" Printemps des poètes "
Mardi 16 février 1999


Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Je suis heureuse de vous présenter, avec Claude Allègre et Jack Lang, le Printemps des poètes.

J'ai accueilli avec beaucoup d'enthousiasme cette idée venue de Jack Lang, parce que je suis convaincue qu'une grande initiative publique en faveur de la poésie peut fédérer des énergies, faire se rejoindre des initiatives isolées et qu'un moment fort est l'occasion de mettre en valeur le travail que l'on mène toute l'année.

On évoque souvent à propos des fêtes du livre la difficulté de restituer dans des événements nécessairement collectifs la singularité de satisfactions qui demandent du temps et de l'intériorité.

Cette difficulté ne disparaît pas avec la poésie, mais elle diminue, parce que la poésie n'est pas n'importe quel texte et qu'elle n'est pas seulement du texte. Son travail porte la langue à un état qu'on appelle souvent d'incandescence pour dire qu'avec elle, le langage devient sensible et renouvelle notre perception du monde. Un sonnet sur une affiche, un haïku sur un kakemono, sont, pour reprendre le titre d'une anthologie patronnée il y a quelques années par la RATP, de puissants moyens de transports collectifs. " Il suffit d'une simple virgule pour que la poésie éclate ", disait Giono.

Autre atout : la poésie se lit silencieusement, mais elle se récite aussi, se joue, se chante, s'accompagne. Elle peut se murmurer comme se crier. Bien des chemins de notre création poétique contemporaine passent par une exploration de la voix, bien des rencontres avec la poésie commencent par sa présence physique, orale ou scénique. De grands événements publics sont aussi là pour offrir à la poésie la possibilité de propager ses ondes, d'allonger la chaîne de ses publics...

C'est en effet une réalité sur laquelle il faut toujours insister, et que ce Printemps des poètes permettra de mettre en relief : le renouveau de notre poésie est incontestable. Il se manifeste par plus de liberté dans l'écriture et, dans les formes de présence de la poésie, par plus de présence sur notre territoire d'éditeurs, bien sûr, mais aussi d'associations, de librairies, de bibliothèques qui se font servantes de la poésie. Il se manifeste aussi par plus de livres et de revues tout simplement. Vous le verrez dans le dossier.

A toutes ces initiatives, les autorités publiques, et particulièrement pour mon ministère le Centre national du livre, ne ménagent pas leur soutien.

La poésie nécessite en effet un investissement fort sans être lourd, qui doit être constant et ouvert parce qu'elle expérimente la langue de demain, qu'elle recèle plus d'auteurs qui dureront que tout autre genre littéraire, qu'elle est la plus à l'image de ce que nous souhaitons soutenir : une flamme, transmise par des gens sans grands moyens mais riches de passion, une flamme qui court de l'auteur au lecteur et illumine notre langue, nous fait le don d'instants particuliers.

Cette durée, qui est la promesse de la poésie, je suis heureuse que la présence et l'engagement du ministre de l'éducation nationale la renforcent en l'ancrant dans l'école.

Je souhaite que cette première édition de cette entreprise commune permette d'ouvrir de nouveaux lieux à la poésie (qui a montré qu'elle savait surgir spontanément dans les endroits les plus imprévus), ou de nouveaux espaces de plaisir, et aussi de discussions et de critiques, qui sont parmi les choses qui lui manquent le plus aujourd'hui.

Et cela, sur l'ensemble du territoire puisque, comme vous le savez, j'ai demandé aux Directions régionales des affaires culturelles de s'associer à cette initiative, d'accompagner des projets, de prendre date pour faire que ce Printemps ne dure pas seulement l'espace d'une saison.


[ Discours et communiqués ]