Alors que Fleur Pellerin a lancé le 11 mars la 20e édition de la Semaine de la langue française et de la Francophonie, nous poursuivons notre enquête sur les villes et villages partenaires de la manifestation. Aujourd’hui, ces cités qui font de l’intégration et de l’ouverture un combat culturel : Marseille, Boissy-Saint-Léger et Rumilly (2/2).
« Un engagement pour la francophonie»
Gilbert Ceccaldi, conseiller culturel à la mairie de Marseille
La Semaine de la langue française et de la Francophonie fait partie intégrante du Printemps de la francophonie de Marseille – un temps festif de six semaines que nous offrons depuis 2012 aux amoureux de la langue française du 14 mars au 30 avril. Un tel engagement a du sens à Marseille, plus ancienne ville de France, fondée sur des vagues d'émigrations successives. Ici, la francophonie s'appréhende chaque jour sous sa double spécificité : la culture francophone et la maîtrise de la langue française. On le voit, par exemple, dans les centres sociaux des quartiers, où les ateliers d'écriture font le plein toute l'année, avec une forte production de slam. Depuis que les jeunes de ces ateliers se rendent compte que leur travail s'inscrit dans un cadre officiel plus global – la Semaine de la langue française – ils se sentent valorisés. Nous avons aussi le concours d'écriture créé par l'Alliance française de Marseille avec cinq autres Alliances françaises. Avec ses mille étudiants, l'Alliance française est une autre spécificité marseillaise rare, liée à son histoire de terre d'accueil des cultures d'au-delà des mers. Cette année, le sujet est « Marseille terre d'accueil », en écho au thème de l'opération « dis-moi dix mots que tu accueilles ».
« Rendre lisible la question de la langue écrite et parlée à Marseille »
En cette année où Marseille est labellisée ville partenaire de la francophonie, nous avons entraîné de nouveaux lieux partenaires comme le MuCEM et le théâtre national de La Criée. L'éventail de l'offre va du festival de chansons françaises aux ateliers du goût et du savoir-vivre à la française en passant par la découverte d'auteurs francophones. Je ne cherche pas un résultat événementiel, ni à augmenter le degré de joyeuse confusion d'une ville déjà animée et hyperactive en permanence. Il s'agit de persuader les lieux culturels d'intégrer le thème de la francophonie au moment où ils construisent leur programmation. Il s'agit de rendre lisible la question de la langue écrite et parlée à Marseille. Y compris de ce langage « francophone » qu'est le parler marseillais, toujours vivace et créateur de mots.
« Une intégration ludique »
Nassurdine Hassani, directeur adjoint du centre de loisirs de Boissy-Saint-Léger
Le Club des jeunes de Boissy-Saint-Léger propose depuis quatre ans « J'épelle », un concours intercommunal d'orthographe qui inclut les dix mots de la Francophonie. Il se déroule à travers dix villes du Val-de-Marne (résultat en constante progression) et propose deux variantes : « Jeu boxe avec les mots », inspiré du Scrabble, et « Les Rois des mots », sur un modèle de jeu américain. Cette année, la ville de Boissy est agréée pour la première fois ville partenaire de la francophonie. C'est un honneur pour nous, et c'est aussi la reconnaissance du travail autour de la langue française que nous menons à l'année avec un grand nombre de centres de loisirs et d'écoles du département. Le 18 mars, la finale du concours « Les Rois des mots » va se dérouler dans les salons du ministère de la Culture et de la Communication, en présence de Fleur Pellerin. Il y aura forcément un peu de stress chez les jeunes des classes de 6e et 5e qui ont été invités.
