Discours et communiqués de presse
Discours de Renaud Donnedieu de Vabres prononcé à l’occasion
l’examen du projet de loi modernisation de la diffusion audiovisuelle
et télévision du futur, au Sénat

lundi 20 novembre 2006

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

En examinant le projet de loi que j’ai l’honneur de vous soumettre au nom du gouvernement, vous préparez dès aujourd’hui la télévision du futur.

Par ce texte, le gouvernement vous invite une nouvelle fois à faire en sorte que le développement des nouvelles technologies concerne l’ensemble de la société française, à permettre un progrès pour chacun de nos concitoyens, pour chaque téléspectateur, dans la clarté, la transparence, avec une méthode pour y parvenir, dans le souci constant de l’égalité.

Organisant le basculement de la télévision analogique vers la télévision numérique sur l’ensemble de notre territoire, le présent projet de loi consolide le succès de la télévision numérique terrestre auprès de nos concitoyens et consacre l’entrée de la France dans l’audiovisuel du XXIe siècle, en fixant le cadre du développement de la télévision mobile personnelle et de la télévision en haute définition.

Le projet de « voir à distance » - « télévision » au sens étymologique - qui fait partie de notre quotidien, et qui occupe désormais nos concitoyens plus de trois heures par jour, a longtemps fait rêver les hommes. [Dès le IIe siècle, Lucien de Samosate imagine dans son Histoire véritable – ainsi traduite par Pierre Grimal - « un très grand miroir (…) disposé au-dessus d’un puits, qui n’est pas fort profond. Si quelqu’un descend dans ce puits, il entend tout ce qui est dit chez nous, sur la terre, et si l’on regarde dans le miroir, on voit toutes les cités, toutes les nations, exactement comme si l’on était au milieu d’elles.»] Constatant que « la journée est scandée par l’émission d’actualités du matin et l’émission du soir », dans son dernier ouvrage – posthume - L’Homme précaire et la littérature, André Malraux, mort il y a trente ans – presque jour pour jour, le 23 novembre - prophétisait que « la télévision contraint l’homme à l’imaginaire ». Dès l’origine, et au fur à mesure qu’elle s’est installée dans nos vies, dans notre environnement familier, en accompagnant et en épousant les évolutions techniques et celles de nos modes de vie, les enjeux culturels, économiques, industriels, politiques et techniques de cette invention formidable n’ont cessé d’être liés, ce qui a conduit le législateur à intervenir pour fixer les lignes juridiques, encadrer et tracer les perspectives de son développement.


Le texte que je vous soumets aujourd’hui est l’acte fondateur d’un nouveau développement, qui est à la fois technologique, lié à l’essor des techniques numériques, mais aussi politique, au sens le plus large de ce terme, comme l’a bien vu votre commission des affaires culturelles dès la première phrase de son rapport, puisqu’il concerne chacun de nos concitoyens, auquel il s’agit d’apporter de nouveaux avantages, industriels, comme le souligne votre commission des affaires économiques, sociaux et culturels, puisqu’il s’agit, ne nous y trompons pas, non seulement d’industries culturelles, mais surtout de diversité culturelle, de création, et c’est essentiel pour la vie quotidienne des Français, comme pour la place de notre pays dans le monde. Un monde où la France, selon le vœu du Président de la République, que le gouvernement s’emploie à mettre en œuvre, et qui est également, je le sais, cher à votre Haute Assemblée, doit être à la pointe, non seulement des techniques numériques, mais aussi des contenus pour lesquels notre patrimoine, notre créativité, nos atouts et nos talents culturels seront déterminants.

Garantir cet acquis à tous les Français, en leur ouvrant l’accès à la télévision numérique, permettre à la France de mener à terme cette nouvelle révolution industrielle qu’est la révolution numérique, et renforcer son rôle dans la diversité culturelle, tels sont bien les trois objectifs fondamentaux de ce projet de loi.

Je sais, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, que votre Haute Assemblée, éclairée par les travaux remarquables des deux commissions que vous avez saisies, au fond et pour avis, en est pleinement consciente. Et je tiens d’emblée à rendre hommage au rôle pionnier que le Sénat a joué dans ce domaine. C’est sans aucun doute ici que l’on a débattu le plus tôt et de la façon la plus prospective et la plus approfondie des enjeux législatifs de la télévision numérique terrestre, et je n’oublie pas le débat pionnier, véritablement précurseur de celui que nous ouvrons aujourd’hui, sur la loi du 9 juillet 2004, puisque ce fut, à cette même tribune, ma première intervention parlementaire comme ministre de la culture et de la communication. Je tiens à souligner, Monsieur le Président, Cher Jacques Valade, le rôle éminent, que je n’hésite pas à qualifier de visionnaire, joué à cet égard par votre commission des affaires culturelles.

