Historique
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Cette photographie de Gérard Benoit à la Guillaume a été présentée aux publics du musée à l'occasion de l'exposition " Visions du monde. Sous le ciel du Jura "organisée du 20 mai au 30 novembre 2006. D'une certaine manière, il nous est possible de considérer qu'elle a fait l'objet d'une commande du musée au photographe pour cette exposition. Confrontée aux vues aériennes prises par l'IGN en 1960 (échelle 1:5000) et en 2001 (échelle 1:5000, carte réalisée avec la technique de la BD Ortho), elle témoigne de l'expansion et de l'urbanisme de la ville de Morez jusqu'en 2006. C'est pour partir du local avant de cheminer vers l'universel que cette collaboration à été proposée à Gérard Benoit à la Guillaume. La ligne directrice proposée consistait à mettre en avant la dimension locale du paysage à travers une sélection de vues exclusivement aériennes et obliques. Une technique qui n'aurait pu voir le jour sans l'invention de la perspective par les savants de la Renaissance. Ainsi donc, au 17ème siècle, Jan Van der Heyden, peintre paysagiste, su représenter avec une exactitude optique rigoureuse les vues des nombreuses villes européennes qu'il visita au cours de ses voyages, parmi lesquelles Cologne, Düsseldorf, Bruxelles, Lourdes. Elles fournissent aujourd'hui encore une documentation remarquable sur ces villes. En France, nous connaissons cette technique grâce aux œuvres d'Adam Frans Van der Meulen conservées au Louvre ou dans certains musées de province. Peintre flamand, il s'établit à Paris en 1664 où il devint le peintre de cour de Louis XIV. Son œuvre se compose de paysages et surtout de scènes de batailles qui illustrent en plusieurs versions les principaux épisodes des campagnes du Roi. Cette filiation est perceptible dans plusieurs des clichés proposés par Gérard Benoit à la Guillaume. Après les peintres et avec l'invention de la photographie, la vue oblique trouve un nouveau souffle grâce à la technique du ballon gonflé à l'air chaud puis de l'aérostat à hélium. Les Frères Lumières et Montgolfier seront les premiers sur la place. Il faudra attendre la maîtrise de vol des engins plus lourd que l'air pour voir naître la vue verticale couramment pratiquée par l'Institut Géographique national. Et attendre encore de vaincre la pesanteur terrestre pour profiter des vues prises par des hommes depuis des navettes spatiales ou des stations orbitales, ou encore par des satellites qui tournent à quelques 800 ou 900 km d'altitude. Il y avait donc deux courants dans cette exposition : celui des photographes qui tendent à s'éloigner de la Terre pour mieux la regarder et celui qui s'empare, par ces productions visuelles, des signes extérieurs du monde contemporain pour renouveler notre connaissance des paysages, des architectures ou des activités humaines en plein air dans le massif jurassien franco-suisse. De ce point de vue, l'économie d'ensemble du travail de Gérard Benoit à la Guillaume convoque la notion de politique de l'environnement et côtoie les questionnement nouveaux développés, depuis les années 80, par les géographes, ethnologues ou sociologues qui se démarquent de la notion de rupture entre nature et culture qui avait cours dans certaines de ces disciplines. Il est assez admis aujourd'hui de penser que la réalité des paysages amène à voisiner des frontières jusque-là hermétiques entre les notions de culture, de patrimoine et de territoire, à tel point que nous entendons parler aujourd'hui " d'anthropologie de l'espace " : un champ d'étude qui porte la plus grande importance aux relations des hommes à leur milieu. Du reste, cette exposition racontait aussi la rencontre d'un photographe avec un territoire. Elle s'attachait à montrer des vues du Jura qui traduisent bien le temps et les espaces d'un massif de moyenne montagne, fortement humanisé. C'était aussi la rencontre d'un musée avec un photographe qui ne retouche jamais ses vues,c'est dire la maîtrise qui est la sienne, l'assurance du doigté qui déclenche l'appareil, la rapidité d'analyse et de construction des compositions qui déterminent le motif de la photographie. Typhaine Le Foll
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Précision sujet représenté
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Les gorges du Jura sont des vallées profondes et étroites creusées dans les couches de calcaires et parcourues généralement par un cours d'eau. Si la gorge traverse transversalement une chaîne plissée, on parle alors de "cluse", comme ici, à Morez
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