Dix ans déjà. Quelles innovations pour les « Portes du Temps », l’opération d'éducation artistique et culturelle organisée chaque été par le ministère de la Culture et de la Communication ? Première étape de notre enquête : la Citadelle de Besançon.
Vauban et Louis XIV ont la cote. On attend plus de huit cents enfants pour cette première participation de la Citadelle de Besançon aux Portes du Temps. Qui aurait pensé que ces jeunes Bisontins de six à onze ans issus des quartiers sensibles privilégieraient la thématique patrimoniale et se rueraient sur le circuit de visite intitulé « Monument patrimoine mondial : quel chantier » ? La « surprise » est de taille pour Pascal Schultz, responsable exploitation et développement de l'établissement Citadelle-Patrimoine mondial et pour les jeunes médiateurs spécialement formés. Ils ont su mettre à portée d'enfants les différents musées qu'abrite la célèbre Citadelle édifiée par Vauban au XVIIe siècle : le monument lui-même, le musée comtois, le muséum. Dans le premier circuit regroupant vingt enfants, c'est parti pour une matinée d'initiation à l'art des fortifications, à travers des jeux, un plan géant, des cartes à jouer et des rébus qui ponctuent la journée. Les enfants se prennent au jeu de détectives. Les questions fusent sur Louis XIV : « Il est venu ici combien de fois ? Il a dormi où ? » Leur imaginaire s'enflamme à l'évocation des Cadets du Roy et du siège de Besançon. « Alors, le roi les a tous tués? » La médiatrice insiste sur les valeurs de discipline de ce corps d'élite, il rend hommage à Vauban : « Ces onze hectares de fortifications ont été dessinés par un seul homme! ». Les enfants sont bluffés : « Il était bon en maths et en géo ? »... Les voilà partis à l'assaut de la Tour du Roi : une zone réservée, un « chantier monumental » que leur ouvre le chef de chantier comme à des hôtes de marque. « Attention, c'est un monument fragile même s'il est impressionnant », prévient-il en montrant une pierre effritée. Très vite, les enfants comprennent l'importance de restaurer le patrimoine. Ils découvrent les métiers, comme par exemple celui de lavier ou tailleur de laves (pierres taillées à plat qu'on pose sur certains monuments). On peut s'attendre à quelques vocations...
Autant en emportent les contes. Au musée comtois, beaucoup d'amateurs pour ce parcours sur les traces de la Vouivre – un personnage féminin fantasmagorique central en Franche-Comté. Aux enfants de la retrouver à travers les collections du musée et de faire marcher leur imaginaire. Ils ont un peu de mal à distinguer le réel du légendaire. « Les gens la voyaient où? Au bord d'un lac ? ». D’ailleurs, certains la croient encore vivante aujourd'hui. « Si on la croise, comment on la reconnaît ? ». Le musée possède une importante collection de marionnettes anciennes, ce qui lui permet de rendre plus accessible la problématique des contes. « On est sur un site Unesco , rappelle Pascal Schultz, on doit faire parler le dialogue des cultures vis-à-vis du jeune public. Ce passé n'est pas mort. Ces figures sont les héros de certaines productions contemporaines au même titre que jadis, lorsqu'elles avaient des actions symboliques dans le quotidien des sociétés ». Une visite au muséum voisin permet aux enfants de confronter ces figures avec certains animaux étranges venus d'ailleurs. Ils réalisent ainsi combien la nature est source d'inspiration. De retour au musée comtois, dans l’atelier sculpture qui clôture la journée, les enfants peuvent donner corps à leur propre animal légendaire, prenant bien souvent modèle sur la Vouivre.
« Préserver le vivant sous toutes ses formes ». Avec son muséum et son jardin zoologique réputé pour ses espèces vivantes rares, la Citadelle de Besançon milite avec passion pour la préservation des espèces. En promenade dans les espaces intérieurs et extérieurs, les enfants vont de découverte en découverte. Ici, ce sont des insectes propres à la région. Là-bas, sur les sommets des remparts, des petits moutons d'Ouessant « tout noirs et marrants » qui broutent les espaces en herbes des fortifications. Dans le noctarium, c'est le gros hamster d'Alsace menacé par l'agriculture intensive. Dans le Parcours de l'Evolution, un poisson très ancien pêché en... 1960. Les enfants remontent l'évolution du vivant jusqu'aux fossiles. Ils touchent aussi du doigt la biodiversité. Le médiateur les prévient : « Ici, on vous montre les animaux parce qu'on participe à des programmes de préservation et de reproduction des espèces menacées dans leur milieu naturel ». Ils reçoivent avec gravité ce message fort. Puis, poursuivent avec beaucoup de sérieux leur safari photo, au moyen d'un appareil photo prêté par la Citadelle. Une fois en salle, de façon ludique et interactive, il s’agira d’initier les scientifiques en herbe à la diversité des espèces, en utilisant au mieux les photos prises dans la journée. « La biodiversité c'est aussi ici, chez vous, dans votre vie », conclut plus largement le médiateur.
Dans ces trois ateliers, autour de thématiques différentes, les enfants ont été initiés à un même respect pour le patrimoine – aussi bien monumental, immatériel que vivant. A eux, maintenant, de continuer à se l'approprier et à agir de manière à ce qu'il parvienne aux générations futures.