Promouvoir les pratiques artistiques dans des lieux non conventionnels : tel est le crédo d’Hormur, une start-up lauréate de l’appel à manifestation d’intérêt « France 2030 » dédié aux solutions de billetteries innovantes. Grâce à une solution de billetterie inspirée du financement participatif, la plateforme – qui ne cesse d’engranger de nouveaux adeptes depuis son lancement l’été dernier – organise la rencontre entre hôte et artiste autour d’un lieu. Et les accompagne ensuite tout au long de la réalisation du projet. Une solution au service de la diversité des publics mais aussi de l’inclusion sociale. Entretien avec Martin Jeudy, son président.
D’où vient l’idée d’Hormur ?
En tant que metteur en scène, j’ai toujours aimé présenter des spectacles chez des particuliers, dans des librairies, des restaurants, des cours de châteaux… autant de lieux qui ont une histoire singulière, propice à la diffusion artistique, mais qu’il n’est pas toujours facile d’identifier. D’où l’idée de l’outil numérique : la plateforme Hormur donne la possibilité à un hôte et à un artiste de se rencontrer pour envisager de construire ensemble un événement culturel, qu’il s’agisse d’un spectacle, d’un concert, d’une exposition ou d’un récital de poésie.
Ces événements prennent-ils, de ce fait, une autre dimension ?
A l’évidence, on ne conçoit pas de la même manière un événement pour 5 000 personnes et un événement pour 20, 50 ou 100 personnes, mais il y a de la place pour chacun d’eux, c’est ce que nous voulons montrer. Et notamment pour des propositions dans d’autres formats, plus intimistes, plus réduits, réalisées dans des lieux insoupçonnés. Notre conviction est la même concernant les publics. Dans le cadre d’un travail de recherche, je me suis intéressé à la typologie de publics présents dans des lieux non dédiés à l’art. Avec Hormur, je poursuis en quelque sorte cette étude grandeur nature.
Comment fonctionne Hormur ?
Hormur propose une solution de billetterie qui permet de mettre en relation tous les acteurs. En vérité, c’est plus qu’une billetterie puisqu’un même utilisateur peut tout à la fois proposer des projets artistiques, proposer un lieu et réserver des places pour des événements. L’un des atouts du site est de permettre cette porosité entre les rôles de chacun. On invite les gens à entrer dans la danse, en quelque sorte. La billetterie est inspirée du financement participatif : le spectateur sait quel est l’objectif financier à atteindre. Dans l’hypothèse où celui-ci ne l’est pas, l’événement est annulé. Cela permet de sécuriser la garantie financière et d’éviter une dépense d’énergie inutile.
Il n’en demeure pas moins que l’existence d’un événement est toujours un pari…
Sans doute, mais nous sommes trois à promouvoir l’événement ! Plus il y a de canaux de communication, plus il y a de chance d’avoir un public pour un événement donné, ce qui est toujours l’enjeu central. Le maître-mot de notre démarche est l’écoute, la collaboration. Nous faisons tout pour répondre aux questions que les hôtes se posent, en leur proposant un véritable accompagnement pour les aider à réaliser leur projet. Nous sommes aussi à l’écoute de la dynamique du territoire à travers nos échanges réguliers avec les Directions régionales des affaires culturelles, les mairies, les offices du tourisme.
Quelles sont les plus belles réalisations d’Hormur ?
Il y en a beaucoup mais les événements qui m’ont le plus marqué se sont déroulés chez des particuliers. Je pense à un concert qui devait avoir lieu dans un jardin mais qui, à cause de la pluie, s’est déroulé finalement dans un salon éclairé à la bougie. C’était magique. Autre expérience mémorable, celle, très personnelle, que j’ai faite dans mon propre appartement. Il y avait 20 personnes, mes voisins étaient là, mais aussi des personnes du quartier que je ne connaissais pas, des amis des artistes… un public très diversifié, venu d’horizons différents. Les artistes, qui étaient d’une grande générosité, nous ont confié qu’ils souhaitaient de plus en plus jouer chez l’habitant en raison de l’accueil exceptionnel qu’ils reçoivent à chaque fois. C’est précisément ces valeurs – les notions de rencontre et de confiance mutuelle, mais aussi de générosité et de partage – qui sont centrales chez Hormur.
D’où l’importance, dans votre démarche, de l’inclusion sociale…
Absolument. On peut avoir peur de franchir la porte d’un établissement culturel mais certainement pas celle d’un ami. Le facteur géographique tient aussi une large place dans la question de l’inclusion sociale. Il est clair que la relation avec le public ne sera la même si un artiste décide d’intervenir dans trois ou quatre lieux atypiques plutôt que dans un seul à la jauge plus importante. Il y a un terrain considérable à défricher, je pense aux Ephad, aux hôpitaux… Nous avons organisé une exposition à l’hôpital de Bergerac. Les personnels et les patients nous ont dit que cela faisait du bien de voir de la couleur sur les murs blancs. On voit à quel point l’art permet aux résidents et aux malades de s’évader. Amener l’art dans ces structures est une question centrale.
Quel premier bilan faites-vous ?
Hormur a officiellement été lancé l’été dernier mais le service est actif depuis l’an dernier. Je suis très content de la première version de l’outil. Elle est très intuitive. Aujourd’hui la plateforme recense 1400 projets artistiques dans 600 lieux. Au total, une cinquantaine d’événements – qui ont assis notre légitimité à devenir un acteur à part entière de l’art hors-les-murs – ont déjà eu lieu.
La grande majorité des événements sont organisés dans une sphère privée. Tout l’enjeu consiste aujourd’hui à ce qu’il y en ait davantage dans la sphère publique. Une part importante de notre activité consiste donc à faire découvrir le service et à rassurer. L’approche structurante du projet nous a permis de réaliser des outils juridiques permettant d’ouvrir une plateforme qui répond le mieux possible aux exigences réglementaires. Nous travaillons par exemple avec différents partenaires pour automatiser la déclaration d’embauche des intermittents, mais aussi avec des assureurs, des services complémentaires qui vont lever les barrières de la diffusion artistique. Nous souhaitons de même que la déclaration des droits d’auteur soit automatisée. A cette fin, nous sommes en relation avec la Sacem. L’enjeu est considérable : quand on doit faire soi-même toutes ces démarches, cela peut être source de désengagement et, en définitive, c’est l’artiste qui en pâtit.
Quelles sont les perspectives offertes par votre désignation en tant que lauréat de l’appel à manifestation d’intérêt « France 2030 » dédié aux solutions de billetteries innovantes ?
Elles sont nombreuses. Nous allons par exemple travailler en réseau avec des acteurs de la billetterie, des services juridiques, ou lancer des études plus approfondies sur l’écosystème français et international… Autant d’actions qui nous permettront de faire des choix plus stratégiques et d’entretenir la viabilité du développement de l’activité.
Partager la page