Non seulement l’édition jeunesse hexagonale joue un rôle déterminant dans la vitalité du secteur culturel du livre mais elle renforce également le rayonnement des éditeurs français à l’étranger. Après une rentrée littéraire prometteuse, elle sera à l’honneur à la Foire de Francfort, du 11 au 15 octobre 2017. État des lieux d’un secteur en pleine vitalité.
En plaçant l’édition jeunesse parmi les temps forts de « Francfort en français », les organisateurs de cette manifestation qui, au cœur du premier rendez-vous mondial de l’édition, met la France à l’honneur, ne s’y sont pas trompés : le livre jeunesse constitue aujourd’hui, tant au niveau éditorial qu’au niveau économique, un véritable poids lourd de l’édition hexagonale. Dans ce secteur éditorial, tous les indicateurs sont en effet au vert, notamment la forte créativité de ses auteurs et une grande diversité éditoriale (plus de 90 éditeurs adhérents du Syndicat national du livre (SNE) publient régulièrement des livres jeunesse).
Est-il, pour autant, reconnu comme tel dans le paysage éditorial français ? Pour Thierry Magnier, président du groupe jeunesse du SNE et responsable du pôle jeunesse d’Acte Sud, la réponse est non. Tout en soulignant que le livre jeunesse dispose aujourd’hui des mêmes atouts que le secteur de l’édition générale, il observe que le secteur souffre encore « d’un manque de reconnaissance ». « Au même titre que tous les autres éditeurs, nous avons [pourtant] des positions, des politiques éditoriales, des auteurs », défendait-il.
Des politiques éditoriales audacieuses
Précisément, la production éditoriale jeunesse est rien moins que convenue. Que ce soit sous la forme de romans, de bande-dessinées, de séries ou encore d’albums – comment oublier, entre autres, la force de l’indémodable histoire de Chien Bleu, parue en 1989, qui nous parle de différence, de solitude, d’attachement et de confiance ? – le livre jeunesse n’hésite pas à aborder, avec la créativité, l’humour et la poésie qui constituent sa marque de fabrique, des sujets résolument contemporains.
La rentrée jeunesse de cette année ne fait pas exception à la règle. L’Ombre du Golem d’Eliette Abécassis (Flammarion Jeunesse) évoque notamment la question de la tolérance et de la dépendance à la technologie. Les questionnements plus intemporels, liés à l’identité ou l’entrée dans l’âge adulte, sont également de la partie : Émilie Chazerand dresse ainsi dans La fourmi rouge (Sarbacane) l’hilarant portrait de Vania Strudel, quinze ans, qui oppose aux difficiles épreuves auxquelles elle se trouve confrontée un inébranlable sens de l’autodérision. Pour les plus jeunes, on saisit à bras-le-corps les grandes peurs enfantines avec, par exemple, la série à succès « Comment ratatiner » dont le nouvel opus Comment ratatiner les idées noires (Glénat Jeunesse), signé par Catherine Leblanc et Roland Guarrigue, paraitra prochainement.
Un livre sur cinq publié en France provient de l’édition jeunesse
Un succès grandissant
Des politiques éditoriales audacieuses qui, au vu de la place de premier plan que la littérature jeunesse occupe dans le secteur du livre, portent leurs fruits : un livre sur cinq publié en France provient de l’édition jeunesse. Le secteur se caractérise en outre par l’augmentation constante de la part de cessions de droits, qui tire depuis cinq ans le chiffre d’affaires des éditeurs vers le haut : un titre sur quatre vendus aux maisons étrangères est un livre pour enfant, 65% des contrats de coédition concernent la littérature jeunesse.
Selon Sylvie Vassalo, directrice du Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil (SLPJ), ces chiffres « témoignent, de façon très concrète, de la reconnaissance, de l’excellence de la création et de l’édition de la jeunesse française à l’international ». Autre témoignage de ce succès : le palmarès des prestigieux Bologna Ragazzi, destinés à récompenser le meilleur de l’édition jeunesse, où la fine fleur nationale des auteurs et illustrateurs jeunesse fait chaque année bonne figure. Lors de la dernière édition de la Foire internationale du livre de jeunesse de Bologne les éditeurs français ont ainsi obtenu 9 des 21 prix attribués par le jury.
La jeunesse à Francfort
Rien d’étonnant, donc, à ce que la jeunesse soit un axe majeur de la programmation de « Francfort en français » lors de la 69e Foire du livre de Francfort, du 11 au 15 octobre. De nombreuses rencontres, une grande exposition, la présence de près de 30 auteurs et illustrateurs, parmi les plus grands noms de l’édition jeunesse seront au cœur d’un programme riche et multiple qui donnera à voir, durant cinq jours au Pavillon français, toute l’excellence du savoir-faire, de la maîtrise et de l’innovation narrative et créative de l’édition jeunesse française. Romans pour adolescents, albums, bande dessinée, pour les petits et les plus grands…
Pour Sylvie Vassalo, qui a conçu ce copieux programme, « la mise en valeur de la littérature de jeunesse dans le programme Francfort en français vient […] marquer trois particularités de la création et de l’édition de jeunesse française. En premier lieu l’excellence de ses créateurs, ses illustrateurs, ses écrivains dont les œuvres sont reconnues internationalement, en second lieu le poids croissant de l’édition jeunesse dans l’édition française et en troisième lieu l’attention portée au jeune public, à l’évolution de ses pratiques de lecture ».
Des ambassadeurs de renom pour la littérature jeunesse francophone
La richesse et la variété des genres de la littérature jeunesse francophone seront représentées à Francfort par des ambassadeurs de talent et de renom. Un dialogue à bâtons rompus avec Tomi Ungerer, l’un des plus brillants auteurs-illustrateurs de ces six dernières décennies, marquera l’ouverture de la foire, avant de laisser la place à Antoon Krings, à qui l’on doit la série « Drôles de petites bêtes », devenue un classique de la littérature enfantine. Une lecture des aventures d’Ariol, le petit âne bleu, par ses auteurs Emmanuel Guibert et Marc Boutavant, prévue le dimanche 14 octobre, constituera le temps fort de clôture de cette édition.