Réunies autour d' Aurélie Filippetti et de Marie-Arlette Carlotti, ministre en charge des personnes handicapées, de nombreuses personnalités du milieu culturel, artistique, audiovisuel et associatif ont rendu compte le 14 janvier, lors de la commission nationale Culture et Handicap, des avancées dans leur domaine. Focus sur trois secteurs phares.

« En langue des signes, 2014 verra la signature d'une charte de qualité ».
Nicolas About, président du groupe de travail Accessibilité au Conseil supérieur de l'audiovisuel 
« Si les chaînes ont répondu à leurs obligations en matière de sous-titrage en 2012, elles ne l'ont pas toutes fait avec la même intensité. France Télévisions a décidé de faire un effort. On devra régler le problème le premier semestre 2014 : c'est une priorité pour le CSA et France Média Monde. Quant à l'audiodescription, on a renégocié avec plusieurs chaînes leurs obligations pour les années à venir, notamment en augmentant le nombre de programmes audiodécrits en première diffusion. En langue des signes, 2014 doit être l'année de la signature d'une charte de qualité. Il faut encore développer les récepteurs vocalisants, qui aident grandement à se repérer dans les différents menus. Nous attendons le décret qui obligera tous les fabricants de téléviseurs à proposer au moins un produit de ce type dans leur gamme. Un rapport a été remis au Parlement fin 2011, consultable en ligne. Une dernière chose, et non la moindre. Je crois utile de redire clairement que le handicap n'est pas perçu à la télévision. La dernière vague du baromètre de la diversité du CSA le montre bien. Handisports a fait à peine bouger le curseur. Il faut montrer les personnes handicapées dans une autre situation que celle du handicap : comme des experts en économie, des journalistes... Encore faut-il, en amont, que les écoles de journalisme et les métiers de l'audiovisuel contribuent à leur formation. C'est le but de la mission conduite par Memona Hintermann, grand reporter pour France 3, conseillère auprès du CSA depuis janvier 2013 ».  

« Faire émerger des paroles décapantes qui ont beaucoup à nous apprendre »
Nicolas Favreau, chef du projet « La Visite » produit par SaNoSi Productions, une collection documentaire qui donne la parole à des personnes en situation de handicap mental
« Le handicap mental m'occupe et me captive depuis dix ans. Tous mes films et installations (découvrir «Mur de rires», au Carrousel du Louvre en 201) ont pour but d'ouvrir à ces personnes l'accès à la culture, mais aussi de faire émerger leur parole. Une fois que ces hommes et ces femmes ont accès à l'art, que fait-on de leur ressenti ? Leur donne-t-on la parole pour savoir ce qu'elles pensent devant une toile ou un monument ? Que fait-on, ensuite, de cette parole ? C'est le coeur de ce projet, qui donne carte blanche à dix auteurs-réalisateurs pour réaliser dix portraits à travers dix lieux culturels. On dépasse ici le cap de l'accessibilité pour relayer le savoir-être d'hommes et de femmes qui sont des personnalités toujours très inspirantes pour un artiste. Avec leur regard décalé sur le monde, leurs mots à eux et leur pensée souvent décapante, ils ont beaucoup à nous apprendre. La RECA, Réunion des établissements culturels pour l'accessibilité, nous a ouvert les portes de dix lieux prestigieux qui permettront à autant de réalisateurs de capter leur rencontre avec une personne en situation de handicap mental. Ce que ces personnes disent en visitant le Château de Versailles, le musée du Louvre, la Cité de la musique, le Théâtre national de Chaillot ou le Palais de la Découverte doit résonner dans nos esprits et être diffusé le plus largement possible ».

« Avec 82% de salles de cinéma mises en accessibilité, le but est bientôt atteint ».
Valérie Lépine-Karnik, directrice adjointe au Centre national du cinéma et de l'image animée
« Au moment du passage au numérique, les salles ont fait un énorme effort pour s'équiper, avec l'aide du CNC. Aujourd'hui, 96,2% des écrans de cinéma français sont numérisés. Grâce à cela, on peut réaliser pour les personnes atteintes de handicap sensoriel (visuel et auditif) des fichiers d'audioguides et de sous-titrages qui vont accompagner les films dans les salles. Avec une pellicule 35 mm, il fallait un dispositif contraignant et cher. A ceux qui se demandent pourquoi le cinéma pour des aveugles, la meilleure réponse est apportée par une aveugle : « Pour la convivialité qu'offre la salle de cinéma. Pour partager ce moment de spectacle avec ma famille sans qu'il soit besoin de me souffler dans l'oreille l'explication du film ». Le grand avantage de l'audiodescription est en effet d'être neutre pour les autres spectateurs. L'aveugle entend le son du film et il entend l'e commentaire qui explique la situation au fil du film. La demande des aveugles est d'être au milieu du public. Quant au sous-titrage, destiné aux sourds et aux malentendants, avec des codes couleur qui occupent une part importante de l'écran, il nécessite de la part de l'exploitant de salle d'organiser des salles dédiées ou tout du moins de prévenir les autres spectateurs. On étudie un système alternatif de plaquettes individuelles s'accrochant au siège, sur lesquelles s'inscrivent les sous-titrages. Mais là aussi, le public sourd préfère être dans l'immersion. Face à l'importante demande, de nouvelles pratiques innovantes doivent voir le jour pour intégrer les publics empêchés : elles résultent d'une belle collaboration entre les industries techniques, les associations, les producteurs et les distributeurs. Dernier point, le plus coûteux : le bâti. La mise en accessibilité des salles pour les personnes à mobilité réduite doit être réalisée obligatoirement au 1er janvier 2015. Le but est déjà atteint par 732 établissements, soit 82% du parc français. C'est une question citoyenne ».