Remise des insignes de chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur à Madame Marie-France Calas
mercredi 22 septembre 1999


Chère Marie-France Calas,

Votre carrière est vouée au service public, de la façon de la plus exemplaire qui soit. Vous illustrez avec force les qualités et compétences qu'exige l'exercice du métier de conservateur. Cette carrière que vous avez embrassée à 27 ans, après vous être passionnée pour la culture hispanique, vous lui avez toujours consacré le meilleur de vous-même, et je tiens à vous en féliciter très chaleureusement tant je suis convaincue que l'exercice du service public soit ainsi éclairé.

Mais, au delà de la brillante Conservatrice Générale, des bibliothèques d'abord, du patrimoine aujourd'hui, je tiens à saluer en vous la femme pionnière qui, très tôt, a su prendre conscience de l'importance qu'allaient avoir, dans notre société et dans notre culture, les nouveaux supports multimédias.
C'est il y a 25 ans, en 1975, que vous êtes entrée au service des nouveaux supports de la Bibliothèque Nationale pour, très rapidement, prendre la direction du Département de la Phonothèque et de l'Audiovisuel. Je mesure le chemin parcouru à l'heure où le développement des nouvelles technologies permet d'enrichir la mémoire contemporaine de l'extraordinaire richesse du patrimoine sonore dont vous êtes devenue, depuis, l'une des meilleures spécialistes.

Il est un peu illusoire de tenter de résumer ces 25 années de travail acharné, passionné et novateur, mais je souhaite cependant insister sur trois orientations complémentaires, mais toutes trois exemplaires, que vous avez suivies dans votre carrière.
Conservateur, vous avez d'emblée attaché une importance primordiale à la collecte et à la conservation des archives sonores comme la constitution des notices bibliographiques s'y rapportant, tout en étant très tôt consciente de l'impossibilité qu'il y a à séparer un support des appareils qui permettent de le lire.

Vos travaux et recherches en ce sens sont connus, mais je tiens surtout à souligner la vigueur avec laquelle vous avez su maintenir à la Bibliothèque Nationale la collection de phonographes hérités de la Phonothèque Nationale. C'est avec la même énergie que vous avez su enrichir les fonds de votre département, avec en particulier la collection Delaunay.
Votre souci permanent et légitime de la libre- consultation des archives constituées vous a conduite à être à l'origine de la première base nationale de données des documents sonores et audiovisuels accessible par minitel, comme de la publication de nombreux enregistrements de grande et réelle valeur.

On vous doit ainsi l'une des toutes premières éditions discographiques de musique polyphonique Corse, dont on connaît aujourd'hui le succès grand-public, et -dans un tout autre domaine- cet extraordinaire interview de Louis-Ferdinand Céline, réalisé par Mme Francine Bloch autour de 1950, alors que les plaies de la seconde guerre mondiale étaient encore vives. Enfin, je ne saurais oublier toute la richesse de l'apport de votre savoir et de votre expérience aux réflexions conduites entre 1988 et 1993 sur le transfert des collections de la Bibliothèque Nationale au nouveau site de Tolbiac.

Précurseur, vous avez fait prendre conscience de l'absence de textes législatifs et réglementaires relatifs au dépôt légal dans le secteur de l'audiovisuel, et vous avez été l'un des artisans majeurs de leur élaboration et de leur application.

Vous avez ainsi largement contribué à combler un vide juridique préjudiciable aussi bien aux auteurs qu'à l'intérêt public, et ce d'autant plus que s'annonçait l'ère de la société de communication que nous vivons aujourd'hui.
Enfin, attentive à la dimension internationale, vous avez largement œuvré à la coordination de vos actions avec les initiatives prises dans les autres pays.

Vous avez cherché en permanence à confronter vos travaux et recherches à ceux conduits à l'étranger, dans le souci d'un enrichissement mutuel que je tiens à saluer, et vous avez ainsi porté la compétence française au delà des frontières.

Vous avez exerçé de hautes responsabilités au sein de l'Association Internationale des Archives Sonores, et vous en avez créé l'homologue français ; vous avez participé activement à la "Table ronde audiovisuelle" de l'UNESCO, comité commun aux ONG spécialisées dans le domaine des collections sonores et audiovisuelles, et vous avez fondé le comité spécialisé dans le domaine de l'audiovisuel de l'ICOM (Conseil International des Musées).

Cette carrière, chère Marie-France Calas, devait tout naturellement vous conduire à prendre la direction, en 1993, du nouveau Musée de la Musique de la Cité de la Musique, dont vous avez achevé le chantier, ouvert les espaces, défini les collections, les animations, les outils de diffusion, accomplissant ainsi une réalisation admirable.

Tout ce que je viens de dire, chère Marie-France Calas, ne reflète pas suffisamment l'importance des travaux que vous conduisez depuis 25 ans.
Bien sûr, vous savez à quel point j'en suis personnellement consciente, puisque c'est la raison pour laquelle j'ai choisi de vous confier en 1998 une mission destinée à jeter les bases d'un plan d'action favorisant l'usage des ressources sonores publiques et privées ; pour préparer, dans ce domaine, l'entrée de la France dans la société de l'information, à laquelle j'attache une importance majeure.

Cependant, aujourd'hui, au-delà de mes paroles et de la confiance que j'ai en vous, je suis heureuse de vous remettre ces insignes qui sauront vous dire combien c'est la France qui est consciente du mérite avec lequel vous avez œuvré pour son rayonnement, et combien elle vous en est reconnaissante.

Chère Marie-France Calas, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je vous fais chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur.


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