Discours et communiqués de presse

Discours de Renaud Donnedieu de Vabres
à l’occasion du lancement de la 22e édition des
Journées européennes du Patrimoine


mardi 6 septembre 2005

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Conférence de presse 22e édition des Journées européennes du Patrimoine
photos : © Didier Plowy/MCC

Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,

« J’aime mon patrimoine » : c’est le thème que j’ai choisi pour ces 22e Journées du patrimoine. Au-delà de la profusion d’évènements de ces deux jours, présentés dans le dossier qui vous est remis, au-delà même de la renaissance du Grand Palais, qui sera ouvert jusqu’au 1er octobre, c’est une priorité essentielle de ma politique culturelle, c’est une grande ambition que je souhaite mettre en lumière : celle de l’appropriation collective, mais aussi personnelle, par tous les Français, du magnifique patrimoine que nous avons en partage. Nos concitoyens s’intéressent à ces lieux de mémoire et de création, grands monuments historiques ou contemporains, emblématiques de notre histoire ou de notre époque, qui façonnent notre environnement, notre cadre de vie et fondent notre identité culturelle, nationale, bien sûr, mais aussi locale, régionale et européenne.

Parce qu’il est l’expression de notre identité, parce que nous en sommes fiers, le patrimoine est d’abord une grande passion. La passion de notre histoire, qui est d’autant plus profonde que notre société, dans toute sa diversité, est en quête de mémoire, de repères, de sens. C’est sans doute ce qui explique le succès, renouvelé chaque année, de ces journées, et le regain d’intérêt des Français pour leur patrimoine depuis que l’année 1980 fut déclarée « année du patrimoine ». Il est bien loin le temps où Mérimée, créant en 1837 la Commission des monuments historiques, se proclamait : « Vox clamans in deserto ! ». Dès sa création, André Malraux assigne à ce ministère la mission d’assurer « la plus vaste audience à notre patrimoine culturel ».

Aujourd’hui, notre patrimoine est porté par les efforts de tous. C’est donc pour exprimer le véritable attachement individuel qui lie chaque Française et chaque Français à notre patrimoine, que j'ai choisi le thème : « j’aime mon patrimoine ».

Pour que cette passion s’élargisse encore, pour que chacun puisse exprimer son engagement, j’ai invité tous les organisateurs de ces Journées à créer des liens encore plus étroits, des liens pérennes avec notre patrimoine. Il s’agit de permettre à tous ceux qui ne le sont pas encore, de devenir des acteurs de la sauvegarde et de la mise en valeur d’un monument. On connaît la capacité de nos concitoyens à se mobiliser sur des grandes causes. Je suis persuadé que notre patrimoine est de celles-là.

Je tiens à rendre hommage à tous les responsables d’associations présents qui, avec leurs adhérents et de très nombreux Français, y consacrent bénévolement une part importante de leur vie et de leurs moyens.

Oui, le patrimoine est l’affaire de tous. Il est le fruit des efforts de tous.

Ceux des propriétaires privés, aux côtés des collectivités publiques, sont irremplaçables. Je rappelle que les propriétaires privés ont la responsabilité de près de la moitié de notre patrimoine national protégé.

Je tiens à saluer l’engagement des nombreux partenaires privés et publics qui unissent leurs forces aux côtés des services de l’Etat - direction de l’architecture et du patrimoine, directions régionales des affaires culturelles et services départementaux de l’architecture et du patrimoine. Parmi les associations, je tiens à citer la Demeure Historique et les Vieilles Maisons Françaises, ainsi que la Fondation du patrimoine.

Oui, qu’ils soient bénévoles ou professionnels, amateurs ou spécialistes, agents de l’Etat ou des collectivités territoriales, tous les acteurs du patrimoine sont animés de la même passion de partager et de faire découvrir notre héritage commun, dans toute sa diversité.

