Grands Prix nationaux 1999

Arts du spectacle vivant - | Mathilde Monnier | Catherine Marnas | -

Mathilde Monnier

Mathilde Monnier
Grand prix national Arts du spectacle vivant (consécration)

Initiée à la danse par Viola Farber, Mathilde Monnier découvre très tôt les vertus libératrices du travail. Elle parfait cet apprentissage auprès de François Verret ou encore de Jean-François Duroure avant de poser, dès sa première pièce chorégraphique, les bases d'un univers dont elle va s'attacher, au fil des ans, à visiter les divers territoires pour en exprimer toute la mystérieuse plasticité.
Ce parcours, jalonné d'expériences et de rencontres multiples, va l'amener, en compagnie de Louis Sclavis, à disséquer le mouvement pour mieux saisir le secret de son unité, à épingler le geste, à le décomposer, à travailler sur tous les aspects de sa temporalité, de l'immobilité à la vitesse maximale.
Nommée en 1993 à la tête du Centre chorégraphique national de Montpellier Languedoc-Roussillon, Mathilde Monnier met en place avec son équipe un projet artistique audacieux qui, autour du pôle de la création chorégraphique, prévoit de nombreuses actions de sensibilisation du public à travers des colloques, des entretiens et diverses actions à caractère pédagogique.
En 1994, avec la création de Nuit, Mathilde Monnier transforme l'espace traditionnel de la danse en un jeu paroxystique d'ombres et de lumières. L'année suivante, avec L'atelier en pièces, elle suscite une mise en abyme de la perception visuelle en organisant le face-à face des danseurs et des spectateurs dans une aire de jeu particulièrement restreinte. D'autres expériences suivront, à partir de textes de Christine Angot ou bien, en compagnie de François Verret, de Claudine Brahem et de Jean-Pierre Drouet, en s'inspirant de poèmes de Ghérasim Luca sur des musiques d'Heiner Goebbels. Cette dernière création prend la forme d'un journal chorégraphique en trois volets dont le premier, Les non-lieux, a été créé en 1998, et trouvera son achèvement et son accomplissement à la fin de cette année.

Mathilde Monnier, danseuse et chorégraphe, est née le 2 avril 1959 à Mulhouse. Son travail est visible également à travers deux films de Valérie Urréa : Chinoiseries (Monnier-Sclavis. 34 mn) et Bruit blanc (51 mn).


Allocution de Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication

Danseuse, chorégraphe, pédagogue, vous êtes, Mathilde Monnier, l’une des figures les plus attachantes de la danse contemporaine française.

C’est au Centre national de danse contemporaine d’Angers que vous rencontrez François Verret, avec qui vous réaliserez de nombreux projets. Avec François Duroure, un autre complice de cette maison, vous signerez dès 1984 vos premières chorégraphies, vos premiers succès.

La profondeur et le sérieux de votre inspiration n’excluent ni l’humour ni la fantaisie. Mais comment s’étonner, les gens vraiment sérieux sont aussi ceux qui savent vraiment s’amuser. Ni larmoiement ni pathos, seulement la gravité de la vie côtoyant l’insoutenable légèreté de l’être.

En juillet 1993, vous avez été nommée directrice du Centre chorégraphique national de Montpellier/Languedoc-Roussillon. Dans un environnement très difficile vous y achevez l’installation du Centre des Ursulines qu’avait imaginé Dominique Bagouet. Ce centre ne sera pas uniquement l’instrument privilégié de vos créations. Vous en ferez au contraire un véritable pôle de sensibilisation et de formation au service des professionnels et du public de la région, un lieu emblématique de confrontation et de partage pour les artistes de très nombreux pays, notamment du continent africain. En ouvrant largement les portes de vos studios, vous contribuez fortement à l’éclosion de nombreuses compagnies locales.

En vous remerciant pour les très grandes joies que vos créations nous ont déjà procuré, je suis vraiment très heureuse de vous remettre ce soir le grand prix national du spectacle vivant.


