Initiative des ministères de la Culture et de la Justice, l’ouverture au public, le 3 juillet, des archives du procès Barbie replace les fonds archivistiques dans leur fonction d’objet citoyen. Retour sur les enjeux mémoriels dans lesquels s’inscrit cette décision.

« Le procès de Klaus Barbie occupe une place à part dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, estime Marion Veyssière, conservatrice en chef du patrimoine aux Archives nationales. Non seulement c’est le premier procès pour crime contre l’humanité jugé en France mais c’est aussi le premier procès à avoir été intégralement filmé, à la suite de la loi du 11 juillet 1985 sur la constitution d’archives audiovisuelles de la justice ». 159 partie civiles représentées par 39 avocats, 37 audiences et 400 journalistes dépêchés à Lyon pour l’occasion : le procès, qui a lieu entre le 11 mai au 4 juillet 1987 bénéficie d’une couverture médiatique sans précédent. Klaus Barbie est reconnu coupable de dix-sept crimes contre l’humanité et condamné à la prison à perpétuité pour avoir déporté des centaines de Juifs de France, en particulier suite à l'arrestation, le 6 avril 1944, de 44 enfants juifs et de 7 adultes à la maison d'enfants d'Izieu.

Tous les procès de la Seconde Guerre mondiale étaient publics, sauf celui, extrêmement médiatisé, de Klaus Barbie

Si les enregistrements sonores et visuels du procès étaient à la disposition de tous, les archives, divisées en deux fonds distincts – les documents relatifs à l’instruction et au déroulement du procès aux Archives départementales du Rhône et de la métropole de Lyon, les transcriptions dactylographiques et les sténotypies des audiences du procès aux Archives nationales – demeuraient, jusqu’à présent, inaccessibles. Une situation d’autant plus paradoxale que, dans le prolongement d’une politique d’ouverture des archives de la Seconde Guerre mondiale menée par paliers depuis 1983, le gouvernement avait déjà pris, le 25 décembre 2015, un arrêté ouvrant l’ensemble des archives relatives à la Seconde Guerre mondiale, avant le délai de soixante-quinze ans prévu par le code du patrimoine.

« Cet arrêté du 25 décembre 2015 concerne les procès qui ont eu lieu au cours de l’Occupation et pendant la période de l’Epuration : il ne s’applique donc pas à Klaus Barbie, jugé en 1987. Ce qui compte, en l’occurrence, ce n’est pas la date à laquelle ont eu lieu les faits mais bien celle du procès, qui s’est déroulé avec quatre décennies de retard. Il y avait là quelque chose de paradoxal : tous les procès de la seconde guerre mondiale étaient publics, sauf celui, extrêmement médiatisé, de Klaus Barbie », observe Bruno Galland le directeur des Archives départementales du Rhône et de la Métropole de Lyon. A l’aune de la commémoration des trente ans du procès, la nécessité de rendre ces documents publics se fait de plus en plus impérieuse. « Cette commémoration prenait, à Lyon en particulier, une grande importance. Nous savions qu’une partie des gens qui ont témoigné à ce moment-là y assisteraient », ajoute Bruno Galland. L’initiative a été prise par les Archives départementales du Rhône, en accord avec le Procureur général de la République de Lyon. Nous avons transmis cette demande au ministère de la Justice et au ministère de la Culture, qui l’a immédiatement soutenue de manière extrêmement résolue et déterminée ».

Réactiver le travail de mémoire autour du symbole d’une lutte obstinée pour la vérité

Cette décision de la garde des Sceaux et de la ministre de la Culture s’inscrit dans une démarche citoyenne : en savoir davantage sur ce procès singulier revient, selon Nicole Belloubet et Françoise Nyssen, à « réactiver le travail de mémoire autour du symbole d’une lutte obstinée pour la vérité ». « Le déroulement du procès et son instruction sont déjà largement connus, mais ces documents nous donnent la preuve que ce procès a été exemplaire. Au fond tout le monde savait que Barbie était coupable : les magistrats auraient pu en faire un procès symbolique. Or les archives démontrent qu’il a été instruit avec une rigueur et une minutie remarquables. On a recherché toutes les parties civiles possibles, respecté complètement les droits de la défense. Cela a été fait avec un très grand souci d’exactitude documentaire et de régularité juridique », estime Bruno Galland.  « On trouve en outre dans ces archives des documents inédits : les interrogatoires, les dépositions écrites des parties civiles… En les ouvrant à tous, on montre que Barbie a été accusé et condamné à partir de preuves intangibles. C’est aussi un moyen de répondre, le cas échéant, à ceux qui voudraient oublier ce qui s’est passé entre 1940 et 1944 en France ». Et de contribuer sans relâche à lutter contre le révisionnisme et l’oubli.  

Les archives du procès Barbie exposées à Lyon

Les Archives départementales du Rhône et de la métropole de Lyon organisent à partir de septembre une exposition mettant en valeur certains des documents contenus dans les dossiers du procès Barbie auxquels s’ajouteront des pièces du fonds des Archives nationales, parmi lesquelles figure la page contenant les chefs d’accusation contre le « boucher de Lyon ». « Tous ceux qui viendront voir l’exposition pourront s’approprier cet événement et juger sur pièce de l’instruction du procès », assure Bruno Galland.