Des monuments les plus emblématiques de notre mémoire nationale, au plus modeste lavoir, au four à pain, ou à la chaumière qui témoignent de notre patrimoine rural. Des centres anciens, heureusement le plus souvent préservés, aux vastes paysages façonnés par le travail des hommes. Des objets rares ou précieux qui peuplent les églises et les collections publiques et privées aux parcs et jardins protégés ou remarquables, essentiels à la qualité de notre cadre de vie.

Notre patrimoine bénéficie à tous, non seulement par sa beauté, non seulement parce qu’il donne sens et continuité à notre histoire commune, mais aussi parce qu’il est la source, sur l’ensemble de notre territoire, d’une activité économique directe et de nombreux emplois.

Les travaux d’entretien et de restauration, de plus de 500 millions d’euros par an, représentent près de 45000 emplois et l’activité de 1200 entreprises. Quand on sait que 60% à 85% des sommes investies dans ce domaine vont à l’emploi, on mesure l’importance des investissements dans ce secteur au regard des priorités du gouvernement. C’est pourquoi, l’Etat, loin de se désengager, se mobilise, j’y reviendrai dans un instant.

C’est un vaste réseau d’artisans, de métiers, d’ateliers, de petites et moyennes entreprises, souvent hautement spécialisées, qui irrigue l’ensemble de notre pays, alliant les savoir-faire les plus traditionnels aux techniques les plus innovantes. Ce réseau a valeur d’exemple, par ses réalisations. Il stimule, partout en France, la demande en réhabilitation et en restauration du bâti ancien. Il influence les choix de matériaux en construction neuve.

Le patrimoine contribue enfin à la qualité de l’image de la France et à son attractivité. Qui pourra nier l’importance des richesses patrimoniales de notre pays dans l’afflux chaque année de près de 75 millions de touristes étrangers ? Au succès de nos plus grands monuments et sites, s’ajoute la qualité de notre cadre de vie, qui contribue aux décisions des entreprises d’investir, de s’installer et de créer des emplois dans notre pays.

Le patrimoine joue aussi un rôle éducatif essentiel, par la force des liens entre les générations et du lien social qu’il contribue à tisser ou à retisser.

C’est dire l’étendue de nos responsabilités politiques dans ce domaine, qui concerne chacune et chacun d’entre nous. Et je tiens à vous dire que l’Etat assumera les siennes.

J’ai décidé tout d’abord, de moderniser et renouveler son action pour la rendre plus simple, plus efficace et mieux adaptée à notre temps.

Nous devons en premier lieu faire évoluer le dispositif législatif et réglementaire actuel, figé dans le vénérable monument historique qu’est la loi du 31 décembre 1913, afin de le faire correspondre aux besoins d’aujourd’hui. Au moment de l’adoption de cette loi fondamentale, la France ne comptait que 4800 monuments classés. Mérimée avait été entendu, et son prédécesseur, le premier inspecteur des monuments historiques, Ludovic Vitet, qui, lors de son premier voyage à travers la France en 1830 avait lancé ce cri d’alarme : « Si vous ne m’armez pas d’un petit bout de loi, d’ici dix ans, il n’y aura plus un monument en France » ! Aujourd’hui, la France compte plus de 42000 édifices protégés.

Sur ma proposition, le Gouvernement a décidé de responsabiliser les acteurs du patrimoine pour permettre à chacun de jouer pleinement et entièrement son rôle.

Nous avons donné des compétences nouvelles aux collectivités territoriales, propriétaires de 46 % des monuments protégés, gestionnaires et garantes, dans le cadre de leurs compétences, de notre territoire - patrimoine commun de la nation selon les termes de l’article premier du code de l’urbanisme.

C’est l’objet des mesures de décentralisation prévues par la loi du 13 août 2004, mises en œuvre par quatre décrets du 20 juillet 2005 et une circulaire d’application du 1er août 2005, que j’ai adressée aux préfets de région et aux préfets de département.