A l’heure où la société française entre dans l’ère numérique, le présent projet de loi propose, pour réussir cette modernisation, qui touche chacun de nos concitoyens, de créer le cadre juridique pour assurer le basculement complet de l’analogique au numérique, au plus tard le 30 novembre 2011, et fixer les conditions du développement de la télévision en haute définition et de la télévision mobile personnelle.

Ce projet s’inscrit, je l’ai dit, dans le cadre de l’ambition fixée par le Président de la République de faire de la France l’un des pays les plus avancés dans le domaine du numérique, au bénéfice de l’ensemble de nos concitoyens. Il s’inscrit aussi dans une série de rendez-vous tenus, qui étaient autant de défis technologiques et culturels : le lancement de la télévision numérique terrestre, la numérisation des archives de l’Institut National de l’Audiovisuel et leur mise à disposition du plus grand nombre par Internet, et dans quelques jours, le lancement de France 24, pour ne citer que ceux auxquels le Sénat accorde, je le sais, une très grande importance.

Aucun ordre juridique n’échappe à l’évolution profonde et rapide du paysage audiovisuel.

L’ordre international, tout d’abord, où vous pouvez compter sur moi et sur le gouvernement pour préserver et développer les avancées obtenues, en particulier sur la promotion de la diversité culturelle, grâce à l’adoption, il y a un an à l’UNESCO, de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Vous savez le rôle joué par la France dans l'élaboration de cette convention. Son adhésion à la convention a été autorisée par une loi du 5 juillet 2006. Et je suis heureux et fier de vous annoncer que nous déposerons prochainement, conjointement avec la Communauté européenne et les Etats de l’Union européenne, les instruments de ratification permettant l’entrée en vigueur effective de cette convention internationale fondatrice.


Dans l’ordre européen, communautaire, je serai particulièrement attentif à préserver les acquis de ce texte fondamental. Au moment où la directive « Télévision sans frontières » fait l’objet d’une révision, j’ai eu l’occasion de débattre de cette question avec mes collègues des 24 autres États membres lundi dernier à Bruxelles. Nous nous sommes mis d’accord, et chacun ici connaît le rôle joué par la France pour y arriver, sur un texte de compromis, qui étend le champ de la future directive à l’ensemble des services de médias audiovisuels, c'est-à-dire non seulement la télévision, comme c’est le cas de l’actuelle directive - « les services linéaires » pour reprendre le terme utilisé à Bruxelles - mais aussi les services audiovisuels à la demande, qualifiés de « services non linéaires », comme par exemple la vidéo à la demande.

A mes yeux, cette extension du champ d’application est fondamentale, en particulier parce que le texte adopté au Conseil lundi dernier contient des mesures spécifiques en faveur de la promotion de la diversité culturelle sur les services non linéaires. C’est une approche juste et équitable qui a été choisie, pour l’ensemble des services de vidéo à la demande.


J’ai fait allusion, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, au rôle essentiel que vous avez joué, et en particulier votre Commission des affaires culturelles, en contribuant de manière décisive dès 2000 à la réussite de la télévision numérique terrestre. En 2004, lors de la dernière modification de la loi audiovisuelle vous avez été des précurseurs, pour poser dans la loi le principe de l’arrêt de la diffusion analogique.

Le Président de la République l’a annoncé en début d’année : il est nécessaire que tous les Français aient accès à la TNT gratuite le plus tôt possible . La diffusion par satellite des chaînes gratuites de la TNT, complémentaire de la diffusion numérique hertzienne terrestre, permettra la réception de ces chaînes sur l’ensemble du territoire et, en particulier dans les zones où la couverture hertzienne n’est pas possible. Notre pays sera ainsi pour arrêter sa diffusion analogique et basculer en totalité dans l’ère numérique à compter de novembre 2011. Cette démarche française s’inscrit pleinement dans la démarche européenne d’extinction de l’analogique, pour laquelle les dates retenues par nos partenaires de l’Union européenne, comme vous le montrez dans vos rapports, se situent entre 2007 et 2012. Nos principaux partenaires et voisins ont enclenché cette démarche.

C’est pourquoi le Premier ministre, après un échange approfondi avec les deux assemblées, a déclaré l’urgence, afin que cette nouvelle loi audiovisuelle puisse entrer en vigueur dès les toutes premières semaines de 2007. Cela permettra d’offrir aux Français dès l’été 2007 la télévision en haute définition et la télévision en mobilité.

Votre président et votre rapporteur la qualifient d’urgence technologique. Je reprends bien volontiers cette qualification à mon compte : urgence technologique au profit des français qui recevront plus vite et mieux plus de chaînes de télévision, chez eux comme en mobilité ; urgence technologique au service de la création et de la diversité culturelle.

