Historique
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Ces huit planches relèvent d'une suite de treize compositions illustrant Les Travaux d'Hercule, gravés par Aldegrever en 1550 (B. 83-95). Hercule y apparaît aux prises avec le lion de Némée, Cacus, l'hydre de Lerne, Antée, Achéloos, le dragon Ladon, Nessus, ou portant deux colonnes. L'épisode des Colonnes est rattaché au périple que doit réaliser Hercule pour dérober au géant Géryon son troupeau de boeufs rouges et le ramener à Eurysthée. Il parcourt l'Afrique du nord, puis traverse la mer au niveau de l'actuel détroit de Gibraltar, après avoir repoussé de part et d'autre les monts de Calpé et d'Abila, devenues les Colonnes d'Hercule (Hérodote, Histoire, IV, 8). Chez Aldegrever, comme ses contemporains, les Travaux proprement dits côtoient les divers exploits que la légende sans cesse enrichie depuis l'Antiquité, a prêtés à Hercule. Cette figure mythique du héros victorieux dans l'adversité a séduit les humanistes à la Renaissance. Hercule, donnant toute sa noblesse à la vie active, par opposition à la vie contemplative, se prêtait aux comparaisons que les dirigeants de l'époque ne manquaient pas d'établir entre le plus grand des héros mythologiques et eux-mêmes. D'où l'intégration par Mantegna, vers 1460, de scènes dédiées à Hercule parmi les peintures de la voûte de la Camera Picta du palais ducal de Mantoue (Boorsch, Suzanna, " The Labours of Hercules ", dans le cat. de l'exposition Andrea Mantegna, Londres, Royal Academy of Arts (17 janvier-5 avril 1992) ; New York, The Metropolitan Museum of Art (9 mai-12 juillet 1992), éd. Olivetti/ Electa, 1992, pp. 298-300). Les épreuves multiples rencontrées par Hercule et transformant sa vie d'aventures en parcours initiatique propre à le conduire à la purification salvatrice, préfigurent en quelque sorte le Christianisme. Aussi n'est-il pas étonnant de voir apparaître dans l'oeuvre des artistes nés vers 1500, autant de suites dédiées à ce modèle de force physique et morale, incarnant les valeurs de la vertu. Ainsi Giovanni Jacopo Caraglio, vers 1524-1525, en réalise une de six estampes, dont Hercule et Cerbère (cat. n° ), d'après des dessins expressément préparés par Rosso Fiorentino ; et en Allemagne, Sebald Beham en grave une de douze compositions entre 1542-1548 (B. 96-107). Les oeuvres isolées, en revanche, ou limitées à deux, voire trois exploits d'Hercule, existent déjà chez les artistes italiens, tels Andrea Mantegna et son école, (cat. n° ), Giovanni Antonio da Brescia (B. XIII, 323, 11 ; 324, 13 ; 325, 14) ou Cristofano Robetta . Mantegna et Pollaiuolo ont créé des prototypes de figures héroïques à l'anatomie magnifiée qui serviront de modèles, tant en Italie qu'au nord des Alpes. Dürer, une nouvelle fois, peut être considéré comme l'un des principaux catalyseurs de ce ferment italien. Ainsi le burin, Samson combattant le lion, vers 1497-1498 (B. 2), s'inspirant de figures de Pollaiuolo, sert de modèle au Lion de Némée (B. 26), qu'Altdorfer grave entre 1515 et 1525. A l'inverse de la tradition littéraire déclarant que le lion meurt étouffé, Altdorfer, ainsi qu'Aldegrever, assimilent Hercule à Samson " déchirant le lion comme on déchire un chevreau " (Juges, 14,6), ce que montre déjà une oeuvre de jeunesse de ce dernier (B./ H. /TIB. 97). Dans la gravure Hercule dit " à la croisée des chemins " (B. 73), datée vers 1498, et réalisée à partir du dessin de 1494, La mort d'Orphée, (Hambourg, Kunsthalle), Dürer transforme la ménade de la composition de Mantegna en Vertu, dont Aldegrever reprendra la gestuelle des bras et la torsion du corps, dans les dessins préparatoires (Francfort, Städelsches Kunstinstitut) et les estampes consacrées à Cacus et à l'hydre de Lerne. En revanche, pour la figure de Cacus, dont le raccourci met en valeur les épaules musclées, Aldegrever a pu s'inspirer du torse du Belvédère, la plus célèbre statue antique au XVIe siècle, dont Martin van Heemskerck réalise entre 1532-1535, des dessins du buste flanqué à terre (Berlin Kupferstichkabinett, S taatliche Museen zu Berlin). D'intégrer en effet la représentation de cette sculpture dans une composition picturale ou graphique, était devenu alors un véritable topos (LUIJTEN, Ger, cat. de l'exposition Dawn of the Golden Age-Northern Netherlandish Art, 1580-1620, Amsterdam, Rijksmuseum, (11 décembre 1993-6mars 1994), pp. 344-345, n° 12). De Dürer encore, Aldegrever adopte, pour les combats contre Achéloos et Ladon, le dragon du Saint Georges à pied, vers 1502 (B. 53), lui-même repris du sujet traité par Schongauer (B. 51), et le transforme en monstrueux lézard ailé, tandis qu'il s'inspire directement du dragon à sept têtes du cycle de L'Apocalypse, vers 1497 (B. 71), pour figurer l'hydre de Lerne. (Anny-Claire Haus) ; voir aussi : Hercule plante deux colonnes (77.002.0.18), Le lion de Némée (77.002.0.10), Hercule tuant Cacus (77.002.0.11), Hercule et Antée (77.002.0.13), L'Hydre de Lerne (77.002.0.12), Hercule luttant contre le dieu-fleuve Achéloos (77.002.0.14), Hercule tuant le dragon (77.002.0.15), Hercule tuant Nessus (77.002.0.16)
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