Historique
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L'inscription figurant au verso de l'oeuvre est très vraisemblablement apocryphe. Le tableau porte une signature à droite, illisible car en partie effacée. Pour M. Beck, auteur d'une ancienne monographie sur van Goyen, ce tableau est l'oeuvre d'un maître inconnu, de la succession de van Goyen (comm. Ecrite au musée, 1988). M. Foucart le date vers 1630-1640. Classé en 1992 comme genre de van Goyen, ce paysage fluvial monochrome est inspiré des productions de ce célèbre peintre ainsi que de celles de son contemporain Salomon van Ruysdael, qui furent souvent imitées par de nombreux petits maîtres actifs à Leyde au milieu du XVIIe siècle, comme Pieter Pietersz. De Neyn (1597 - 1639), Jan de Vos ou Maerten Fransz. Van der Hulst (actif entre 1630 et 1645) dont les ouvres sont souvent assimilées, par ignorance, à ces peintres prestigieux. Correspondant à une sensibilité artistique nationale, le genre du paysage fluvial monochrome connut dans les villes hollandaises entre 1630 et 1650 un intense développement. C'est van Goyen qui introduisit dans la peinture de paysage le motif nouveau des berges de rivières bordées de groupes d'arbres et de buissons, vues en diagonale selon une perspective très allongée. Le même schéma fut développé également par Salomon van Ruysdael et repris inlassablement par d'autres petits maîtres, de Leyde, Haarlem, La Haye, qui se lancèrent à cette époque dans la production de ces images "humides", vues de berges, ou de plages, peintes avec des motifs simples et dans des tons de jaune brunâtre, de vert-jaune en accord avec l'atmosphère très particulière de la Hollande. Sur un panneau de bois au format très étiré, le peintre reprend ce type de composition inventé par van Goyen, basé sur une alternance de triangles allongés, tantôt clairs, tantôt foncés : deux bandes claires en diagonale figurant l'au et le ciel alternent avec le long triangle sombre qui part du cadre pour s'achever en une longue pointe effilée. Avec quelques variantes, le schéma est identique à la Vue d'une rivière de van Goyen (Berlin, Staatliche Museen), et se rapproche des innombrables Bords de rivière de Salomon van Ruysdaël. Mais l'artiste n'accorde pas la même importance au ciel, séparant le tableau en deux registres horizontaux presque égaux. La simplicité de la mise en page - une rive boisée séparant le ciel d'une grande étendue d'eau animée de quelques barques de pêcheurs - permet au peintre d'aller à l'essentiel, c'est-à-dire de recréer une atmosphère, celle d'un jour de grisaille sur le plat pays hollandais. Partant du bord droit du tableau, un lent mouvement de progression vers la gauche, amorcé par la rame inclinée d'un pêcheur, entraîne le spectateur au gré de sa rêverie à l'extrémité opposée de la toile, vers le bout de la berge, à l'endroit où la terre, l'eau et le ciel se rejoignent. Cette trouée perspective ouvre le tableau vers un espace fictif livré à l'imaginaire. Sur la droite de la composition les détails apparaissent plus nettement, tandis que le flou envahit la végétation et toute la partie gauche du tableau, comme si le peintre voulait les fondre dans l'humidité ambiante et suggérer un engloutissement des objets solides dans l'élément liquide ou vaporeux omniprésent. Cette symbiose des éléments se traduit également par une palette monochrome unifiant la composition dans des tons de verts-gris, de beiges rosés et de gris ocrés très doux. De la même manière que sur une Vue de rivière de 1652 signée van Goyen (Rouen, Musée des Beaux-Arts), (Pl. XXX), la touche très légère joue avec le bois du support, dont les veines transparaissent nettement sous la peinture. Mais on ne retrouve pas sur le panneau de Roanne la même transparence de l'atmosphère. Le ciel et l'eau semblent avoir ici la même densité. Les frondaisons des arbres apparaissent comme tamponnées à l'aide d'une brosse légère et drue, ce qui leur donne cet aspect un peu mousseux rappellant le style de Salomon van Ruysdael dans le Bord de rivière du Musée d e Grenoble. Les ouvres de tous les petits maîtres travaillant dans le sillage de van Goyen, le copiant et l'imitant, furent malheureusement éclipsées par la renommée du maître, et l'engouement des amateurs du dix-huitième siècle pour ses compositions fit naître chez les marchands d'art des pratiques peu recommandables. Beaucoup d'entre eux effacèrent les signatures d'artistes inconnus, ce qui semble être le cas pour ce petit panneau dont la signature à droite est devenue illisible. En rapport avec : Vue d'une rivière
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