Précision sujet représenté
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Scène d'extérieur se déroulant dans un hospice ; au fond deux infirmières en uniformes. En gros plan, assis à une table trois hommes dont deux vieillards et une femme mangent. Ils portent leurs vêtements d'extérieur (manteaux, écharpes, casquettes). Deux bouteilles de vin rouge trônent sur la table. Une infirmière debout, derrière eux les sert. Cette peinture, dont le réalisme populiste l'apparente aux oeuvres de Jules Adler, s'en distingue toutefois par l'étrange atmosphère symbolisante et l'immobilisme naïf des personnages. Dans ce décor épuré, à la palette pauvre, les objets, figés, semblent concernés par la solennité de l'événement. Des personnages, mal à l'aise, encore vêtus de couvre-chefs, font face à un vieillard dont la stature radicalement opposée crée déséquilibre, un malaise et instaure une confrontation entre deux attitudes face à la précarité. Campé à droite de l'oeuvre, cet homme souriant qui semble le réceptacle de toutes les attentions, mange avec appétit. Le buste découpé contre le bord du tableau, il intègre la verticale du cadre dans la composition, s'associe lui-même aux éléments rectilignes (la ligne horizontale blanche qui s'étire au devant de son regard et les bords de la table), suggérant sa sincère reconnaissance à l'égard de ses hôtes, mais aussi sa fierté et sa dignité d'homme. A l'opposé, les trois "cloches" sont attablées en face de lui dans une posture voûtée. Leurs épaules, initiant la courbure déclinante des dossiers de chaises, un arc de cercle - ligne imaginaire formée par la succession de leur chapeau -, renforcent l'idée de faiblesse et de fragilité. La casquette rabattue sur les yeux, les bras dissimulés sous la table, signifient encore leur inféodation au système caritatif. C'est cette gémellité associant les composantes géométriques du tableau aux personnages, qui suggère plus fortement les caractères et les fige dans des états psychologiques opposés. L'alternance entre bruns et blanc renforce aussi cette impression. Cependant, la vêture bleue d'une femme attablée et les rouges profonds de la nourriture et du vin recréent des liens entre ces éléments antinomiques. (Benoît Mahuel)
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Bibliographie
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Cahiers d'inventaire n°4, Drôle de genre, Mâcon, 2000 / Amandine Borgeot, Jean-Claude Culas, Benoît Mahuet, Nane Tissot
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