Catherine Marnas

Catherine Marnas
Grand prix national Arts du spectacle vivant (jeune talent)

Roland Dubillard, Max Frisch, Bernard-Marie Koltès... Les auteurs des pièces que Catherine Marnas met en scène possèdent ce qu'elle cherchait depuis ses années d'université, d'abord comme comédienne puis comme assistante d'Antoine Vitez et de Georges Lavaudant : la puissance créatrice de la violence, du décalage et de la dissidence.
Cette puissance, elle en a la révélation en découvrant le Mexique lors d'une tournée avec Lavaudant en 1990, alors qu'elle vient de faire l'expérience de la perte et du deuil. A la faveur de cette rencontre, celle qui était au cœur de l'institution théâtrale sépare le théâtre de ce qui le mine dans les pays occidentaux : la carrière et le pouvoir. Sa voie est désormais tracée, ce qui apparaît lorsqu'elle crée à Guanajuato (Mexique) le Roberto Zucco de Koltès en 1995.
Revenue en France, elle devient artiste associé au théâtre de la passerelle, à Gap, et monte au théâtre de la Bastille des pièces qui toutes parlent de la révolte impuissante et de la puissance du rêve.
Du credo à la mission : la créatrice se fait pédagogue pour animer des ateliers d'élèves en France, au Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris, puis au Mexique où elle puise une force nouvelle dans un autre déchirement et un autre éblouissement : celui des langues. Cela donnera Alors, entonces, une pièce qui sera reprise en 1999 au Conservatoire.
Dans la veine des Don Quichote, Che Guevara ou Marcos, Alors entonces affirme la nécessité du désaccord et de la différence pour que puisse naître une réalité essentiellement théâtrale parce que profondément humaine.

Catherine Marnas est née le 5 mai 1955 à Lyon. Des études de lettres naîtra sa passion pour la scène, d'abord concrétisée par un DEA de sémiologie théâtrale sous la direction de Michel Corvin. A partir de 1983, elle se consacre à la mise en scène en devient l'assistante de Vitez et Lavaudant, avec qui elle monte une dizaine de pièces. Elle crée ensuite ses propres mises en scènes, anime des ateliers d'élèves et finit par écrire son propre spectacle en 1999.


Allocution de Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication

Le théâtre est votre passion. Le théâtre est votre vie. Tout en apprenant le métier des planches, vous avez même trouvé encore le temps et l’énergie de soutenir un D.E.A. de sémiologie théâtrale à l’université. Puis, vous avez quitté très vite le monde universitaire pour vous lancer à corps perdu dans la création théâtrale.

Certaines rencontres ont été déterminantes dans vos orientations et dans vos choix, notamment celles d’Antoine Vitez et de Georges Lavaudant dont vous avez été l’assistante et qui vous ont fait pénétrer au coeur de l’univers théâtral. Georges Lavaudant vous fait découvrir le Mexique, lors d’une tournée en 1990. Une rencontre avec un pays et une culture fascinante qui vont profondément marquer la suite de votre parcours. L’année suivante, vous devenez artiste associé au Théâtre de la Passerelle à Gap et vos productions seront montées à Gap, mais aussi au TNP de Villeurbanne, à la Maison de la Culture 93 de Bobigny et dans de nombreuses autres structures.

Parmi vos nombreux succès, permettez-moi de citer « Les diablogues » de Roland Dubillard, production qui fut reprise dans de nombreuses villes ; « Le Comte Oderland » de Max Frisch ; une mention spéciale pour votre travail sur les pièces de Bernard-Marie Koltès, justement considéré comme l’un des plus grands dramaturges contemporains, notamment son « Roberto Zucco » représenté à Mexico.

Pour toutes ces réussites passées et celles à venir, pour votre audace et votre engagement total dans l’aventure théâtrale, laissez-moi vous remercier et vous remettre ce grand prix jeune talent des arts du spectacle vivant.