Le succès spectaculaire de la TNT a été rendu possible par des décisions courageuses du Gouvernement et du CSA. Il témoigne combien les Français sont en attente forte des programmes et des services permis par ces nouvelles technologies audiovisuelles.

En vingt mois, plus de cinq millions de foyers se sont déjà équipés d’un terminal de réception de la télévision numérique terrestre, ils seront six millions à la fin de l’année. La numérisation de la télévision est également massive sur le câble, le satellite et l’Adsl. Ainsi aujourd’hui c'est près de 45% des foyers français qui disposent d'au moins un moyen de réception de la télévision numérique.

Les Français ne comprendraient pas qu’on ne leur permette pas de bénéficier d’une offre gratuite trois fois plus riche que celle dont ils disposent actuellement. Une telle entreprise implique bien sûr dès à présent une information très large des téléspectateurs : l’extinction de la diffusion analogique constitue une échéance importante pour la France et à laquelle chacun de nos concitoyens doit être associé. Le passage de l’analogique au tout numérique justifie un accompagnement pédagogique des Français : la réussite de ce basculement dépend de leur implication. La campagne nationale de communication que vous proposez et à laquelle je sais le Président de votre commission des affaires culturelles est très attaché répond parfaitement à cet objectif.

Ce projet de loi apporte en effet des améliorations concrètes pour nos concitoyens, pour rendre la TNT accessible à tous et améliorer la couverture du territoire.

Je pense ici, parce qu’elles sont chères à plusieurs d’entre vous, et aux membres de l’association nationale des élus de la montagne en particulier, aux zones de montagne, qui sont trop souvent les laissées-pour-compte de l’innovation technologique. Grâce au projet et à un amendement proposé par votre Commission des affaires culturelles et par votre Commission des affaires économiques, les habitants des zones de montagne pourront recevoir l’offre gratuite de 18 chaînes par satellite à partir de la première partie de l’année 2007.

Les pratiques télévisuelles de nos concitoyens ont profondément et rapidement évolué ; le cadre législatif doit, lui aussi, évoluer, je sais ce constat très largement, pour ne pas dire unanimement partagé dans cet hémicycle.

Le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a pour objectif de permettre d’offrir à tous nos concitoyens une télévision numérique de qualité.

- Il permet d’améliorer très significativement la couverture du territoire par la télévision numérique, par le satellite ou par la voie hertzienne terrestre, afin que la TNT soit véritablement la télévision numérique pour tous ; la TNT, je le rappelle, c’est trois fois plus de chaînes gratuites pour les téléspectateurs.

- Il permet d’apporter aux Français de nouveaux services innovants en haute définition et en télévision mobile personnelle.

- La haute définition apporte un progrès qualitatif sans précédent depuis l'arrivée de la télévision en couleur ; elle met particulièrement en valeur les grands événements sportifs et les programmes les plus ambitieux, qu’il s’agisse de la création audiovisuelle ou cinématographique; elle est déjà une réalité, puisqu’elle existe sur le câble et le satellite. Grâce à ce projet de loi, elle sera disponible pour tous les Français.

- La télévision mobile personnelle répond à un mode de consommation nomade constaté dans l'ensemble de la société, à l'image des services issus de la téléphonie mobile de troisième génération, des baladeurs numériques et du podcasting ou balladodiffusion, car je suis aussi, et le Sénat ne l’oublie certainement pas, le ministre de la langue française. Sans attendre, j’ai lancé, le 10 novembre dernier, avec mon collègue M. François LOOS, ministre délégué à l’industrie une consultation sur les normes des services de télévision mobile personnelle. Le CSA pourra ainsi engager dès la promulgation de la loi le processus de sélection des chaînes en haute définition et en mobilité afin qu’elles puissent être offertes aux Français avant la fin de l’été 2007.

Quant au service public audiovisuel, certaines des dispositions qui vous sont présentées dans ce projet de loi, s’agissant notamment de la haute définition et de la télévision mobile, ne lui sont par nature pas applicables. En effet, à la différence des chaînes privées qui se voient attribuer leurs autorisations par le CSA à l’issue d’un appel aux candidatures, c’est au Gouvernement qu’il revient de fixer, après discussions avec les entreprises concernées, le nombre et la nature des chaînes du service public et de préempter les fréquences nécessaires.

Je souhaite cependant, pour éclairer notre débat, vous faire part dès aujourd’hui de mes orientations.

