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Réponse n° 2327
Domaine

archéologie ; sculpture ; croyances - coutumes

Dénomination

sarcophage (cuve)

Titre

Face antérieure d'une cuve de sarcophage paléochrétien

Période création/exécution

4e siècle

Découverte/collecte/récolte

France ; Haute-Garonne ; Toulouse ; (Place Saint-Sernin, lieu de découverte) ; (1860, date de découverte)

Précision découverte/collecte

Provient d'une maison où elle avait été remployée comme matériau. ; Place Saint-Sernin (coordonnées de l'objet)

Matériaux/techniques

marbre blanc, taillé

Description

Cette frise sculptée appartenait à une cuve de sarcophage de forme irrégulière, comme cela est courant pour les sarcophages paléochrétiens du sud-ouest de la Gaule. Les petites faces étaient inclinées. Le bord supérieur de la face principale n'est pas parallèle à sa ligne de base. Du décor des petites faces, limitées par un pilastre cannelé, il ne reste quasiment rien : un rideau retroussé, des amorces de reliefs. Au centre, le Christ, debout, en position frontale, impose les mains sur deux corbeilles de pains que lui présentent deux disciples. Trois autres personnages, à l'arrière-plan, complètent ce premier groupe iconographique qui illustre la Multiplication des pains. Anticipation de la Cène et symbole de l'Eucharistie, ce thème met en évidence des pains spirituels, à la fois parole de Dieu et nourriture des âmes. Le Christ est représenté une seconde fois, de profil, touchant les yeux du jeune aveuglé-né qu'il guérit ainsi miraculeusement de sa cécité (Jean, 9, 1-41). Au second plan, un témoin désigne Jésus de sa main gauche et élève sa droite, comme pour accompagner sa surprise ou ses paroles. Dans le paléochristianisme romain, le sujet était perçu comme un symbole de la conversion à la lumière de la foi. Tourné vers l'aveugle, un autre témoin tient un volumen et montre un quatrième personnage qui, le visage également orienté vers le Christ et l'aveugle, fait jaillir une source avec sa baguette. Le thème est, à l'origine, celui de Moïse frappant le rocher d'Horeb afin de désaltérer le peuple d'Israël assoiffé (Exode, 17, 6). Dans sa Première Epître aux Corinthiens (10, 1-4), saint Paul donne de cette scène une interprétation chrétienne : "... tous reçurent le baptême de Moïse en la nuée et en la mer, tous mangèrent le même aliment spirituel et tous burent le même breuvage spirituel, - ils buvaient, en effet, au rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher spirituel était le Christ". À Rome, au IVe siècle, Pierre fut assimilé à Moïse et la vie de l'apôtre s'enrichit aussi dans les Actes apocryphes de Pierre d'un épisode semblable. Dans la prison Mamertine où il était incarcéré, Pierre aurait fait sourdre une fontaine grâce à laquelle ses deux geôliers convertis auraient reçu le baptême. L'eau courante représentée à l'extrémité de la face antérieure du sarcophage est donc celle du baptême et ce thème est étroitement associé - par le regroupement visuel et gestuel du Christ, des témoins, de l'aveugle, de Pierre-Moïse - à celui de la vue retrouvée grâce à Jésus. Le symbolisme de l'ensemble est bien la naissance à une nouvelle vie par la clairvoyance et la régénération du baptême. À gauche est une femme dans l'attitude de la prière, les paumes de ses mains tournées vers le haut. Elle est désignée par un personnage qui se tient à sa droite. À sa gauche est un autre homme, portant un volumen, qui semble aussi présenter l'orante en plaçant son bras sur ses épaules (?). Enfin, à l'extrémité, assis sur un fauteuil, les jambes croisées, un homme pose sa main gauche sur un livre et tend vers l'avant son bras droit. Derrière lui, un individu élève ses deux mains vers le haut, sa droite tenant une sorte de feuille (?). Un dernier personnage tient un volumen et semble accompagner de sa main droite le geste de son voisin. L'on voit fréquemment dans cette scène une version dérivée du thème de Pierre enseignant les soldats romains. Jean Boube a pensé que l'artiste l'a appauvri et déformé en ne représentant plus des soldats mais deux personnages en toge dont l'un tiendrait une feuille, souvenir lointain de l'arbre qui se dresse généralement derrière Pierre. Nous ne sommes pas si sûrs qu'il s'agisse d'une incompréhension par l'artiste ou le commanditaire de ce thème initial. Ne pourrait-on envisager un autre thème, plus solennel à cause de la présence du trône (Pierre est habituellement assis sur un simple rocher lorsqu'il s'adresse aux soldats) et du personnage élevant les bras ? Il faut associer le personnage trônant et l' orante. À cette dernière, allégorie de l'âme du défunt libérée du corps, sont destinés cet enseignement solennel et cette connaissance suprême dispensés par Pierre ou Dieu lui-même, substitués par les chrétiens aux philosophes et précepteurs des sarcophages du paganisme. À notre sens, la lecture de l'iconographie de ce sarcophage selon trois volets reprend une certaine cohérence : baptême, eucharistie, béatitude, dans la connaissance divine, de l'âme délivrée par la mort et introduite auprès de Dieu. On a noté le caractère sommaire de la réalisation. Il apparaît surtout lorsque l'on observe un à un les visages. Tout en préservant du détail dans les barbes, chevelures, paupières et globes oculaires, ils sont assez rudement individualisés, sur des têtes triangulaires, avec parfois des profils et des trois-quarts accusés par une taille en proue. Le sculpteur recherche un relief comparable à celui des frises romaines. Il substitue cependant un pittoresque animé à la stéréotypie du répertoire des têtes idéales ou inspirées de différents genres de portraits romains que l'on voit plus habituellement à Rome, même si les ateliers de production de sarcophages de cette ville ont aussi eu parfois quelque difficulté à en respecter les canons. En raison d'une exécution rapide qui schématise, ponctue les détails de coups de trépan, bien des sculpteurs de la Ville Éternelle ont négligé proportions, anatomie et modelé. Cela s'aggrave sur la frise toulousaine où le volume des corps commence à ne plus être qu'une illusion, obtenue par une taille des draperies plus biseautée que creusée des profonds sillons fréquents à Rome. Une vision rasante montre combien le plan d'origine de la paroi de marbre sculpté reste sensible, les corps étant comme écrasés. Mais l'oeil est trompé, séduit même, par le jeu du dessin des vêtements, des gestes, des attitudes, qui rythme l'ensemble et conserve d'indéniables effets plastiques. Le Christ en mouvement guérissant l'aveugle-né garde l'essentiel d'une belle posture classique présente sur la scène équivalente du magnifique sarcophage dit "des deux frères" du musée Pio-Cristiano du Vatican. L'ensemble de la frise peut aussi être rapproché d'un devant de cuve du musée archéologique de Narbonne. L'oeuvre dépend donc de modèles romains ; cependant elle paraît avoir été élaborée à Toulouse, avec un temps de retard par rapport à ceux-ci. Elle témoigne probablement des débuts d'un atelier de sculpture qui accompagna le développement de la nécropole de Saint-Sernin et répondit aux commandes que celle-ci faisait émerger. On lui doit certainement d'autres sarcophages encore conservés à Toulouse, notamment celui dit de Guillaume Taillefer, réutilisé aux Xe et XIe siècles par la famille des comtes de Toulouse dans son enclos funéraire de Saint-Sernin. Friedrich Gerke a pensé que cette sculpture paléochrétienne toulousaine joua un rôle important dans la naissance à Saint-Sernin, à la fin du XIe siècle, avec Bernard Gilduin et autour de lui, d'une plastique antiquisante. Plus tard, au XIIe siècle, c'est aussi de tels modèles que s'inspira le fameux maître de Cabestany. Daniel Cazes, extrait de la notice publiée dans le catalogue d'exposition « La Catalogne et la Méditerranée », 2008.