« Être à l'aise avec les mots, aimer l'orthographe et l'étymologie »
Pour créer « Les Rois des mots », je me suis inspiré du « National spelling bee », un jeu d'épellation né en 1930. J'avais fait voir aux jeunes du Club le film de Doug Achitson, « Les mots d'Akeelah », montrant les performances d'une jeune championne. Ils avaient adoré. Ce que je trouve beau dans notre concours, c'est qu'il ne créé pas de mauvaise concurrence. Son but est de mettre à l'aise avec les mots, de faire aimer l'orthographe. Prenez le mot grigri mis à l'honneur cette année. Beaucoup de jeunes Africains sont fiers qu'il ait été choisi et mis en avant. C’est une forme d'intégration ludique. Ils n'utiliseront peut-être plus jamais le mot sérendipité, mais en ayant travaillé sur lui, sur son étymologie, ils en connaissent le sens et entendent sa musicalité. Quant à moi, si j'avais un mot à choisir ce serait kermesse. Je sais aujourd'hui qu'il vient du mot kermes, un chêne méditerranéen.
« Une langue d'aujourd'hui avec l'arrivée de populations nouvelles »
Danièle Darbon, adjointe aux affaires culturelles de la mairie de Rumilly (Rhône-Alpes)
Conjuguée avec le Printemps des poètes, la Semaine de la langue française est un temps fort de la vie des Rumilliens. Beaucoup de restitutions ont lieu au « Quai des arts », un lieu culturel et social fort de la ville ouvert voici cinq ans, qui propose des ateliers pour tous les goûts et tous les âges, dont des ateliers théâtre et langue des signes. Cette année, le mot « zénitude » inspire un concours de photos tandis que les mots « amalgame » et « kermesse » préludent à la sélection de chants interprétés par la chorale d'adultes. L'école de musique est très active, en particulier la classe de percussions vocales où l'on accompagne rythmiquement des phrases composées avec les dix mots. Le musée communal « Notre histoire » s'associe à la manifestation de manière inédite, en direction du public d’un foyer d'accueil pour personnes en attente de papiers officiels. A ces futurs nouveaux Rumiliens, le musée propose un échange autour des collections du musée et une balade urbaine en guise de première approche de la ville.
« Les gens mettent beaucoup d'eux-mêmes »
Avec l'arrivée de populations nouvelles, parmi lesquelles beaucoup de jeunes parents, Rumilly tisse du lien social tout au long de l'année entre les générations. Sur 12 000 habitants, nous comptons plus de cinq mille jeunes depuis la maternelle jusqu'à post-bac. Les activités culturelles que nous proposons à l'année – ateliers, spectacles participatifs – permet le croisement des regards avec ces publics très ouverts. Les textes qui s'y produisent montrent une langue française d'aujourd'hui où les gens mettent beaucoup d'eux-mêmes.
F. Pellerin : «Permettre à chacun d'habiter notre langue»
« A l’heure où nous devons plus que jamais renforcer notre sentiment d’appartenance, la langue française, vecteur de lien social, creuset de citoyenneté, enjeu majeur dans la lutte contre les inégalités, est au cœur des priorités du Gouvernement », a assuré Fleur Pellerin lors du lancement le 11 mars de la 20e édition de la Semaine de la langue française et de la Francophonie. Un enjeu qui se déploie, selon la ministre, dans plusieurs directions. « Nous avons pris un certain nombre de mesures concrètes pour encourager la maîtrise de la langue », a-t-elle souligné, et, côté éducatif, « le plan pour l’éducation artistique met l’accent sur la langue ». Un enjeu qui fait écho, aussi, au thème de la manifestation, « le français, langue d’hospitalité ». « Partagée par plus de 220 millions de locuteurs dans le monde, la langue française est la langue de la diversité culturelle », a relevé Fleur Pellerin. Dans l’Hexagone, de nombreuses manifestations sont prévues dans le réseau culturel – médias, librairies et musées – mais aussi, pour la première fois, au siège du ministère de la Culture et de la Communication. Pour ces Rendez-vous à Valois exceptionnels, on pourra voir, le 16 mars, un match d’improvisation, le 17 mars, un marathon littéraire, comprenant une lecture de l'écrivain Dany Laferrière dans sa... baignoire et, le 18 mars, la finale d’un concours d’orthographe.