L’amélioration de l’offre télévisuelle numérique proposée aux Français, et je suis sensible à la remarquable synthèse présentée dans le rapport de votre commission des affaires culturelles de travaux et d’études récents sur ce sujet, implique une action déterminée du service public, qui doit jouer un rôle moteur. L’action volontariste du service public audiovisuel en faveur des nouvelles technologies fait d’ailleurs partie intégrante des missions qui lui ont été confiées.

Je m’engage donc, au nom du Gouvernement, à ce que le service public participe prioritairement à l’avènement du « tout numérique ». Par l’attention qu’il porte et les missions qui sont les siennes en matière de programmes, d’information, de culture, de création, d’accès aux savoirs, de diversité, de proximité, il dispose d’atouts qui lui permettront de développer sa stratégie numérique en faveur du plus grand nombre de téléspectateurs.

Le développement des nouvelles technologies et l’extension de la couverture de la TNT constitueront, à côté d’un engagement renforcé de contribution à la création et de la nécessaire modernisation de la gestion de ces entreprises, un axe stratégique fort que l’État assignera à France Télévisions et à Arte dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens qui sont en cours de discussions. Le projet de loi de finances pour 2007 en prévoit déjà le financement pour l’an prochain.

Je suis par ailleurs d’ores et déjà en mesure de vous indiquer que le Gouvernement préemptera un des deux ou trois canaux qui seront disponibles l’an prochain pour la diffusion de chaînes gratuites en haute définition sur la TNT et que cette préemption sera portée à deux canaux dès qu’il sera possible de diffuser quatre chaînes gratuites en haute définition. Les contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions et d’Arte préciseront les chaînes concernées.

Dans le même esprit, le service public sera l’un des acteurs de la télévision mobile personnelle. A cet égard, le projet de loi garantit la reprise des chaînes de service public par l’ensemble des futurs distributeurs de la télévision mobile personnelle.

Votre commission des affaires économiques propose que l’ensemble des chaînes hertziennes analogiques, publiques et privées, étendent la couverture du territoire de la TNT jusqu’ 95 % de la population. Le Gouvernement, qui soutient l’adoption de votre amendement, prendra les dispositions nécessaires pour que les chaînes du service public atteignent rapidement cet objectif.

J’en viens plus précisément à l’ensemble du dispositif qui vous est soumis. Ce texte organise, en premier lieu, l’extinction de l’analogique et le basculement vers le numérique (1). Il fixe, ensuite, le cadre législatif du développement de la télévision en haute définition et de la télévision mobile personnelle dans notre pays(2).

1. L’ Extinction de la diffusion analogique

1.1. Le basculement complet vers la télévision numérique et l’extinction de la diffusion analogique sont sans doute la mutation la plus importante que le secteur audiovisuel ait jamais connue. D’ores et déjà, le nombre de chaînes gratuites accessibles a été multiplié par trois, passant de six à dix-huit, en dix-huit mois, jamais telle explosion de l’offre télévisuelle n’avait lieu auparavant dans notre pays.

Malgré la multiplication ces dernières années de bouquets de chaînes sur le câble, le satellite, l’ADSL ou l’UMTS, 70 % des Français reçoivent encore la télévision par voie hertzienne terrestre. Nos compatriotes ont donc naturellement plébiscité la télévision numérique terrestre.

Je me réjouis que cette évolution soit ainsi bénéfique pour tous :

- Pour les Français bien sûr, car elle apporte à tous une offre de programmes démultipliée et de qualité ;

- Pour les opérateurs ensuite, car elle diminuera leur coût de diffusion de manière considérable et leur permettra de proposer de nouveaux services au public et d’accroître leurs investissements dans le financement de programmes ambitieux ;

- Pour la création enfin. Les nouvelles chaînes contribuent en effet à la production cinématographique et audiovisuelle ; les économies des coûts de diffusion des chaînes dites « historiques » augmenteront naturellement leur contribution actuelle au secteur de la création.

Cette évolution est le fruit de la volonté du Président de la République et elle est conforme à nos engagements internationaux et européens : en décembre 2005, les gouvernements des 25 États membres de l’Union européenne ont arrêté l’année 2012 comme date cible pour l'extinction de la diffusion analogique dans l'ensemble des États membres de l'Union européenne. Au-delà, depuis l’accord intervenu en juin dernier dans le cadre de l’Union internationale des télécommunications, évoqué dans les rapports de vos commissions, la diffusion analogique hertzienne terrestre sera interdite dans toute l’Europe après 2015. Le basculement complet de l’analogique au numérique est d’ailleurs déjà effectif en Finlande et pour partie en Allemagne. Il aura lieu en 2011 en Espagne et en 2012 au Royaume-Uni et en Italie.

