Discours et communiqués de presse

Signature d'un protocole de décentralisation culturelle dans les domaines du Patrimoine, de l'architecture et de l'urbanisme liant l'Etat et le département de la Seine-Saint-Denis

préfecture de Bobigny - mardi 27 novembre 2001


Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président du Conseil général,
Mesdames et Messieurs les élus,

Le rapport Mauroy, d'une part, le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, d'autre part, marquent la volonté du gouvernement d'engager une nouvelle étape en matière de décentralisation. Dans cette perspective, j'ai souhaité, en accord avec Catherine Tasca, proposer une démarche fondée sur l'expérimentation à travers l'élaboration de protocoles de décentralisation.

L'objectif est clairement affirmé : mieux ancrer l'action culturelle dans les territoires, favoriser l'accès le plus large possible de nos concitoyens à la culture et viser à une répartition plus harmonieuse et plus efficace des actions complémentaires de l'Etat et des collectivités territoriales. Le département de la Seine-Saint-Denis confronté à des mutations urbaines importantes et à la nécessité d'une appropriation par la population de son espace urbain devenait en quelque sorte un terrain privilégié pour ce programme. Nous avons donc ensemble décidé d'engager en 2001 cette démarche expérimentale dans le domaine de l'architecture et du patrimoine pour une durée de trois ans.

Le Département, qui est connu pour son engagement artistique et culturel, et plus récemment pour l'originalité de son approche patrimoniale, offrait toute les chances de succès à cette initiative qui, je le rappelle, est en premier lieu destinée à nourrir la réflexion du législateur, de l'Etat et des collectivités territoriales, en vue d'une nouvelle étape de décentralisation. Je veux tout d'abord souligner la singularité de ce protocole parmi les six autres signés cette année qui ont pris le patrimoine pour objet. Comme la plupart d'entre eux, il porte d'abord sur la démarche d'identification du patrimoine, puisqu'il comporte un volet important consacré à la conduite de l'inventaire général et à la poursuite de l'établissement de la carte archéologique.

La conjugaison de ces deux démarches permettra l'élaboration de l'atlas du patrimoine du département, base indispensable de toute action territoriale qualitative, comme de toute intervention pertinente de sensibilisation et de formation des citoyens à leur environnement. Je crois important de rappeler également que pour conduire cette action fondamentale, le Département s'engage auprès de l'Etat tant de la Direction régionale des affaires culturelles que du Service départemental de l'architecture et du patrimoine, à construire une action patrimoniale dans son ensemble en se dotant de compétences humaines nouvelles indispensables à ce partenariat.

Ces opérations d'inventaire porteront donc prioritairement sur les parties du territoire départemental soumises à aménagement ou à transformation. Elles relèvent pour une part de l'approche classique de la procédure de l'inventaire. Mais la singularité du protocole que nous nous apprêtons à signer est de réunir les conditions du partage social des résultats de cette investigation. A mes yeux, cela confère tout son prix à la démarche initiée. Au fond, la connaissance du patrimoine d'un territoire ne vaut que si elle est le bien commun de toutes celles et tous ceux qui l'habitent.

A cet égard, les missions éducatives, les opérations de diffusion et de sensibilisation des citoyens, constituent sans aucun doute le fil rouge du protocole de décentralisation de la Seine-Saint-Denis. D'ailleurs, la nature du patrimoine dont il est question met en relief la pertinence de ce choix. Certes, il ne s'agit évidemment pas de négliger les édifices et objets témoins d'une histoire ancienne ; mais la recherche portera essentiellement sur les éléments qui constituent le tissu spécifique de ce département industriel et à forte densité de population: le patrimoine industriel et artisanal d'une part, le logement social des " Trente glorieuses " d'autre part. Désigner ce patrimoine suffit à mesurer l'enjeu de son appropriation par tous. On dit souvent que dans un département comme le vôtre, la quête d'identité est une préoccupation beaucoup plus vive qu'ailleurs.

