Première capitale française de la culture, Villeurbanne mobilise toutes les énergies au service de la plus belle des causes : la vitalité culturelle. Dernier volet de notre feuilleton : Vivre ensemble en promenades.
En 2008, la ville de Villeurbanne fondait le Rize, un lieu culturel résolument en avance sur son temps. Qu’on en juge d’après les termes de sa mission : « transmettre un récit partagé de Villeurbanne, construit à partir de plusieurs voix, des archives, du territoire, des mémoires des habitants et des travaux des chercheurs qui lui sont associés ».
Il fallait un géographe comme Vincent Veschambre, professeur de sciences sociales et grand familier du terrain, pour orchestrer ici une équipe de passionnés de l’action culturelle, à la pointe d’une pratique de l’écoute et de l’étude, où les chercheurs, les médiateurs et les habitants échangent sans freins leurs sensibilités et leurs idées, pour la cause du « vivre ensemble ».
Parmi toutes ses formes d’action, très tôt, le Rize a lancé des « balades urbaines ». On commença bien sûr par le quartier des Gratte-Ciel, cet ensemble architectural impressionnant, construit dans les années 30 au centre de Villeurbanne. On proposait aussi une balade sur le patrimoine industriel de la ville, et une autre destinée à recroiser le thème de l’exposition annuelle, comme, cette année 2022, cette singulière balade dans Villeurbanne « à hauteur d’enfant »
« Quand Stéphane Frioux (adjoint à la Culture et à la Vie étudiante), qui construisait la candidature de Villeurbanne au label « capitale française de la culture », est venu nous proposer de produire d’un coup 22 balades urbaines, on a été un peu intimidés ! » nous raconte le directeur, Vincent Veschambre. « C’était formidable, aussi, de voir que le label nous en donnait l’opportunité et les moyens. Nous avons pu créer un poste supplémentaire de médiation, construire les liens qui nous permettent de confier la conception et la réalisation de la moitié de ses balades à de nouveaux partenaires, et, de notre côté, produire les onze autres, puis coordonner cet ensemble de propositions. »
Un grand défi, avant tout, quant aux formes proposées : « A première vue, poursuit-il, nos balades urbaines sont inspirées de la visite-conférence, forme bien connue, un peu conventionnelle. En réalité, ce gros travail de programmation nous a confirmé combien cette forme recèle de plasticité. Elle peut admettre quantité de langages, d’esthétiques et de croisements de paroles tout à fait divers et originaux.
« Avec cette proposition hors des sentiers battus, on fait ce pari que les habitants de Villeurbanne vont se montrer en capacité, eux aussi, de nous en apprendre, avec toutes leurs histoires, très riches dans une ville comme celle-ci, pas forcément très spectaculaires et pourtant très fortes, des pépites d’or. »
Lisa Munck-Cheucle, chargée de médiation au Rize : « Les balades confiées à nos partenaires sont plutôt événementielles et font souvent appel à la création artistique. Elles peuvent rassembler plus de cent personnes. Par exemple, la balade du Chaâba : les socles commun de l’exil, mélange l’esprit du carnaval avec le regard, les archives et la parole de ceux qui se souviennent de ce bidonville disparu : témoignages vidéo, musique de fanfare, chœur d’enfants.
« La balade « sur la frontière entre Lyon et Villeurbanne » sera aussi très participative. Conçue avec le musée d’histoire de Lyon, elle partira à la recherche d’une frontière – au XIVème siècle c’était celle du royaume – que la nappe urbaine a rendu presque insensible. Autre variation : la balade du campus universitaire « la Doua, lieux communs ? ». Trois voix se croiseront, la nôtre, qui apportera des précisions géographiques et historiques, celle du CAUE (Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement) qui viendra nous apprendre à porter un regard neuf sur cette architecture des années 70, et enfin celle des habitants, en l’occurrence les associations étudiantes, la voix du quartier tel qu’il est vécu. Le CLUJI, notamment, nous embarquera dans une autre dimension : un jeu créé à partir des spécialités scientifiques de l’INSA. »
On l’aura compris, ces balades sont aussi des moments inattendus où l’intérêt de chacun s’éveille et surprend. Le Rize cultive ces opportunités, notamment auprès des jeunes. « Les jeunes ne manquent pas d’histoires à nous raconter sur ce qu’ils vivent et comment ils s’approprient l’architecture de leur quartier. Nous essayons de prolonger cela en mobilisant les réseaux sociaux. Actuellement nous créons des comptes « Curieux détours », « zônes d’expression patrimoniale libre », bientôt une chaîne Youtube.
A noter enfin que « Curieux détours » est aussi un festival dont la première édition concentrera ces 22 balades sur cinq semaines, entre les Journées du patrimoine et les Journées nationales de l’architecture.
Le Rize : des ressources et des compétences plurielles
Le partenariat des Archives municipales et d’une médiathèque, notamment pour le fond « vie locale » qu’elle conserve, un pôle de chercheurs, qui continue à produire des connaissances sur cette histoire et ce territoire de Villeurbanne, un pôle action culturelle, qui réalise des expositions et construit des médiations, in situ et hors les murs, et un cinquième pôle, « ressources », pour irriguer tout cet ensemble, mais ce n’est pas tout : des espaces d’exposition aux archives municipales, à la médiathèque et au Rize, complétés d’une salle de spectacle, idéale pour les projections cinématographiques, et d’un café, lieu convivial ouvert aux habitants, aux associations et aux collectifs pour des réunions et des échanges plus intimes, telle sont les composantes d’une institution pas tout à fait comme les autres : le Rize.
Passerelle entre le passé et le présent, entre le local et l’universel, le Rize, une institution culturelle de la municipalité de Villeurbanne, aide à mieux comprendre la ville d’aujourd’hui et de demain. Le label « Capitale française de la culture » 2022 lui permet d’étoffer son offre au service du patrimoine de Villeurbanne.