1.2. L’extinction de la diffusion analogique vient accélérer de manière positive la mutation du secteur audiovisuel. En effet, le projet de loi que je vous soumets apporte d’importantes garanties à nos concitoyens, j’y reviendrai :

Le texte proposé par le gouvernement prévoit, dans le cadre des orientations fixées par le président de la République, que l’extinction de la diffusion analogique s’effectuera conformément aux orientations générales fixées dans un schéma national d’arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique qui sera défini par le Premier ministre. Ce choix est un choix réfléchi : il appartient à l’Etat de définir ce schéma global et le rôle de chacun des acteurs au sein de ce schéma ainsi que les moyens budgétaires nécessaires :

- Le dispositif d’extinction est conçu pour intervenir progressivement par zone géographique. Il commencera dès le 31 mars 2008, dans le cadre du schéma national d’extinction de l’analogique, défini par le Premier ministre après une large consultation publique associant le Conseil supérieur de l’Audiovisuel. C’est dans ce cadre, j’y insiste, que le Conseil procèdera à cette opération en tenant compte en particulier de l’équipement des foyers et de la disponibilité de la télévision numérique dans chaque zone. L’arrêt de l’analogique doit être conçu comme une grande opération nationale, impliquant la coordination de nombreux acteurs et la mise en place de moyens budgétaires importants. C’est donc bien au gouvernement de le déterminer.
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- J’ai entendu, Monsieur le Rapporteur, votre volonté que je partage, et qui témoigne autant de votre science que de votre sagesse, que ce projet s’illustre d’une réalisation à la fois rapide et réaliste d’une extinction de l’analogique. Comme vous le soulignez dans votre rapport écrit, il reste des incertitudes à lever, pour clarifier et simplifier le processus d’extinction de l’analogique. C’est la raison pour laquelle, ayant compris les remarques et les propositions de la commission des affaires culturelles, le gouvernement vous proposera de modifier le texte, pour prévoir désormais une articulation et une harmonisation des compétences de chacun des acteurs de cette extinction dans un but d’efficacité accrue. Ainsi, le calendrier sera précisé et la procédure simplifiée.
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- [Le schéma national comprendra un calendrier d’arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique, soumis et approuvé, après avis du Conseil supérieur de l’Audiovisuel, par le Premier ministre.]
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- Pour les téléspectateurs les plus démunis, un fonds d’aide est créé pour garantir la continuité de la réception. J’ai en effet souhaité que l’État garantisse que cette évolution bénéficiera à tous les Français, sans exception ;

- Très rapidement après l’entrée en vigueur de la loi, les chaînes gratuites, dont la diffusion analogique est éteinte, devront mettre leur programmes gratuitement par satellite à la disposition de l’ensemble des Français. Qu’il n’y ait pas de malentendu sur ce point ! Cette obligation illustre la volonté du gouvernement de mettre les chaînes gratuites de la TNT à la disposition de tous les français et, plus particulièrement de ceux qui vivent dans des zones où la diffusion hertzienne est difficile voire impossible. Cette diffusion satellitaire est donc complémentaire de la diffusion numérique hertzienne terrestre. Elle ne s’y substitue pas. Le gouvernement ne se trompe pas de priorité. La Commission des affaires culturelles et la commission des affaires économiques proposent d’étendre ce bouquet à l’ensemble des chaînes gratuites de la TNT, initiative à laquelle je me rallie bien volontiers. Le Gouvernement souhaite que toutes les chaînes gratuites de la TNT soient disponibles très rapidement sur au moins une offre satellite gratuite.

Très concrètement, l’extinction de la diffusion analogique est un projet opérationnel complexe. La création d’un groupement d’intérêt public associant les chaînes de télévision concernées par cette extinction et l’État permettra d’assurer la nécessaire coordination opérationnelle de cette action très lourde.

Contrairement au groupement d’intérêt économique, le groupement d’intérêt public n’a pas d’objet lucratif, comme vous le savez. Il est sans doute la forme la plus appropriée pour mener à bien cette mission de service public dans le cadre d’un partenariat performant.

Gérant le fonds d’aide créé au profit des téléspectateurs les plus démunis, il devra dans le même temps régler les questions très concrètes que cette mutation posera à nos concitoyens : information dans chaque ville ou village, traitement des problèmes techniques les plus divers, distribution de l’aide qui passera, notamment, par la mise à disposition d’adaptateurs.