Cette recherche ne peut aboutir, me semble-t-il, sans le secours d'une politique publique patrimoniale ambitieuse. Savoir où l'on vit, comprendre d'où l'on vient, est une des conditions d'exercice de la citoyenneté. La maîtrise du patrimoine redonne la maîtrise du présent. Elle y contribue pour le moins. Ainsi, n'est-il plus possible de parler de "mal des banlieues", comme s'il s'agissait d'une maladie mystérieuse, lorsqu'on dispose de points de repère sur l'histoire industrielle des quartiers populaires de nos villes.

Seconde originalité, induite par la première : cette identification du tissu patrimonial si particulier de ce département alimentera une réflexion prospective sur la manière de conduire l'aménagement du territoire départemental en fonction de ces connaissances. Comment conserver lisibles les traces de ces fonctions essentielles, qui ont profondément modelé l'histoire du département ? Comment requalifier l'image de celui-ci à partir de ces traces patrimoniales originelles ? Comment réadapter les immeubles les plus significatifs à des usages nouveaux, ou à des modes de vivre et d'habiter mieux adaptés aux exigences d'aujourd'hui ? Le protocole de décentralisation ne relève donc pas seulement d'une démarche de conservation et de valorisation ni même d'une simple expérimentation de la décentralisation, aussi importante soit-elle.

Avec lui, nous disposons désormais, ici et maintenant, d'un outil commun d'intervention politique pour aménager le territoire, humaniser la ville, faire respecter le droit de chaque citoyen à la qualité de la vie. Cette démarche, qui sera confiée à une équipe de deux architectes-urbanistes, est profondément originale et constitue à mes yeux un exemple d'un très grand intérêt, qui confère toute sa signification à la démarche expérimentale des protocoles de décentralisation.
Tirer ainsi profit de l'analyse patrimoniale systématique d'un territoire pour en faire la base d'une réflexion sur son aménagement qualitatif, et proposer ces pistes d'intervention aux communes gestionnaires de leur urbanisme, telle est en effet la démarche qu'il faut promouvoir et généraliser. Or, seules les collectivités territoriales, dans le respect de leur complémentarité, ont la légitimité et la capacité de la faire, avec l'assistance scientifique et technique de l'Etat.

Nous sommes donc, avec le protocole de la Seine-Saint-Denis, au cœur même de la logique et de la dynamique de décentralisation. Mais il est bien évident qu'un tel projet, ambitieux et de longue haleine, ne pourra être conduit par cette seule équipe de deux hommes, si compétents soient-ils. Il leur faudra agir en réseau, en s'appuyant en permanence sur le SDAP, mais aussi en sollicitant la compétence et la connaissance du terrain du CAUE et des services municipaux. Il leur faudra également approfondir la compréhension des lieux à traiter en mobilisant leurs confrères libéraux sur les crédits d'étude qui seront mis à leur disposition, et en tirant profit des travaux des écoles d'architecture de la capitale.

Celles-ci développent en effet prioritairement les travaux de leurs chercheurs et de leurs étudiants sur les territoires en devenir de la région parisienne. Pour toutes ces raisons, nous portons un intérêt tout particulier au protocole de décentralisation de la Seine-Saint-Denis qui va être signé aujourd'hui, et auquel l'Etat consacrera près de 8 MF sur trois années. Son exemplarité méthodologique nous fait souhaiter qu'il inspire la seconde vague des protocoles qui seront signés en 2002, sur d'autres territoires dans la même perspective d'un renforcement de la complémentarité de l'action de l'Etat et des collectivités territoriales en faveur du patrimoine et de la qualité architecturale.

Permettez-moi une dernière remarque. Quelle que soit la singularité du protocole de décentralisation de la Seine-Saint-Denis, il met en lumière une exigence qui est partout la même. Dorénavant, j'ai la conviction profonde que la réforme de l'Etat ne peut être conduite de haut vers le bas. Pour être démocratique, elle doit se fonder, en toutes circonstances, sur l'initiative citoyenne. L'exemple que vous nous donnez ici, aujourd'hui, en est j'en suis convaincu une très belle illustration.
Je vous remercie de votre attention.


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