de la quintessence de son œuvre. Nous allons d’ailleurs travailler avec l’agence photographique de la Réunion des musées nationaux pour publier l’ensemble de ces albums. Dans l’exposition, le quatrième album défilera sur des écrans. L’exposition que nous organisons est donc une mise en bouche, un appel lancé aux chercheurs, aux conservateurs et aux opérateurs pour qu’ils travaillent sur ce fonds et le fassent connaître au public. C’est un premier jalon dans une histoire qui, je l’espère, va connaître de nombreux développements dans les années qui viennent, à commencer par cette publication des albums avec l’agence photographique de la Réunion des musées nationaux que j’appelle de mes vœux.
Médiathèque de l’architecture et du patrimoine : un fonds riche de 15 millions de négatifs et 4 millions de tirages
La Médiathèque de l’architecture et du patrimoine est, de l’aveu de son directeur, Gilles Désiré dit Gosset « un objet patrimonial non identifié ». Son nom lui-même, qui ne recouvre pas totalement sa raison sociale, brouille les pistes. La médiathèque est en effet un service d’archives et non une bibliothèque de lecture publique comme on pourrait l’imaginer. Ensuite, si elle préserve les archives des monuments historiques, il ne s’agit pas de sa seule mission. « L’administration des monuments historiques s’est intéressée très tôt, dès le 19ee siècle, au medium photographique, notamment pour sa qualité documentaire, un goût qu’elle a en quelque sorte transmis à la médiathèque. Aujourd’hui, celle-ci est l’héritière d’un certain nombre de fonds photographiques qui dépassent l’administration des monuments historiques. On y trouve des fonds de grands auteurs – André Kertész, René-Jacques, Marcel Bovis – mais aussi les archives de l’atelier Nadar, du studio Harcourt, ou du studio Sam Lévin. Avec une collection de 15 millions de négatifs et 4 millions de tirages, la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine est l’un des fonds les plus riches de France, voire d’Europe », précise Gilles Désiré dit Gosset.
Exposition du 12 septembre au 25 novembre 2016, Entrée libre - du lundi au vendredi, de 8h30 à 20h
Ministère de la Culture et de la Communication, Espace d'exposition des Bons-Enfants, 182, rue Saint Honoré, Paris 1er