Enfin, la large consultation publique à laquelle j’ai procédé pour l’élaboration de ce projet a montré les attentes fortes de l’ensemble des professionnels pour qu’une attention particulière soit portée au devenir des fréquences libérées par l’extinction de la diffusion analogique. La libération de ces fréquences doit servir certes le développement des services à haut débit sur le territoire mais doit aussi servir, et vous le savez, j’y serai particulièrement attentif, la diversité culturelle et la création. Chacun des acteurs des programmes audiovisuels doit y avoir sa juste part. Je pense plus particulièrement aux chaînes distribuées sur le câble et le satellite. Je pense aussi au développement des acteurs les plus récents. C’est la raison pour laquelle le projet de loi dote la France d’un instrument lui permettant d’adopter une stratégie nationale pour l’utilisation de ce que j’appelle pour ma part le « gain » numérique, afin de déterminer les usages les plus appropriés à la nouvelle utilisation de ce que je qualifierais volontiers, avec votre commission des affaires économiques, d’actif stratégique.

Votre Commission des affaires économiques a souhaité associer le Parlement à la question essentielle de l’affectation de ce « gain », de ce bien commun. Je ne peux que me rallier à cette aspiration légitime. Il faudra que nous déterminions ensemble les formes les plus adaptées à cette consultation des assemblées. Je compte bien sûr sur notre débat, et sur la sagesse du Sénat, pour nous permettre d’en déterminer les modalités.

1.3. Dans le même temps, le projet de loi permet de consolider l’offre actuelle de la TNT. Il permet ainsi d’étendre la couverture de la télévision numérique terrestre. Les chaînes de télévision nationales ne se sont aujourd’hui engagées auprès du CSA qu’à couvrir 85 % de la population métropolitaine. Ce seuil n’est pas suffisant.

C’est la raison pour laquelle :

* les éditeurs de la TNT sont fortement incités à étendre leur couverture : ils pourront bénéficier d’une prorogation de leur autorisation, dans la limite de cinq ans, en fonction de l’étendue des engagements complémentaires de couverture ;

* pour les zones géographiques où l’extrême rareté de la ressource freine le déploiement de la TNT – et notamment dans les zones frontalières – le CSA est doté des moyens de faire cesser ponctuellement la diffusion analogique d’un service de télévision pour permettre la diffusion de la TNT.

Les chaînes analogiques de télévision sont à la fois incitées à cette migration, mais voient également compensée l’extinction prématurée de leur diffusion analogique. C’est une nécessité juridique que le Conseil d’État a rappelée au Gouvernement. L’hypothèse d’une compensation financière ayant été écartée par ce dernier, le projet de loi prévoit plusieurs dispositifs :

- Les termes actuels des autorisations délivrées à Canal +, TF1 et M6 (fin 2010 et début 2012) sont prorogées de cinq ans, à une double condition toutefois : d’une part, TF1 et M6 devront diffuser gratuitement leurs programmes par satellite et, d’autre part, ces trois opérateurs devront adhérer au groupement d’intérêt public créé pour assurer la mise en œuvre opérationnelle de l’extinction, et en demeurer membres.

- A l’extinction complète de leur diffusion analogique, ces éditeurs pourront bénéficier d’un droit à diffusion d’un canal que je qualifierai de « compensatoire », sur le modèle du mécanisme mis en place en 2000. A la différence de la loi de 2000, qui a autorisé TF1, M6 et Canal+ à avoir deux autorisations supplémentaires par groupe, une pour leur chaîne analogique et une pour leur nouvelle chaîne numérique, sans aucune contrepartie, le bénéficie du canal compensatoire proposé par le Gouvernement est la contrepartie juridique nécessaire de l’interruption anticipée des autorisations analogiques de ces trois opérateurs, ainsi que du non renouvellement de ces autorisations.

Le canal compensatoire est également un choix politique, que j’assume, puisqu’à côté du service public, la création audiovisuelle et cinématographique est aujourd’hui intégralement financée par TF1, M6 et Canal+ qui ont investi en 2005 plus de 485 millions d’euros alors que les nouveaux entrants de la télévision numérique terrestre consacrent dans leur ensemble moins de 16 millions d’euros au financement de la production française.

Ce canal compensatoire ne sera en outre susceptible d’être disponible et attribué par le CSA qu’à la fin de la diffusion effective de l’analogique. La Commission des affaires culturelles propose ici que ces nouveaux services soient soumis à une contribution renforcée en matière de production et de diffusion d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques. Je suis particulièrement favorable à cette disposition, très attendue du secteur de la création.