J’affirme, comme élu local et comme ministre, nous devons tous faire plus et mieux pour notre patrimoine. L’Etat ne se désengage pas.

Les collectivités locales sont dotées de compétences nouvelles, pour leurs missions en matière d’inventaire général du patrimoine culturel et de transfert de monuments historiques, à titre expérimental, pour la gestion des crédits d’entretien et de restauration des monuments qui n’appartiennent pas à l’Etat.

J’ai confiance en leurs capacités et en leur efficacité.

L’Etat, pour sa part, doit simplifier les procédures et un droit trop complexes dans lesquels les acteurs peinent à se retrouver.

Tel est l’objet de deux ordonnances. La première porte sur les secteurs sauvegardés, a été publiée au Journal officiel le 29 juillet dernier. Je présenterai la seconde, sur les monuments historiques et les espaces protégés, en Conseil des ministres demain. Elle sera publiée au Journal officiel avant le 9 septembre. Ces deux textes sont fondés sur la loi du 9 décembre 2004 relative à la simplification du droit. Je déposerai très rapidement les projets de lois de ratification.

D’autres mesures, d’ordre réglementaire, sont en préparation ou en concertation avec les acteurs concernés et devraient être prêtes pour la fin de l’année. Et d’autres réformes restent à conduire, pour mieux faire accepter les règles essentielles de protection du patrimoine, trop souvent présentées comme systématiquement contradictoires avec l’aménagement et le développement des infrastructures contemporaines.

Afin de répondre aux critiques récurrentes, tendant à présenter les décisions de protection comme passéistes, arbitraires ou incohérentes, j’ai demandé au directeur de l’architecture et du patrimoine d’organiser le travail de la Commission supérieure des monuments historiques, qui sera bientôt rebaptisée Commission Nationale des monuments historiques, afin qu’elle discute, élabore et publie une véritable doctrine de la protection de l’action publique en faveur des monuments historiques. Cette doctrine, sera le fruit des débats des spécialistes, des architectes, des élus. Elle sera largement communiquée au public. Elle permettra ainsi de renforcer l’adhésion collective que je recherche pour cette grande cause du patrimoine.

L’engagement de l’Etat, c’est évidemment aussi, l’engagement budgétaire. Et je peux vous dire, que dans ce domaine, je me démène !

Vous le savez, les besoins sont immenses et pour certains d’entre eux immédiats. Les difficultés des entreprises spécialisées et les menaces qui pèsent non seulement sur certains monuments, mais aussi sur l’emploi, me préoccupent.

Grâce aux mesures successivement obtenues sur les exercices budgétaires 2004 et 2005, tant par redéploiements qu’en lois de finances, notre capacité de financement a été déjà augmentée de près de 80 millions d’euros.

Et je suis heureux de vous annoncer que je viens de réaffecter 10 millions d’euros supplémentaires aux opérations de restauration menées dans les régions en 2005.

Sur le budget 2006, que je vous présenterai le 21 septembre, j’ai obtenu qu’une partie des ressources dégagées par les privatisations, 100 millions d’euros, soit affectée à la restauration du patrimoine national. Je l’ai dit, le financement du patrimoine est un investissement pour le développement économique et l’emploi, pour l’attractivité de notre pays.

Je maintiendrai ces efforts inlassables tant que la situation ne sera pas rétablie à un niveau satisfaisant.

Pendant les Journées du patrimoine, je marquerai l’importance que j’attache à ces efforts nécessaires, en allant m’assurer de l’avancement des chantiers de restauration de la cathédrale de Laon et du Château de Coucy en Picardie. Notre-Dame de Laon, joyau de l’architecture gothique, qui avait tant impressionné Mérimée, fait l’objet d’une convention entre l’Etat et la ville, afin d’aider celle-ci à restaurer le massif occidental, qui est dans un état alarmant.

