Faire renaître l'art khmer


Contrairement à la légende, Angkor n'a jamais été oubliée, ni perdue avant d'être "retrouvée". Dès 1296, un chroniqueur chinois, Zhou Daguan (Tcheou Ta-Kouan), se rend dans la capitale du royaume khmer, qu'il décrit comme la "Ville murée".
Suivent, dans la seconde moitié du xvie siècle, les récits de quelques missionnaires portugais : certains voient en Angkor "l'une des Merveilles du monde", d'autres "la cité fantastique de l'Atlantide de Platon".

C'est néanmoins à partir de 1850 que paraissent les premiers récits de voyageurs français, à la fois surpris, voire effrayés, par les géants de pierre d'Angkor et enthousiasmés par le romantisme des ruines : "On regarde, on admire et, saisi de respect, on reste silencieux; car où trouver des paroles pour louer une oeuvre qui n'a peut-être pas d'équivalent sur le globe... Qu'il était élevé le génie de ce Michel-Ange de l'Orient qui a conçu une oeuvre pareille", écrit le naturaliste Henri Mouhot lors de son voyage d'exploration au Cambodge (1858-1860).
Ses carnets de voyages, abondamment illustrés, paraissent bientôt en feuilleton dans la revue du Tour du monde - en 1863, l'année même où le Cambodge devient protectorat français. La découverte proprement dite de l'art khmer date cependant de la mission qu'organise l'officier de marine Doudart de Lagrée, avec le concours de Louis Delaporte et de Francis Garnier, de 1866 à 1868, pour explorer le Mékong.

"Une autre forme du beau"

Delaporte, dessinateur en titre de la mission, sait d'emblée percevoir l'originalité d'Angkor, "une autre forme du beau". Dès lors, il n'a plus qu'un souhait : faire connaître ces monuments en Europe, et enrichir les musées français d'une collection d'antiquités khmères. En 1873, il prend la tête d'une nouvelle expédition dont il rapporte une première série de pièces originales des sites d'Angkor, de Beng Mealea et de Koh Ker.
Le musée du Louvre refuse cependant de les accueillir, et c'est au château de Compiègne que les oeuvres trouvent en fait refuge. à l'Exposition universelle de 1878, la reconstitution de la chaussée des Géants du temple de Preak Khan, fondé à Angkor par Jayavarman VII, reçoit en revanche un véritable triomphe et, trois ans plus tard, Delaporte se rend une dernière fois au Cambodge d'où il rapporte des moulages et soixante-dix oeuvres originales.
En 1882, la collection de Compiègne est transférée au Trocadéro, qui devient le Musée indochinois. à quelques mètres de là, le musée Guimet, fondé en 1889, présente également, dès son ouverture au public, "quelques moulages et sculptures brahmaniques" khmers, rapportés par étienne Aymonier de trois missions successives en Asie.

Dégager, fouiller, comprendre

Mais dans l'ancienne Indochine, le temps des grandes expéditions prélevant les vestiges d'une civilisation disparue est désormais révolu : en 1898, à Hanoi, est fondée l'école française d'Extrême-Orient, pendant qu'à Saigon s'installe la mission archéologique de l'Indochine. à partir de 1907, année où le Siam accepte, sous l'influence de la France, de rendre au Cambodge la province d'Angkor, les fouilles s'accélèrent : le temple d'Angkor Vat est dégagé, puis l'ensemble d'Angkor Thom.
C'est là le début d'importants travaux de mise en valeur du patrimoine khmer, auxquels seront associées tout au long de la première moitié du siècle d'exceptionnelles personnalités, parmi lesquelles Henri Marchal, Maurice Glaize et Bernard Philippe Groslier, conservateurs du site d'Angkor, et George Coedès, directeur de l'école française d'Extrême-Orient (EFEO). Dès 1924, il est procédé au dégagement du temple de Banteay Srei et, en 1931, Marchal y expérimente la technique de l'anastylose, qui consiste à démonter les monuments anciens - après avoir pris soin d'en numéroter chaque pierre - pour les reconstruire sur une structure renforcée.
Parallèlement à ces travaux menés dans le parc d'Angkor, officiellement créé en 1925, les chercheurs s'emploient à compléter les collections parisiennes afin de les rendre plus didactiques. Historiens de l'art, archéologues et épigraphistes mettent désormais leurs connassances en commun pour faire renaître la capitale du Cambodge ancien, et rétablir la chronologie de son histoire.
Durant les années soixante, les travaux redoublent d'importance, lorsqu'en 1970 la guerre civile vient y mettre un terme : si les monuments n'ont pas directement souffert des combats, l'interruption de ces grands chantiers et l'absence de surveillance du site ont eu des résultats désastreux : la Conservation d'Angkor s'efforce aujourd'hui d'y remédier, avec l'aide internationale.


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