Inaugurée le 10 juillet à Metz par Aurélie Filippetti, une commande publique réalisée par le sculpteur allemand Stephan Balkenhol rend hommage à Jean Moulin, héros de la Résistance mort il y a 70 ans.

A hauteur d'homme. « J'ai voulu montrer Jean Moulin comme un être humain, un quidam auquel chacun peut s'identifier ». Choisi par la ville de Metz et l’État pour réaliser une commande publique pour le 70e anniversaire de la mort du héros de la Résistance, Stephan Balkenhol avait une idée précise : représenter Jean Moulin « à hauteur d'homme ». Au cœur de la gare de Metz – Jean Moulin y est officiellement mort le 8 juillet 1943 – l'artiste allemand a choisi de composer un groupe de quatre sculptures en pied, dont celle de Jean Moulin. Les trois autres figures – un symbole de l'armée des ombres de la Résistance ? – sont présentées comme des bas-reliefs. « Je ne voulais pas élever le personnage, explique-t-il, mais lui donner une présence, une présence subtile. Le voyageur peut passer à côté chaque jour sans s'en apercevoir, et le jour où il se sentira interpelé, il se dira que c'est une personne parmi d'autres ».

In situ. Placée en hauteur sur la traverse d'une arche de salle des pas perdus, l'installation en bronze de Stephan Balkenhol permet d'être au cœur de l'activité de la gare, même si l'artiste envisageait un autre dispositif, plus radical : « Ma première idée avait été de la fondre dans la masse des voyageurs ». Il n'empêche : en limitant la hauteur de son installation à 2,70 mètres, l'artiste évite la « distance » communément attribuée aux héros, perçus comme intouchables, et rapproche Jean Moulin de la foule des voyageurs. Un dispositif dont se félicite Aurélie Filippetti : « En concevant son œuvre en résonance avec la gare de Metz, classée monument historique, Stephan Balkenhol donne une nouvelle dimension à la création dans l'espace public. Il permet à tous de réfléchir de façon inédite sur la question de l'histoire, du héros, de ces hommes qui ont façonné notre destin collectif ».

Espace public. Cette réalisation s'insère aussi dans la réflexion plus large que la ministre de la Culture et de la Communication a souhaité ouvrir le 16 avril avec le lancement de la mission nationale pour l'art et la culture dans l'espace public (MNACEP) présidée par Jean Blaise. Les 7 et 8 juillet, la MNACEP vient de tenir à Nantes sa première séance de travail hors-les-murs sur la problématique suivante : « Construire dans l'espace public ». Depuis sa création, cette mission ne cesse d'élargir son champ, tout en restant fidèle à sa philosophie : « autour de l'enjeu commun que constitue l'espace public, il faut susciter des projets artistiques qui éveillent la curiosité du public », souligne Jean Blaise. Une démarche ouverte qui vient de trouver à Metz une illustration inédite avec « Hommage à Jean Moulin ».

Stephan Balkenhol, la puissance du neutre

Puissance, élégance, humour, simplicité, telles sont quelques unes des caractéristiques de la sculpture de Stephan Balkenhol. Né en 1957 en Allemagne, l'artiste développe une œuvre où la « figure » joue un rôle essentiel. Depuis les années 1980, il fait émerger de troncs d'arbres bruts des personnages archétypaux – hommes, femmes, animaux – à l'expression ouverte, « neutre », selon l'artiste. Passé maître dans l'art et la manière d'investir un espace public, les installations de Stephan Balkenhol – le monument pour la liberté et l'unité à Berlin, ou sa sculpture Balanceakt pour la maison d'édition Springer à Berlin, son travail dans la tour de l'église Sainte Elisabeth à Kassel – créent l'étonnement, la surprise. Le 10 juillet, Aurélie Filippetti l'a fait chevalier des Arts & Lettres.