Discours et communiqués de presse
Discours de Renaud Donnedieu de Vabres

à l’occasion de la remise des insignes d’officier dans l’ordre des Arts et des Lettres à Philolaos Tloupas
- exposition Philolaos au Palais-Royal

vendredi 4 mars 2005


Remise des insignes dofficier dans lordre des Arts et des Lettres à Philolaos Tloupas
Remise des insignes d’officier dans l’ordre des Arts et des Lettres à Philolaos Tloupas par Renaud Donnedieu de Vabres © photos D.R.


Cher Philolaos Tloupas,

Vous venez d’une contrée où la culture est reine et la sculpture majestueuse.

De la pierre antique s’échappe encore aujourd’hui un souffle créatif qui inspire, une beauté énigmatique qui fascine. Ces statues grecques, que le temps a poli d’une blancheur idéelle, s’inscrivent en filigrane dans vos souvenirs. Votre œuvre s’en émancipe pourtant radicalement, en mariant cet héritage de formes archaïques et millénaires à des formes inédites, issues du lexique moderne.

Né en 1923 à Larissa, en Thessalie, au pied de l’Olympe, les dieux ont sans aucun doute jeté sur vous un regard attentif et plein d’espoir. Dès le plus jeune âge vous manifestez un penchant pour la peinture et la sculpture que vous découvrez dans l’atelier de votre père ébéniste. En 1944, quelques mois après la libération et alors que la guerre civile est sur le point d’éclater, vous préparez l’entrée à l’Ecole des Beaux-Arts d’Athènes. Après l’interruption des troubles politiques, vous entrez en 1945 à l’atelier de sculpture. Vous retrouvez Larissa pour votre service militaire : déjà vos talents artistiques vous valent d’être affecté au projet de construction de la nouvelle église de la caserne. Vous rejoignez ensuite Athènes et l’atelier d’Apartis, élève de Bourdelle.

Dans les années 50, l’avenir semble plus prometteur en France que dans une Grèce encore épuisée par la guerre civile. Arpatis vous convainc de faire vos valises pour rejoindre Paris. Vous suivez ses conseils et commencez à travailler à la Grande Chaumière et dans l’atelier du sculpteur Marcel Gimond à l’Ecole des Beaux-Arts. C’est un grand bonheur pour nous de savoir que vous avez trouvé ici comme un second foyer, et un honneur de voir vos œuvres s’épanouir sur notre territoire. Vous vous installez ensuite dans la vallée de Chevreuse et y enseignez la poterie. C’est d’ailleurs là que vous choisissez de construire votre atelier en prenant en charge sa réalisation depuis la maçonnerie jusqu’à la fabrication des meubles.

Peu à peu vous vous construisez une solide réputation. La première commande qui vous est passée, un bas-relief pour le Café restaurant La Régence, place du théâtre français, inscrit d’emblée votre œuvre au cœur du Paris des artistes et des penseurs. Vous manifestez très tôt ce désir d’ancrer votre travail dans l’espace public, allant jusqu’à adopter les matériaux des villes modernes, l’acier inoxydable ou le béton lavé.

C’est cette envie de faire un art vivant, un art qui s’exprime hors des vitrines des musées, qui vous mène par exemple à accepter de collaborer avec le Théâtre National Populaire de Jean Vilar pour créer des bijoux pour des pièces classiques.
Mais c’est surtout au cœur des villes, dans leurs jardins ou leurs places publiques, que vous souhaitez inscrire votre œuvre. Vous travaillez ainsi souvent en collaboration avec des architectes, comme Michel Andrault ou Pierre Parat, en milieu urbain. Je pense bien entendu aussi à André Gomis qui vous accompagne sur les projets de Bagneux, Balaruc-les-Bains ou Valence.

Votre travail sur les châteaux d’eau est salué par toute la presse spécialisée et vous obtenez le premier prix de la société COGEDIM pour la meilleure réalisation sculpturale en milieu urbain de la décennie 70-80. Lyon, Créteil, Evry, accueillent également certains de vos chefs d’œuvre. Vous souhaitez que vos sculptures s’insèrent harmonieusement dans un environnement ou un paysage donnés, expliquant que l’œuvre n’a pas à être plaquée artificiellement sur la ville comme un luxe décoratif. Vous avez ainsi une préférence marquée pour ces formes non-géométriques qui rejoignent celles de la nature. Lorsque l’on fait appel à vous pour esthétiser le quartier de la Défense, ce sont les ailes d’un oiseau d’acier que vous choisissez de déployer, les pétales de nymphéas métalliques que vous faites fleurir.

Votre renommée a depuis bien longtemps rayonné hors de France. Vous participez régulièrement à des expositions collectives et personnelles à travers le monde. Vous retrouvez aussi souvent la Grèce, l’été pour y réaliser notamment de nombreux cadres en bois flotté, mais aussi pour des projets de grande envergure, à Volos, à Larissa pour un monument à la Résistance grecque, ou à Salonique à l’entrée du musée d’art contemporain.

Vos œuvres sont sous nos fenêtres et sur nos pas quotidiennement, elles auront en un sens accompagné un moment de notre existence par cette installation dans les jardins du Palais Royal. C’est ainsi avec la sensation d’accueillir un ami de longue date, dont l’œuvre m’est devenue intime, que je vous décore ce soir.

Cher Philolaos TLOUPAS, au nom de la République, nous vous faisons officier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.


Je vous remercie.


Inauguration sous la neige de l'exposition par Renaud Donnedieu de Vabres


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