- Naturellement, les chaînes locales ne sont pas oubliées. Je n’ai pas oublié le débat que nous avons tenu, il y a quelques mois, dans cet hémicycle, sur le développement des télévisions de proximité, ni vos travaux importants sur ce sujet qui tient naturellement à cœur à l’Assemblée chargée par notre Constitution de représenter les collectivités territoriales de notre République. Vous le savez, le Gouvernement est attaché à leur développement rapide en TNT. Ainsi, j’ai donné mon accord au CSA, dès le 19 janvier dernier, pour la mise en oeuvre d’une solution permettant de lancer, sur l’ensemble du territoire, des télévisions locales en numérique. Cette solution consiste en la recomposition du multiplexe du service public pour qu’il accueille les chaînes locales ainsi que les décrochages régionaux de France 3 chaque fois que nécessaire et France Ô en Ile de France. Je viens d’ailleurs de demander au CSA de mettre en oeuvre ce schéma pour France 3, France Ô et France 4 dans le cadre des compétences dévolues au Gouvernement pour la préemption des fréquences du service public. Celui-ci est donc en mesure de finaliser sans plus attendre cette recomposition qui permettra aux Français de recevoir l’ensemble de l’offre de la télévision numérique de terre. Je souhaite que les Français bénéficient de cette offre élargie dès le printemps prochain.

Le projet de loi prévoit pour sa part que le terme des autorisations de diffusion numérique des services locaux sera aligné sur celui de leur autorisation initiale analogique sans jamais pouvoir être antérieur au 31 mars 2015, c’est-à-dire au dixième anniversaire du lancement de la TNT. En outre, les éditeurs de télévision locaux pourront demander au CSA d’être simultanément diffusés en mode numérique dans leur zone de diffusion à tout moment, c’est-à-dire sans avoir besoin d’attendre que le CSA lance une procédure d’appel aux candidatures dans leur zone.

1.4. Je veux rappeler les actions aujourd’hui entreprises pour l’outre-mer. Si en métropole la TNT est un succès, elle est encore absente chez nos compatriotes ultramarins. Il est donc nécessaire de réfléchir rapidement à la manière dont la télévision numérique sera déployée dans l’ensemble de ces territoires.

C’est pourquoi, le Ministre de l’Outre-mer et moi-même avons confié à M. Jean-Michel HUBERT, vice-président du Comité stratégique pour le numérique, une mission d’évaluation, d’analyse et de propositions sur les modalités de déploiement et de développement de la télévision numérique dans les départements et territoires d’outre-mer.

Concernant plus particulièrement l’Île de la Réunion, les réflexions avancent en collaboration avec le CSA qui a lancé, le 16 mai dernier, une consultation publique sur le lancement d'appels aux candidatures pour l’édition de services de télévision et de radios numériques.

C’est dans ce cadre que j’arrêterai, en concertation, bien sûr, avec France Télévisions, la stratégie de diffusion outre-mer des chaînes de service public.


La couverture numérique de notre territoire et de notre population participe de l’aménagement et du développement culturel de notre territoire. Pour être ministre, je n’en suis pas moins élu local, et je suis très sensible à votre préoccupation que la loi qui résultera de nos travaux bénéficie à l’ensemble de nos compatriotes.


2. La télévision haute définition
et la télévision mobile personnelle

Le projet de loi crée les conditions du lancement et du succès de la télévision du futur en adaptant les procédures d’autorisation des services de télévision.

2.1 Pour la télévision haute définition, l’enjeu est simple : il s’agit d’améliorer la qualité visuelle des programmes et, partant, l’attractivité des programmes et le confort des téléspectateurs.

Le projet de loi permet aux chaînes de télévision tout à la fois de diffuser des nouveaux services et de rediffuser en haute définition, en tout ou partie, des services existants.

Les critères d’autorisation sont ensuite adaptés aux particularités de la haute définition : le CSA devra tenir compte des engagements en volume et en genre pris par le candidat en matière de production et de diffusion en haute définition et notamment en œuvres audiovisuelles et cinématographiques, françaises et européennes. Le succès de la haute définition dépend en effet très largement des programmes, lesquels impliquent un effort de création important de la part des producteurs et des diffuseurs. Il apparaît légitime de faire du soutien à la création un critère de sélection des chaînes par le CSA.

2.2. Pour la télévision mobile personnelle, le succès de ces nouveaux services passe par la mise en place d’une infrastructure particulière adaptée à une consommation nomade et personnelle.

Le Gouvernement vous propose donc que le CSA prenne en compte, parmi les critères de sélection des chaînes, outre ceux traditionnels de la télévision numérique, des critères spécifiques tenant à la couverture du territoire et à la qualité de la réception des services.

Je me félicite aussi de la proposition de la commission des affaires culturelles, Monsieur le Rapporteur, tendant à ce que le CSA prenne en compte, lors des appels à candidatures des services de la télévision mobile personnelle, les engagements des candidats en matière de programmes et en particulier en volume et en genre d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques, à l’instar du régime prévu par le projet de loi pour la haute définition.

