Jusqu’au 1er octobre 2018, l’exposition « Jardin de mémoires, l’art du partage » du Domaine national de Saint-Germain en Laye offre aux visiteurs une véritable promenade sensorielle conçue par des artistes, en collaboration avec les patients et soignants de plusieurs unités psychiatriques. Le point sur cette initiative.

Faire collaborer des artistes contemporains avec les patients et soignants de plusieurs centres d’accueil de jour en psychiatrie, tel est l’ambitieux pari mené par l’association Arts Convergences et le Musée d’Archéologie national – Domaine national de Saint-Germain en Laye. Cette démarche a donné lieu à la création de plusieurs œuvres, exposées dans les jardins du Domaine national jusqu’au 1er octobre 2018. Une initiative qui traduit l’engagement de l’établissement en faveur de l’accès des personnes malades ou en situation de handicap à la création artistique et au patrimoine. Interview de Hilaire Multon, son directeur.

L‘exposition « Jardin de mémoires, l’art du partage », se présente sous la forme d’un parcours artistique et sonore dans les jardins du Domaine national de Saint Germain en Laye. A quels publics s'adresse-t-elle ?

Même si elle s’adresse à tous types de visiteurs, cette exposition a été conçue main dans la main avec l’association Arts Convergences, qui organise différentes actions en faveur de personnes souffrant de maladies psychiques. Placée sous le signe du partage, elle permet à tout un chacun de se livrer à une promenade qui mobilise les sens et convoque le dialogue entre le paysage et nos propres représentations intérieures. A l’instar des pianos anciens colonisés par douze reines et leurs abeilles qui sont exposés au milieu du rosarium, les œuvres qui jalonnent ce parcours invitent au rêve et à l’introspection.

Est-ce la première fois que le Domaine national s'engage en faveur de l'accès des personnes malades ou en situation de handicap à la création artistique et au patrimoine ? Comment votre collaboration avec l’association Arts Convergence s’est-elle mise en place ?

Le Musée d’Archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye est très engagé en matière d’accessibilité. Il propose déjà des visites des collections en LSF et collabore régulièrement avec plusieurs instituts médico-éducatifs (IME).

L’engagement de l’association Arts Convergences en matière de coopération avec les unités psychiatriques des Yvelines est également reconnu puisque cette structure bénéfice du soutien de l’Agence régionale de santé et de la DRAC Ile-de-France. C’est une rencontre avec sa présidente, Laurence Dupin qui nous a finalement amenés à travailler ensemble sur ce projet.  

Quel genre d’œuvres rencontre-t-on lors de cette promenade sensorielle ? Comment ces dernières ont-elles été conçues ?

Les œuvres que l’on découvre s’inscrivent dans le paysage du Domaine national. Ce sont des créations in situ proposées par des artistes reconnus et co-créées, pour un certain nombre d’entre elles, avec les patients et les soignants de plusieurs structures de soins psychiatriques.

Elles prennent des formes variées : certaines utilisent le végétal en se mêlant à lui, d’autres, à l’image des « Ailes » d’Éric le Maire ou de la « Fontaine timbrée » de Charles Edouard de Surville, reflètent le paysage qui les entoure. Les sons, les bruissements, les jeux de perspectives font partie intégrante de ces créations.

Pourquoi avoir choisi d'axer le parcours autour de la nature, de la mémoire et du partage ? 

Dans un Domaine national, l’installation d’œuvres artistiques procède d’un dialogue entre nature et création visuelles. Ces œuvres nous invitent à accorder une attention plus soutenue à des choses que, bien souvent, on ne prend pas le temps de percevoir telles que le frémissement du vent, le battements d’ailes de petites créatures, le timbre d’une sonorité… Elles tirent profit des lieux cachés du jardin anglais et font de cet espace remarquable un creuset où se mêlent les mémoires des artistes mais aussi des visiteurs. Un dialogue entre le vu et le vécu, le réel aperçu et l’imaginaire se met alors en place.

Comment décririez-vous, enfin, l'ambiance de ce jardin ? Quels sentiments est-elle susceptible d'éveiller chez le visiteur ?

L’ambiance qui se dégage de ce parcours est singulière, à mi-chemin entre l’invitation au recueillement – avec, par exemple, le poème calligraphié « l’Effet-Mère » créé par Vanessa de Ternay et plusieurs artistes de Saint-Germain-en-Laye - et une expérience jubilatoire et collective. Elle évoque aussi le lien entre nos propres existences et la mémoire de celles et de ceux qui nous ont précédés grâce à des œuvres comme le « Gramo Rhoeas » de Charles Edouard de Surville, où la liste des soldats « tombés pour la France » - présente sur le monument aux morts voisin - est slammée sur de vieux gramophones.

Si l’exposition parvient à lier l’expérience subjective de chacun à la capacité à être ensemble, à faire corps en société, elle aura atteint un premier objectif. Mais elle vise surtout à redonner au Domaine national la place culturelle et le rôle dans la création qu’il a eu par le passé, en tant que résidence royale.

L’exposition « Jardin de mémoire, l’art du partage » selon Arts Convergences

S’inspirant des événements qui ont marqué son histoire et de la politique d’accessibilité menée par le Château, l’association Arts Convergences, est revenue sur les trois mots clés qui expliquent la démarche de "Jardin de mémoire".

JARDIN : « nous avons très vite voulu travailler avec les équipes des jardins du Château de Saint-Germain-en-Laye. Avec eux, nous avons pu identifier les essences et les plantations en lien avec certaines œuvres, où une part de vivant est proposée »

MÉMOIRE : « le thème de la mémoire a été choisi en relation avec les patients, bénéficiaires très directs du projet - la relation à la mémoire étant une problématique récurrente en psychiatrie – mais aussi en référence à l’Histoire du Musée d’Archéologie Nationale et à l’année 2018, qui représente le centenaire de la 1ère guerre mondiale. Enfin la relation aux sens et plus particulièrement au son, mémoire restée invariable dans le temps, ouvre de nombreux champs de possibles, pour expérimenter et orchestrer la voix, le son d’un instrument... »

PARTAGE : « La co-création est au cœur de ce projet. Nous cherchons en outre à donner une autre image de la Maladie Psychique, à travers une production artistique de qualité, largement diffusée auprès de tous les publics. »