Alors que la conférence internationale d’Abou Dabi vient de déboucher sur une double initiative en faveur du patrimoine en danger, une exposition, inaugurée le 14 décembre au Grand Palais par François Hollande et Audrey Azoulay en présence de la directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, présente quatre sites archéologiques emblématiques actuellement situés dans des zones de conflit.

Khorsabad, Palmyre, la Grande Mosquée de Damas, le Krak des Chevaliers. Ces quatre sites archéologiques majeurs, classés au patrimoine de l’humanité, ont un point commun : situés en Irak et en Syrie, ils ont subi, depuis le début du conflit avec le groupe État islamique, des attaques en règle de la part des terroristes, qui visaient la mémoire dont ils sont porteurs. Comme eux, toute une partie du patrimoine mondial située dans des zones de conflit est aujourd’hui en danger.

Pour protéger ce patrimoine, une importante initiative diplomatique, dont la France et les Émirats arabes unis sont à l’origine, vient d’aboutir, le 3 décembre, lors de la conférence internationale d’Abou Dabi sur le patrimoine en danger, sur une déclaration quiprévoit le lancement d’un fonds mondial pour le patrimoine en danger et la création de villes-refuges. « En prétendant détruire un patrimoine, ce fanatisme s'en prend à la diversité des civilisations et donc à l'unité du genre humain », a assuré le Président de la République, à Abou Dabi.

Nous avons voulu rendre accessibles ces sites qui ne le sont pas et montrer la beauté de ces œuvres (Jean-Luc Martinez, président-directeur du musée du Louvre)

En complément de cette initiative, il importe également de montrer que cette mémoire est toujours vivante, en dépit des dommages et destructions qu’elle a subits. C’est ce que fait une passionnante exposition, inaugurée le 14 décembre par le Président de la République, la ministre de la Culture et de la Communication et le directrice générale de l'Unesco au Grand Palais, à Paris : Sites éternels. De Bâmiyân à Palmyre. Voyage au cœur des sites du patrimoine universel. Conçue par Jean-Luc Martinez, président-directeur du musée du Louvre et auteur en novembre 2015 d’un rapport sur la sauvegarde du patrimoine en danger, cette exposition gratuite permettra de réaliser une véritable expérience immersive au cœur de ces sites grâce à un film en 3D conçu par la start-up française Iconem.

Grâce à un dispositif particulier, ce film a été réalisé pour l’essentiel avec des relevés des sites archéologiques en 3D réalisées par la start up, qui poursuit son travail y compris en zone de conflits grâce à des drones. Ces prises de vues photogrammétriques permettent de produire de véritables doubles numériques des vestiges, qui ont été combinés avec des documents tels que des photos anciennes, des gravures, des aquarelles, donnant ainsi la mesure de leur évolution dans le temps. « On utilise beaucoup les drones. Des algorithmes et de gros calculateurs nous permettent ensuite de reconstruire des environnements photo réalistes à partir de ces images », explique Yves Ubelmann, cofondateur d’Iconem, qui travaille en partenariat avec l'Inria (institut national de recherche en informatique et en automatique), qui a signé par ailleurs une convention avec le ministère de la Culture et de la Communication le 12 décembre.

Placé au cœur de l’exposition, le film sera accompagné par plusieurs dispositifs : quatre objets très importants des collections du musée du Louvre sur les sites concernés rappellent la force du témoignage de l’objet archéologique et l’importance des collections des musées universels dans le partage de ce patrimoine commun ; un Laboratoire des images, conçu comme un cabinet de curiosités, apportera un éclairage sur les méthodes utilisées par les scientifiques, depuis le XVIIe siècle jusqu’à nos jours, pour documenter leurs découvertes et reconstituer le fil de l’Histoire ; enfin, l’exposition présentera une expérience de réalité augmentée dédiée à la reconstruction virtuelle de l’Arche de Palmyre et les témoignages de quatre personnalités du monde artistique du Proche Orient sur les destructions du patrimoine mondial. « Nous avons voulu rendre accessibles ces sites qui ne le sont pas et montrer la beauté de ces œuvres », souligne Jean-Luc Martinez.

Patrimoineprocheorient.fr, un site internet pour mieux appréhender les civilisations du Proche-Orient

C'est avec la même ambition de sensibilisation du grand public que le ministère de la Culture et de la Communication a conçu Patrimoineprocheorient.fr. Son but :  faire connaître, grâce aux outils numériques, les lieux inscrits dans l’histoire de l’humanité attaqués ou inaccessibles. S'appuyant sur des outils et technologies numériques au service du patrimoine, de sa connaissance et de sa préservation, ce site permet la poursuite du travail des chercheurs et donne à voir ce que furent les civilisations et les sites archéologiques aujourd’hui menacés ou détruits, notamment :la ville antique de Palmyre en Syrie, devenue le symbole du patrimoine en péril et partiellement détruite ; la ville antique de Mari sur les bords de l’Euphrate en Syrie ; le site archéologique mésopotamien de Khorsabad en Irak ; la mosquée des Omeyyades de Damas ; le Krac des Chevaliers, joyau de l’architecture militaire des XIIème et XIIIème siècles. Patrimoineprocheorient.fr s’appuie sur l’expertise du ministère et particulièrement sur sa collection numérique de référence, « Grands sites archéologiques », déjà lauréate de plusieurs distinctions, notamment pour le site de la grotte Chauvet. La richesse des collections du ministère a permis à la start-up Iconem, grâce à la numérisation et à la mise à disposition de photos d’archives inédites, et sur la base de ses relevés 3D réalisés par drone, de reconstituer un modèle 3D de l’arche de Palmyre. A noter : pour faciliter les nombreuses contributions individuelles, le site offre également la possibilité de participer à la reconstitution numérique d’un site archéologique ou d'un objet, en envoyant ses propres photographies, comme l'a fait un aérophotographe avec ses exceptionnelles vues aériennes de Palmyre, ou en faisant un don, grâce à un partenariat avec la plate-forme de financement participative Commeon.