Pour bâtir ou réhabiliter des équipements culturels, les architectes doivent faire face à de nombreux défis et proposer des solutions innovantes. Avant le début des 2e Journées nationales de l'architecture, qui se tiendront du 13 au 15 octobre, retour sur deux réalisations emblématiques de ces dernières années : l'extension du musée d’Unterlinden, à Colmar, et la rénovation du quadrilatère Richelieu, à la Bibliothèque nationale de France (1/2).
Musée d’Unterlinden, Colmar : un langage architectural qui s’intègre dans la vieille ville
Mondialement connu pour abriter le Retable d’Issenheim, chef d’œuvre de la Renaissance allemande signé Matthias Grünewald, mais aussi des Cranach et Holbein de premier plan, le musée d’Unterlinden, à Colmar, possède aussi, on le sait moins, d'importantes collections d’art moderne - le dialogue entre maîtres anciens et artistes modernes constituant l'un de ses atouts les plus passionnants. En 2009, pour optimiser ce dialogue, le musée a décidé de confier aux architectes suisses Jacques Herzog et Pierre de Meuron –à qui l’on doit, entre autres, le célèbre Tate Modern – le soin de repenser entièrement ses espaces de d'exposition. « Nous avons cherché une configuration urbaine et un langage architectural qui s’intègre dans la vieille ville, tout en manifestant son caractère contemporain à ceux qui y regardent de plus près », expliquent les deux architectes de l'agence Herzog & de Meuron .
Pour mener à bien leur projet, les architectes ont dû travailler sur des édifices hétérogènes : l’ancienne aile du site est constituée d’un cloître médiéval, le couvent des Dominicaines, dont la chapelle abrite le Retable, et un ancien établissement des Bains publics de Colmar, qui a été réinvesti pour l'extension du musée. Résultat de leur approche : une haute bâtisse minimaliste au toit de zinc qui « reprend la volumétrie de la chapelle et évoque l’architecture archaïque sans l’imiter ». « Les façades de briques cassées permettent de créer de manière contemporaine une rugosité qui intègre le bâtiment dans son contexte historique, au centre de Colmar », précisent Jacques Herzog et Pierre de Meuron. L’ancienne et la nouvelle aile, séparées par une rue piétonne au milieu de laquelle coule la Sinn, sont reliées par une galerie souterraine composée de trois salles d’expositions successives.
Le musée rénové, inauguré le 23 janvier 2016, après trois années de travaux, a vu sa surface passer de 4000 à 7900 m2 et bénéficie désormais d’une muséographie optimisée, particulièrement fluide. Les collections ont été redéployées : le bâtiment de la nouvelle aile abrite sur trois étages les expositions temporaires et les œuvres du XXe et du XXIe siècle,tandis que les salles du couvent renferment l’art ancien. Enfin, l’association entre l’architecture monastique médiévale et l’œuvre contemporaine du célèbre duo d’architectes est susceptible d’attirer les amateurs d’architecture. Le maire de Colmar, Gilbert Meyer, ne cache pas sa fascination pour le fameux « effet Bilbao », qui a permis au musée Guggenheim - œuvre architecturale majeure signée Franck Gehry - de faire passer Bilbao du statut de pôle industriel déserté à celui de ville attractive. En se positionnant sur le marché du tourisme architectural, la commune de Colmar mise sur son capital culturel et le nouveau musée Unterlinden espère attirer 350 000 visiteurs par an, contre 200 000 avant sa rénovation.
Bibliothèque nationale de France, Paris : une création architecturale respectueuse du patrimoine
Le 11 janvier 2017, le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BnF) a rouvert ses portes après deux décennies de semi-fermeture. D’importants travaux de rénovation, qui ont déjà rendu tout leur éclat aux joyaux architecturaux que sont la salle Labrouste, son magasin central, la Rotonde, et la salle des manuscrits, y ont été menés. « On réhabilite avec un projet bien défini : donner une vocation culturelle nouvelle au site Richelieu en faisant évoluer ses espaces et en les ouvrant au public », souligne Sylviane Tarsot-Gillery, directrice générale de la BnF. « Jusqu’à présent, le berceau historique de la BnF était une bibliothèque réservée à un public limité, essentiellement constitué de chercheurs. Cette rénovation nous permet d’en faire également un lieu d’exposition, doté d’un musée et de deux galeries d’exposition ouvertes à tous ». Une ambition dont témoigne la réhabilitation de la salle Ovale – deuxième grande salle de lecture du site, après la salle Labrouste – qui, en 2020, une fois les travaux terminés, deviendra, elle aussi, librement accessible au grand public.
« On a affaire à un ensemble protégé – inscrit ou classé, selon les espaces – et les architectes qui ont travaillé sur le site, Bruno Gaudin et Virginie Brégal ont conduit une intervention contemporaine et respectueuse du patrimoine. Il s’agissait de préserver l’esprit du site et d’agir sur des éléments précis, dans des espaces forts », ajoute Sylviane Tarsot- Gillery. L’installation d’un nouvel escalier en forme d’hélice au cœur du site Richelieu est l'une des interventions-clés du duo d’architecte. « L’ouvrage, très épuré, est devenu le pivot du bâtiment, auquel il donne davantage de lisibilité », observe Sylviane Tarsot-Gillery. Une galerie de verre a également été construite au-dessus de la salle Labrouste : visible depuis la cour d’honneur, elle relie avec une grâce aérienne deux ailes de la bibliothèque. Bruno Gaudin et Virginie Brégal ont également recomposé l’espace de la salle du département des arts du spectacle - jusqu’alors dépourvue de style architectural bien défini - en optant pour des matériaux lumineux, d’inspiration scandinave. « La salle qu’ils ont créée possède une atmosphère très adaptée à l’usage qui en est fait, résolument contemporaine », se réjouit la directrice générale de la BNF. « On a une vraie création architecturale, entreprise dans le respect du bâtiment, de son histoire, de son architecture ».
L’intervention des architectes répond à une double nécessité : inscrire la bibliothèque nationale du site de Richelieu dans son temps, en l’adaptant à l’usage qui en est fait au XXIe siècle, tout en rendant le bâtiment plus intelligible. « Toute rénovation comprend une pédagogie des formes : on ne peut ajouter des formes modernes à des formes plus anciennes sans faire comprendre leur intérêt et leur pertinence. Le regard de l’architecte facilite la compréhension par le public du bâtiment et de son histoire », conclut Sylviane Tarsot-Gillery.
2e édition des journées nationales de l’architecture
À l’instar des Journées européennes du patrimoine et de la Fête de la musique, les Journées nationales de l’architecture ont pour vocation de fédérer des actions existantes menées par les régions, les départements, les villes, les associations, les établissements publics, en les réunissant sous un label commun. Elles permettent également de développer la connaissance auprès du grand public de toutes les dimensions de cette discipline au cœur de la vie quotidienne.
Cette année les Journées nationales de l’architecture se tourneront tout particulièrement vers les nouvelles générations et proposeront, les 13, 14 et 15 octobre 2017 des événements spécifiques à destination du jeune public. L’occasion de réunir enfants, jeunes et adultes de façon festive et pédagogique autour des thématiques architecturales. Au programme, sur l’ensemble du territoire : conférences, expositions, projections, palmarès, visites guidées, portes ouvertes, événements proposés au jeune public.
Le programme est librement consultable ici