Historique
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La représentation de la chasse, comme celle des scènes de bataille, à l'avant des domaines royaux et princiers constitue, sous l'Ancien Régime, un volet de la production picturale qui permet d'exposer le spectacle des fastes du pouvoir à travers le déploiement des équipages en livrée. Le musée Condé et le musée de la Vénerie ont présenté plusieurs de ces représentations liées au domaine princier de Chantilly lors de l'exposition Chasse à courre, chasse de cour. Fastes de la vénerie princière au temps des Condés et des Orléans 1659-1910 (Chantilly et Senlis, 2004). Le second tableau a été titré à tort dans le catalogue de la vente, Scène de chasse à courre devant la grande cascade du château de Saint-Cloud en présence de la duchesse de Berry. De nombreux personnages assistent à un bat l'eau dans un canal. Au premier plan, trois dames et deux enfants occupent une place de choix à l'avant tandis que des badauds se tiennent derrière eux. Les valets de chiens contiennent la meute et des veneurs à cheval sonnent l'hallali. Leur tenue ventre de biche et amarante permet de déduire que l'épisode se déroule devant les cascades de Chantilly, dessinées comme celles de Saint-Cloud qui leur ont servi de modèle, par André Le Nôtre1. Le jardinier du roi réalisa pour le Grand Condé un parc composé de fontaines et jeux d'eau. Situé à l'ouest du château, il fut détruit à la Révolution et la ville de Chantilly fut construite à son emplacement. Si l'on se réfère aux gravures de Petrelle (Chantilly, musée Condé), l'artiste a pris quelques libertés par rapport au dessein de Le Nôtre. Quoiqu'il en soit, la ressemblance entre la grande cascade de Saint-Cloud, toujours en place, et celle de Chantilly peut expliquer l'erreur de localisation de la scène. Cette iconographie est inédite dans les tableaux cynégétiques liés à Chantilly. Un passage du Journal de Jacques Toudouze, lieutenant des chasses du prince de Condé, décrit un épisode conforme à notre tableau, à la date du 20 octobre 1771 : " S.A.S. a fait attaquer une 3e tête au Carrefour de Gouvieux qui a été pris au canal St-Jean vis-à-vis les Grandes Cascades "2. Nicole Garnier, conservateur en chef du musée Condé, a retrouvé en outre la mention d'un tableau de Jean-François Perdrix (vers 1746-1809), " peintre de chasses et de meutes " du prince Louis-Joseph de Condé, qui figurait dans l'antichambre des valets de chambre sous le titre Chasse au cerf, pris sous la grande cascade de Chantilly (Voyage pittoresque de la France, Paris, 1789, p. 53). La comparaison avec les œuvres connues de cet artiste et la mode vestimentaire des personnages représentés dans notre tableau rendent difficile une attribution de ce tableau à Perdrix. Une datation début XIXème siècle paraît plus probable, même si l'artiste reprend un épisode plus ancien et le situe dans un cadre disparu. Ces deux œuvres témoignent d'une attention poussée au rendu des détails qui leur donnent un caractère un peu naïf sur le plan stylistique mais leur confèrent, d'un point de vue historique, un très grand intérêt. Bénédicte Ottinger 1 Nicole Garnier-Pelle, André Le Nôtre (1613-1700) et les jardins de Chantilly, Paris, Somogy, 2000. 2 Manuscrit, Chantilly, musée Condé, t.1, 1748-1778, p. 357. Voir pendant V. 2007.2.1
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