Le projet de loi prévoit également que le CSA favorise la reprise des chaînes actuelles de la télévision numérique terrestre, compte tenu de leur économie encore fragile et dans un souci de continuité des services. Je sais que ce critère fait l’objet de discussions : pourquoi favoriser les chaînes de la TNT plutôt que celles du câble et du satellite ? Pourquoi ne pas privilégier de nouveaux formats audiovisuels plus adaptés à la mobilité ?

Monsieur le Rapporteur, Messieurs les Rapporteurs pour avis, vous proposez au nom de vos deux commissions d’ailleurs, de supprimer ce critère.

Le Gouvernement pourra se rallier à vos amendements sur cet article, en vous proposant un sous-amendement, permettant également de tenir compte de la spécificité des chaînes de la TNT. Ainsi, nous pourrions parvenir à une position d’équilibre, tant vis-à-vis de l’offre numérique hertzienne terrestre, qu’à l’égard de celle du câble et du satellite.

Dans ce domaine au cœur de l’innovation, où les usages et les modèles doivent être inventés, l’intention du Gouvernement est de ne pas figer le modèle de la télévision numérique personnelle. A cet égard, je souhaite rappeler que le projet de loi introduit des innovations majeures pour permettre la prise en compte des inconnues pesant sur ce nouveau mode de diffusion : le CSA pourra en particulier autoriser des modifications substantielles de la programmation mais également de l’économie gratuite ou payante de ces services, dès lors que ces modifications auront pour but de répondre aux attentes du public.

Dans ce même esprit, le projet de loi prévoit, lors des appels à candidatures de la télévision numérique personnelle la réservation, après consultation publique, de la ressource radioélectrique à d’autres services que ceux de télévision, tels la radio ou les services de données diffusées, répondant ainsi aux demandes de nombreux opérateurs formulées lors de l’élaboration de ce texte.

Oui, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, l’Etat sera au rendez-vous de la haute définition et de la télévision mobile. Je souhaite ainsi que le CSA organise, dès à présent, une consultation publique sur les projets en haute définition et de télévision numérique personnelle, afin que, dès la promulgation de la loi, des appels à candidatures puissent être lancés.

2.3. La technologie doit être au service de la création et de l’innovation. N’inversons pas l’ordre des termes !

La diffusion de ces nouveaux services doit bénéficier au secteur de la création : seuls des contenus forts, attractifs et diversifiés permettront le succès de ces nouveaux services auprès du public.

Dans le présent texte, les éditeurs de services de télévision en haute définition et en télévision mobile personnelle seront soumis à une majoration de leur contribution au compte de soutien aux industries des programmes. Cette majoration permettra d’adapter le mécanisme de soutien, afin d’accélérer le basculement de la production vers la haute définition et de stimuler la production d’œuvres adaptées à la télévision mobile.

A l’heure où les modèles économiques se transforment, je suis convaincu de la nécessité de moderniser les modalités de contribution de la télévision payante au compte de soutien.

Comme le sait votre commission des affaires culturelles, j’ai demandé au Centre national de cinématographie et à la Direction du développement des médias de mener des consultations approfondies à cet effet auprès de l’ensemble des acteurs concernés. Cette concertation se poursuit et je souhaite qu’elle s’accélère, afin de disposer avant la fin de l’année d’une proposition recevant l’assentiment d’une large majorité des acteurs.

Cette réforme doit être utile et au service de la création et de la diversité culturelle : je pense à l’aide à la circulation des œuvres, au soutien à la production de programmes en haute définition ou pour la télévision mobile, à la mutation nécessaire des salles de cinéma vers le numérique. Ceux qui produisent les œuvres comme ceux qui les distribuent ont besoin de cette vitalité de la création cinématographique et audiovisuelle.

Je suis déjà en mesure de vous indiquer que cette concertation est encadrée par deux principes :

- la neutralité technologique : les modalités de contribution au CNC devront en effet être indépendantes de la technologie utilisée pour distribuer les chaînes ;

- l’équité : il s’agit d’abord d’asseoir la taxe de façon plus équitable entre les différents acteurs de la télévision payante.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
le texte que je vous soumets vise non seulement à concrétiser la « promesse » numérique, selon la belle expression employée par votre Rapporteur au fond dans son rapport écrit. Il vise aussi à prévenir tout risque de « fracture » numérique, qu’elle soit économique, sociale, culturelle, ou territoriale. Je sais combien votre Haute Assemblée est sensible à cette préoccupation du gouvernement et je compte sur notre débat, sur nos travaux, sur votre vote, pour nous permettre de tenir cet engagement. Il y va non seulement de la diversité culturelle, ô combien essentielle dans le monde d’aujourd’hui, mais aussi de notre cohésion sociale et de la place de la France au sein de la société de l’information, dans l’ère numérique où nous vivons désormais.

 


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