Entre vitalité créatrice et difficultés structurelles, la bande dessinée est aujourd'hui à un tournant. C'est en tout cas le fil conducteur d'une manifestation inédite, qui entend rassembler l'ensemble des acteurs de la profession : les Rencontres nationales de la bande dessinée, qui se tiennent du 18 au 20 septembre à Angoulême. Entretien avec le directeur de la Cité de la bande dessinée et de l'image, Pierre Lungheretti.
Du 28 au 30 septembre, la Cité de la bande dessinée et de l’image, organise, à Angoulême, les premièresRencontres nationales de la bande dessinée. Qu’attendez-vous de ce rendez-vous inédit ?
C’est une nouvelle manifestation qui vise à créer un espace d’analyses et de débats sur des sujets concernant la bande dessinée dans ses dimensions artistiques, culturelles, économique, sociales et sociétales. Cela s’inscrit dans une volonté de la Cité internationale de la BD et de l’image de s’affirmer comme une institution au service de la filière, qui fédère et qui propose des éclairages pluriels sur des questions que se posent les auteurs, les professionnels et les institutions. Nous avons donc mis l’accent sur la diversité des intervenants et sur la volonté de traiter le plus lucidement possible les problèmes identifiés. Par ailleurs, pour cette première édition, j’ai souhaité que Jack Lang soit l’invité d’honneur, car il a été l’acteur principal de la reconnaissance institutionnelle de la BD et il est à l’origine de la Cité de la BD. C’est pour recueillir son témoignage, sa perception des évolutions, et c’est aussi pour lui rendre hommage.
La bande dessinée est à un tournant : son avenir peut être radieux, mais il peut aussi s’assombrir si les bonnes décisions ne sont pas prises.
La BD au tournant, c’est le fil conducteur de ces Rencontres. Ce thème n’élude aucune des réalités de la BD, du dynamisme créatif à la « crise » économique qui traverse ce secteur de l’édition, en passant par la formation ou le marché. Pourquoi cette « mise à plat » de toutes les dimensions de la BD est-elle aujourd’hui nécessaire ?
En temps de crise, il est encore plus indispensable de se parler, de confronter des points de vue et de réfléchir ensemble pour trouver des voies d’amélioration d’une situation qui est surtout difficile pour les auteurs. Les évolutions ont été considérables des vingt dernières années, dont beaucoup vont dans le bon sens, avec une reconnaissance de la BD comme expression artistique, des chiffres à l’exportation qui progressent, des nouvelles formes très innovantes, des éditeurs inventifs qui prennent des risques. Mais la bande dessinée est en effet à un tournant : son avenir peut être radieux, mais il peut aussi s’assombrir si les bonnes décisions ne sont pas prises.
Alors que le secteur de la BD connaît une période de grande vitalité, une enquête commandée par les États généraux de la BD, partenaires de ces Rencontres, a montré que les auteurs de BD sont en revanche dans des situations souvent contrastées, voire précaires. Temps fort des Rencontres, cet état des lieux devrait déboucher sur de nouvelles propositions...
Oui, c’est en effet le but. Les Rencontres mettront autour de la table des auteurs, des éditeurs, des universitaires de haut niveau, qui seront des « Grands Témoins », des critiques d’art, des responsables d’institutions culturelles et des représentants du ministère de la culture. La BD a en effet le vent en poupe dans les médias, dans les institutions et dans le monde académique, mais l’évolution de ses conditions économiques pénalise considérablement les auteurs qui se précarisent à vue d’oeil, comme l’a montré l’étude réalisée par les Etats Généraux de la bande dessinée (EGBD), coordonnés par Benoit Peeters et Denis Bajram, nos partenaires pour cette première édition des Rencontres. L’enjeu est de poursuivre ce travail de fond initié par le EGBD, et de permettre d’identifier collectivement des pistes d’évolution.