Éclectique et exigeant, le Salon du livre et de la presse jeunesse dont la 32e édition s'ouvre le 30 novembre à Montreuil, poursuit un travail essentiel de médiation entre le livre et le jeune public. Entretien avec Sylvie Vassallo, sa directrice.
Faire découvrir comment les livres pour enfants nous bousculent : c’est le thème de la 32e édition du SLPJ, « Sens dessus dessous ». Pourquoi avoir choisi cette problématique ?
Le monde est sens dessus dessous, l’enfance et l’adolescence sont des périodes délicates, fragiles, sensibles. Le thème que nous avons choisi fait écho aux bouleversements intimes comme aux interrogations de la société, aux soubresauts du monde. La littérature n’est pas là pour apporter des réponses, une pensée clé en main, mais elle permet d’appréhender ces bouleversements, de les nommer, de les vivre. Elle touche le sensible, elle dessine des points de perspectives aux interrogations de la jeunesse. Les auteurs invités, leurs ouvrages, questionnent de manières diverses l’expression sens dessus dessous. On évoquera aussi les bouleversements du livre lui-même. Aujourd’hui l’objet livre – papier, matières, reliures, supports – se remet en cause. Il se renouvelle dans sa forme, son interactivité avec les jeunes lecteurs. L’exposition « La règle et le jeu » met en scène ces recherches et ces explorations sensorielles de la lecture.
La littérature n’est pas là pour apporter des réponses, une pensée clé en main, mais elle permet d’appréhender les bouleversements intimes comme ceux de la société, de les nommer, de les vivre
Face à la grande richesse de la production éditoriale jeunesse, le Salon du livre et de la presse jeunesse à Montreuil joue un rôle indispensable : celui de passeur. Quelles innovations proposez-vous cette année pour rendre encore plus accessible aux enfants la littérature jeunesse ?
La toute première innovation concerne les conditions d’accès au Salon. Les trois premiers jours seront entièrement gratuits cette année. Les jours suivants l’entrée sera à 1 euro pour les adultes, puisque pour tout billet à 5 euros acheté en ligne, un chèque lire de 4 euros sera remis à l’entrée du salon. Pour les enfants le salon est gratuit tous les jours. Notre rôle de passeurs consiste aussi à ouvrir grand les portes de notre événement et à tous.
Autre nouveauté, la création de quatre scènes où la rencontre avec la littérature et les auteurs invités se fera, tout au long du Salon, sous des formes diverses allant de la rencontre traditionnelle aux lectures plus spectaculaires. Ces scènes (littéraires, vocale et BD) ainsi que la scène des Pépites consacrée aux ouvrages en compétition pour nos prix littéraires, vont accueillir des écrivains dont les œuvres sont parmi les plus lues des enfants et des jeunes. Par exemple Jeff Kinney qui viendra fêter la sortie du tome 10e de Journal d’un dégonflé, Timothée de Fombelle qui sera présent avec Alban de la Simone pour lire et chanter Georgia, Matthew Kirby, l’auteur de Assassin’s creed… Et samedi de 17 à 19 heures la programmation du Salon sera 100% consacrée à la bande dessinée.
Production, exportation, variété, diffusion… En 2015, le livre jeunesse a affiché une nouvelle fois une éclatante vitalité économique (625 M€ de chiffre d’affaires, soit le 2e marché du secteur de l’édition). Pourquoi, selon vous, des résultats aussi remarquables ?
Cette bonne santé globale est à mon avis le résultat d’un faisceau de circonstances : l’attention que toute la société (parents, éducateurs…) porte à la lecture des enfants, l’existence de politiques de la lecture bien ancrées, nous avons un grand réseau des bibliothèques publiques et un fort soutien à la création et aux librairies, à la fois du point de vue de l’État et des collectivités territoriales et enfin, des auteurs, des illustrateurs et des éditeurs de talent. Je pense que tout cela concourt à la vitalité économique du secteur. Mais il faut en même temps rester attentifs aux fragilités que cette vitalité peut masquer comme la difficulté des auteurs à vivre de leurs créations, celle des petits éditeurs à se faire une place dans ce marché… Et, bien entendu, rester lucide sur le recul des pratiques de lecture qui concerne également les jeunes évidemment.
Parmi d’autres initiatives, le ministère de la Culture et de la Communication organise chaque été, avec le Centre national du livre, en partenariat avec le SLPJ, une grande fête du livre jeunesse. Cette manifestation est-elle le prolongement naturel du Salon ?
À mon sens, l’intérêt de cette nouvelle initiative du ministère de la Culture et de la Communication avec le Centre national du livre est d’avoir mis en lumière tout ce qu’il y avait encore à faire du côté de la lecture dans les temps de loisirs collectifs des enfants. La vitesse à laquelle l’initiative a pris témoigne de la disponibilité des médiateurs du livre et de l’enfance à agir sur ce terrain.
Ce qui me marque surtout, c’est le potentiel qui existe dans la rencontre entre les acteurs plus traditionnels du livre et ceux du monde des vacances, des loisirs, du tourisme. De cette alliance naissent des formes de rendez-vous littéraires originaux, ludiques, dans des lieux inattendus. Pour tout cela, en effet, nous avons investi cette manifestation comme un prolongement naturel du Salon, mais un prolongement qui heureusement nous dépasse largement.
Le Salon du livre jeunesse, c’est aussi...
- des prix littéraires, les « Pépites », décernés par un jury d’enfants
- un concours du premier roman jeunesse
- une exposition de 7 artistes européens engagés dans le projet Transbook (expérimentation de nouvelles façons d’appréhender la lecture par le numérique)
- un parcours d’éducation à l’image pour les élèves de 15 classes d’Ile-de-France
- une journée professionnelle le 5 décembre
- une conférence le 2 décembre sur les innovations numériques
- le projet « Des livres à soi » : une innovation sociale du Salon, lauréat 2013 de l’appel à projets « La France s’engage »