Dimensions

Hauteur en cm 60-57 ; Longueur en cm 203-195 ; Epaisseur en cm 12

Utilisation/destination

pratique funéraire

Sujet représenté

scène biblique (Christ, Multiplication des pains, Jésus guérissant, aveugle, femme, eau, disciple, volumen)

Etat de conservation

fragmentaire

Lieu de conservation

Toulouse ; musée Saint-Raymond

Statut juridique

propriété de la commune ; transfert ; Toulouse ; musée Saint-Raymond

Date acquisition

1995

Anciennes appartenances

Collection privée, Du Mège Alexandre, 1862, (Vente publique.) ; Collection publique, Musée des Augustins, 1862, (Achat d'Alexandre Du Mège.)

Numéro d'inventaire

Ra 506 ; RA 506 (Numéro au musée des Augustins) ; Recueil..., n° 152 (Ancien numéro)

Exposition

Palladia Tolosa, Toulouse romaine, Toulouse, musée Saint-Raymond, 1988.
La Catalogne et la Méditerranée dans la plénitude de l'art roman (1120-1180), Barcelone-Toulouse-Pise, 29 février-18 mai 2008.

Bibliographie

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Catalogue d'un riche cabinet d'antiquités, de tableaux anciens et de curiosités... provenant de la succession de feu M. Alexandre Du Mège, Toulouse, s.d. (1862), (p. 216.)
Roschach (Ernest), Musée de Toulouse. Catalogue des antiquités et des objets d'art, Toulouse, imprimerie Viguier, 1865, (p. 251, n° 706.)
Le Blant (Edmond), Les sarcophages chrétiens de la Gaule, Paris, 1886, (p. 126, n° 154 et pl. XL,2.)
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L'essentiel des collections 2011, Musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse, les guides du MSR.1. (p. 58; 59.)

Rédacteur

Mekrabech Souad

Copyright notice

© Toulouse, musée Saint-Raymond, © Service des musées de France, 2016

Crédits photographiques

© Jean-François Peiré

 

Renseignements sur le musée

 

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Requête :   ((croyances - coutumes) :DOMN )
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