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Campagnes de traite négrière françaises au XVIIIe siècle

Les journaux de bord de campagnes de traite conservés aux Archives nationales, Marine 4JJ

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Ces 169 documents proviennent de campagnes de traite des esclaves entreprises par les Français entre 1721 et 1757 et principalement dans le deuxième quart du XVIIIe siècle dans le cadre de la Compagnie des Indes. Conservés aux Archives nationales, dans la sous-série Marine 4JJ, consacrée aux journaux de bord, ils constituent un corpus d'une homogénéité exceptionnelle sur la traite. Ils sont la première et souvent l’unique trace de milliers de vies emportées dans les migrations forcées de main d’œuvre qui ont frappé le continent africain, surtout à partir de l’intensification des échanges commerciaux atlantiques depuis l’Europe. Pour la majorité des documents présentés, il s’agit bien du journal où, quotidiennement, le pilote ou l’écrivain (chargé des écritures et comptes à bord), plus rarement le capitaine, a inscrit la position du bateau et sa marche depuis la veille ainsi que les aléas et événements de la vie à bord pendant les dernières vingt-quatre heures.

Le journal qui a été conservé, et numérisé, est celui mis au net par l’auteur à bord ou recopié de retour au port d’attache. Remis à l’armateur, il fait foi de ce que le capitaine s’est acquitté au mieux des instructions reçues. Il arrive que le même journal accompagne son rédacteur dans plusieurs campagnes successives qui ne sont pas toutes de traite négrière. On peut aussi avoir pour une même campagne plusieurs journaux émanant d’auteurs différents. Le corpus inclut quelques lettres, le capitaine, en escale aux Antilles par exemple, ayant jugé bon de notifier des incidents ayant perturbé la campagne et qui peuvent justement concerner les opérations de traite et les captifs. Des journaux remis au retour, le corpus présente souvent des copies voire des « extraits » n’en ayant retenu que des mesures, descriptions, dessins, voire levés sommaires des côtes. Ceux-ci ont été exécutés souvent bien après la campagne elle-même, dans la mesure où ils pouvaient servir à améliorer les cartes marines utilisées pour les expéditions de toute nature. La confection des cartes marines relève de l’hydrographie que l’État développe au 18e siècle au sein du Dépôt des cartes, plans et journaux de la Marine, créé officiellement en 1720, à l’origine du Service hydrographique de la Marine, qui rassemble une vaste documentation incluant les journaux de bord originaux, copies, ou extraits provenant principalement de la marine royale.

À l’instar du dépôt central parisien, la Compagnie des Indes constitua le sien à Lorient en 1762 sous l’impulsion du marin et hydrographe de la Compagnie, d’Après de Mannevillette, auteur du Neptune oriental. La Compagnie dissoute (1769), le dépôt de Lorient fut réuni à celui de Paris. après la mort de d’Après de Mannevillette, survenue en 1780. Ceci explique que les journaux de bord numérisés proviennent en majorité de la Compagnie des Indes ; quelques-uns montrent cependant la traite pratiquée par d’autres armateurs et le rôle, dans la traite, de la marine royale. N’ont pas été retenus, au contraire, les journaux émanant de bâtiments de la Compagnie ayant, selon d’autres sources, effectivement pratiqué la traite mais n’en faisant aucunement mention. De façon laconique ou au contraire prolixe, les documents numérisés apportent des informations introuvables ailleurs sur les captifs, depuis leur embarquement – parfois même leur quête et achat –, jusqu’à leur livraison dans une colonie, éventuellement la vente à bord des bâtiments. Les journaux de bord documentent les conditions du voyage (à commencer par les aménagements apportés au bateau) ; la vie quotidienne (nourriture ou disette, séjours sur le pont, mises aux fers) ; les maladies, épidémies, décès mais aussi naissances ; les moments dramatiques, enfin, que constituent les suicides ou révoltes. Les expéditions partent presque toutes de Lorient, centre opérationnel de la Compagnie des Indes ; aux commandes, des pilotes et capitaines qui tournent sur les mêmes bâtiments et se connaissent entre eux. Les bateaux se rendent sur les côtes d’Afrique qu’ils parcourent depuis le Cap Blanc en Mauritanie. Ils opèrent principalement dans deux zones : la Sénégambie, domaine de la Compagnie, à partir des comptoirs de Gorée et du Sénégal (avec des transports locaux qui acheminent vers ces comptoirs les captifs achetés en Gambie) ; et, d’autre part, la côte de Guinée, à partir de Juda (aujourd’hui Ouidah, Bénin) où les Français sont en concurrence avec d’autres Européens. Quelques journaux de bord montrent aussi la traite de captifs en Angola et au Mozambique portugais.

Enfin, pour approvisionner Bourbon [la Réunion] et l’île de France [Maurice], les bâtiments de la Compagnie des Indes pratiquent à Madagascar, parfois à partir des Mascareignes, une traite « volante » portant sur des effectifs bien moindres qu’en Sénégambie ou en Guinée. Lorsque la traite française ne dispose pas de comptoirs sur place, comme à Madagascar, le capitaine et son second ont fort à faire pour composer la cargaison d’esclaves, nouant les contacts, négociant les tarifs et proposant leur marchandise en échange. Les journaux de bord montrent alors deux mondes en contact. On soulignera la grande richesse des informations livrées sur les régions et les sociétés visitées. Ces journaux de bord concernent au total, outre la France, une quinzaine de pays actuels, notamment : en Amérique, les États-Unis (Louisiane) et Haïti ; en Afrique, le Sénégal, la Gambie, la Guinée-Bissau, le Bénin, l’Angola, la République démocratique du Congo (ex-Zaïre), le Mozambique, la Tanzanie, l’île Maurice et Madagascar ; et, dans ces deux continents, la France ultramarine : Martinique, Guyane, Guadeloupe et Réunion.

Inventaire de référence
Inventaire des Archives de la Marine. Service hydrographique, sous-série 4 JJ (Journaux de bord), par G. Bourgin et É. Taillemite, Paris, 1963, in-8°, 168 p. (deux index des noms de navires et d'officiers : 1° journaux de bord antérieurs à 1800 ; 2° journaux de bord postérieurs à 1800).

Site Internet
Sur le site Mémoire des hommes du Service historique de la Défense a été mis en ligne un portail Compagnie des Indes donnant accès à des bases de données ainsi qu’à des documents numérisés concernant les armements au long cours, les équipages et les passagers de la Compagnie.