Une exposition interactive et de la danse urbaine accompagnent l'entrée au Panthéon, le 27 mai, de quatre nouveaux défenseurs de la liberté. Après « Heroes, prélude » les 14 et 15 avril, une chorégraphie de Radhouane El Meddeb, « Quatre vies en résistance », une exposition conçue par Nicolas Vinci pour le Centre des monuments nationaux. Dernier volet de notre enquête sur le Panthéon (2/2).
« Rien ne les prédisposait à résister, c'est un choix qu'ils ont fait »
Nicolas Vinci, commissaire de l'exposition « Quatre vies en résistance » jusqu’au 10 janvier 2016
Ce n'est pas la première fois que des Résistants sont honorés au Panthéon, mais c'est la première fois qu'une exposition cherche à les faire revivre, en sollicitant la participation active du public grâce à des dispositifs numériques interactifs. Philippe Bélaval, le président du Centre des monuments nationaux, que j'avais secondé en 2013 lors de sa mission sur le rôle et les usages républicains du Panthéon, m'a confié ce projet d'une exposition qui dépasse la seule période 1939-1945. Ce regard global m'a séduit. Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay qui, chacun à leur manière, incarnent l'esprit de résistance, ont eu aussi, chacun, une vie avant 1939. Ils ont été journaliste, étudiante, ethnologue, ministre, avant de devenir des héros. Rien ne les prédisposait à la résistance, c'est un choix qu'ils ont fait. De leur naissance à leur disparition, que nous disent, des valeurs de la République, ces quatre vies en résistance ? Quel est le sens du mot résister, à travers toute la période postérieure à la guerre et notamment aujourd'hui ?
« Un expérience interactive pour aider à interpréter leur parcours en résistance »
Le coeur numérique de l'exposition consiste en un « docu-participatif » – pardon pour ce néologisme – intitulé « Regards sur l'esprit de résistance ». Il sollicite la participation des témoins oculaires ayant connu les quatre personnalités honorées, celle des historiens et experts ayant travaillé sur leurs vies, mais aussi divers acteurs de la vie sociale, culturelle et sportive, et tous les citoyens. Rencontrer des témoins encore vivants est un grand atout pour l'historien du temps présent que je suis. Le fils et la fille de Pierre Brossolette racontent à deux voix devant la caméra comment ils ont « couvert » leur père, recherché par la Gestapo. Anise Postel-Vinay qui fut compagne de déportation de Geneviève de Gaulle et de Germaine Tillion témoigne elle aussi.Les filles de Jean Zay partagent également leur expérience.Quant aux vidéos de visiteurs, elles seront réalisées viaune borne d'enregistrement placée au Panthéon pendant la durée de l'exposition. Il sera également possible de poster son témoignage sur le site Internet dédié. Chacun devra pouvoir ressortir de l'exposition en ayant pu interpréter le parcours de ces quatre personnalités, notamment à travers les notions de résistance et de citoyenneté ».
« J'ai voulu rendre hommage à une génération qui se bat »
Radhouane El Meddeb, chorégraphe, directeur de La compagnie de SOI, signe « Heroes, prélude »
Lorsque Philippe Bélaval, président du CMN, a vu ma création 2014 « Au temps où les Arabes dansaient », il m'a demandé d'écrire un spectacle de danse court pour le Panthéon, qui s'inscrive dans le cadre de l'opération « Monuments en mouvement ». Cette rencontre était intuitivement juste. Elle tombait juste, entre un lieu juste – le Panthéon – où la danse n'avait jamais pénétré, un contexte juste – l'idée de résistance –, et le vécu de dix jeunes danseurs urbains. Depuis un an, en effet, je regardais, fasciné, des danseurs, circassiens, comédiens, venus chaque jour s'entraîner librement au 104. Ils étaient d'âges et d'expériences très différents, entassés, solitaires, acharnés, résistants à tous les temps, mais habités par l'ambition de porter la danse urbaine le plus loin possible. J'en ai choisi dix, entre 22 et 28 ans, pour leur apprendre à travailler ensemble et à faire aboutir un projet.
« Ma chorégraphie s’inscrit dans un lieu juste et dans un contexte juste »
Le titre du spectacle, « Héros », m'est venu après la visite du Panthéon : c'est l'endroit où reposent des héros de la République. J'ai vu un lien entre la force de ce monument réservé aux grands hommes de la patrie et l'ambition de ces jeunes gens français porteurs de rêves qui sont dans l'art, dans une danse trop souvent marginale, sinon marginalisée. J'ai voulu rendre hommage à une génération qui se bat, à une jeunesse en désordre, en quête de repères. J’ai voulu aussi que cet hommage s'inscrive dans un lieu de reconnaissance. Eux aussi, font partie de cette patrie, ils peuvent devenir de grands artistes, avec une ambition noble. Ils étaient très émus et impressionnés par la force et la grandeur du lieu, et ont tenté de s'y inscrire du mieux qu'ils ont pu. C'est une consécration que leur a donnée le 104 et le CMN. L'aventure – humaine et artistique – continue avec eux : après « Heroes, prélude », la forme courte de vingt-trois minutes créée pour le Panthéon, nous donnerons en 2016 la forme longue, « Héros ».