Alors que son fonds photographique vient d'entrer dans les collections nationales, la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine consacre, jusqu'au 29 septembre, à Paris, une rétrospective passionnante à l'un des maîtres de la photographie humaniste : Willy Ronis (1/2).
En 2016, soit sept ans après le décès du photographe, le fonds Willy Ronis a fait son entrée officielle dans les collections nationales. Une donation exceptionnelle, qui a été confiée par le ministère de la Culture à la médiathèque de l’architecture et du patrimoine (MAP), chargée de conserver et valoriser le patrimoine photographique de l’État. « Willy Ronis a choisi de faire don de son œuvre à l’État afin de la partager avec le plus grand nombre. Nous souhaitions célébrer l’accomplissement de cette volonté en organisant une grande exposition rétrospective en plein Paris, dans son quartier de prédilection : Belleville », explique Gérard Uféras, l’un des exécuteurs testamentaires du photographe, en charge – avec Jean-Claude Gautrand – du commissariat de l’exposition « Willy Ronis par Willy Ronis ».
Cette « exposition d’amitié » organisée, du 27 avril au 29 septembre 2018, au Pavillon Carré de Baudouin, revient sur le parcours de Willy Ronis (1910-2009) à travers un biais particulier : le regard rétrospectif de l'artiste lui-même. Dès 1985, le photographe s’est en effet plongé dans son œuvre pour sélectionner ce qu’il considérait comme l’essentiel de son travail. Il en résulte un précieux « testament photographique » constitué de six albums inédits qui comportent 590 images, capturées de la fin des années 30 jusqu’aux années 90. Avec une précision stupéfiante, Willy Ronis a pris soin de noter les circonstances de la prise de vue et les souvenirs qui se trouvent liés à chacun de ces clichés, donnant ainsi corps à ce vaste ensemble.
Willy Ronis incarnait à la fois une humanité prodigieuse, une immense sensibilité – elle se voit sur les photos – et une très grande intelligence
Une exposition en neuf chapitres
Le début de l’exposition, au rez-de-chaussée du bâtiment, fait écho au premier ouvrage de Willy Ronis, Belleville Menilmontant, paru en 1954, et livre aujourd’hui un témoignage hors-pair sur un Paris aujourd’hui disparu. On y contemple la vie sociale simple, modeste et insouciante de ce quartier, empreinte de solidarité, que le photographe s’attache à saisir au détour d’un bistrot, d’un atelier ou d’une arrière-cour. A l’étage, d’autres thème se déploient : le monde ouvrier et ses luttes – que Willy Ronis approche avec complicité et finesse –, la banlieue, la province, l’étranger et enfin l'intime, reflet de l’osmose qui existait entre le photographe et son appareil, bien au-delà de la sphère professionnelle. Les nombreux autoportraits, les nus et les débuts du jeune Willy Ronis assurent la jonction entre les deux parties de cette exposition.
« On avait vraiment envie que les gens puissent rencontrer Willy. Il incarnait à la fois une humanité prodigieuse, une immense sensibilité – elle se voit sur les photos – et une très grande intelligence. Il était humble », précise Gérard Uféras. « A nous maintenant de déambuler, de rentrer dans son monde, qui est un monde d’ouverture d’esprit et de cœur », complète Jean-Claude Gautrand. Et de poser, avec lui, un regard poétique et tendre sur le genre humain.
Willy Ronis par Willy Ronis
Prolongée jusqu'au 2 janvier 2019
Pavillon Carré de Baudouin
121 rue Ménilmontant, à Paris
De 11h à 18h du mardi au samedi
Entrée libre
Médiathèque de l’architecture et du patrimoine : un fonds riche de 15 millions de négatifs et 4 millions de tirages
« Avec une collection de 15 millions de négatifs et 4 millions de tirages, la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine est l’un des fonds les plus riches de France, voire d’Europe », assure Gilles Désiré dit Gosset, son directeur. C'est aussi, de son propre aveu, « un objet patrimonial non identifié ». Son nom lui-même brouille les pistes : plus qu’une bibliothèque, la médiathèque est en effet un service d’archives qui ne se limite pas à la gestion des documents relatifs aux monuments historiques. « L’administration des monuments historiques s’est intéressée très tôt, dès le 19e siècle, au medium photographique, notamment pour sa qualité documentaire, un goût qu’elle a en quelque sorte transmis à la médiathèque. Aujourd’hui, celle-ci est l’héritière d’un certain nombre de fonds photographiques qui dépassent l’administration des monuments historiques. On y trouve des fonds de grands auteurs – André Kertész, René-Jacques, Marcel Bovis – mais aussi les archives de l’atelier Nadar, du studio Harcourt, ou du studio Sam Lévin », conclut Gilles Désiré dit Gosset.