Au château de Coucy, important site militaire médiéval, je rencontrerai l’association Rempart qui organise des stages de formation pour ses bénévoles ; je saluerai leur action exemplaire en faveur de la restauration et de la valorisation de notre patrimoine, qui doit être le fruit, je le répète, de l’addition de toutes les énergies.

Je serai très heureux d’ouvrir au public les portes du Grand Palais le samedi 17 septembre, après de longs travaux de renforcement des fondations et de restauration de la verrière et des façades. Pour fêter cet événement, une présentation spectaculaire des Globes de Coronelli, issus des collections de Louis XIV, dont j’ai confié la réalisation à l’architecte Patrick Bouchain, mettra en valeur le patrimoine exceptionnel que représente la nef du Grand Palais, avec l’installation sonore et lumineuse due à deux jeunes créateurs, Thierry Dreyfus et Frédéric Sanchez.

Dans l’après-midi je visiterai en compagnie de Michèle Alliot-Marie l’extraordinaire chantier de restauration des décors de Joseph Parrocel qui orne l’ancien réfectoire de l’hôtel des Invalides, commande royale célébrant la politique de conquête de Louis XIV. Ce sera l’occasion de signer le troisième renouvellement pour les cinq prochaines années, du protocole de coopération qui engage nos deux ministères dans une collaboration désormais élargie au-delà du seul patrimoine aux domaines nouveaux des musées, des archives et de l’animation culturelle.

Puis, dimanche matin, je serai heureux d’ouvrir les portes du Palais-Royal et d’y accueillir le public, qui pourra prendre conscience de l’enrichissement continu des collections de nos grandes institutions culturelles. Il pourra découvrir une présentation exceptionnelle, dans ce Salon, d’un ensemble d’œuvres et de documents acquis en 2004 et 2005 :
- cinq lettres adressées par la reine Marie-Antoinette à la princesse de Polignac, entre la prise de la Bastille et la fuite de Varennes, destinées aux Archives nationales ;
- le manuscrit autographe de « La Nouvelle Héloïse », l’un des rares brouillons de Jean-Jacques Rousseau parvenus jusqu’à nous, entré depuis peu à la Bibliothèque nationale de France ;
- un rare carnet de dessins de costumes de la Venise du XVIe siècle, qui rejoindra bientôt le musée Paul-Dupuy de Toulouse ;
- enfin, trois œuvres acquises pour le Louvre, une « Tête de caractère » du sculpteur autrichien Franz-Xaver Messerschmidt, l’un des artistes les plus singuliers du XVIIIe siècle, la Vierge au rameau de chêne de Simon Vouet, ainsi qu’un album de dessins exécutés à Rome par David dans les années 1775-1780. Ces acquisitions ont été réalisées pour certaines grâce au Fonds du Patrimoine, c’est-à-dire grâce aux crédits du budget de l’Etat, pour d’autres grâce au mécénat d’entreprises, en application des dispositions fiscales très avantageuses de la loi du 1er août 2003.

Je me rendrai ensuite à la Maison de la Radio, monument trop familier peut-être pour être naturellement considéré comme ce qu’il est, un témoignage précieux de l’architecture de la seconde moitié du XXe siècle. Cette œuvre d’Henri Bernard sera bientôt protégée et mise en valeur, grâce à l’intervention des équipes de l’agence Architecture studio, que je serai heureux de rencontrer sur place.

Ces Journées, je l’ai dit, sont des journées européennes, qui se prolongent, tout le mois de septembre, dans 46 pays, autour du thème : « L’Europe, un patrimoine commun ».

C’est un encouragement très fort pour les propositions que j’ai présentées à l’issue des Rencontres pour l’Europe de la culture les 2 et 3 mai derniers. Je pense en particulier, à la création d’un label « patrimoine de l’Europe » qui permettra de mettre en valeur la dimension européenne des monuments et des sites de nos nations qui ont compté dans l’histoire de notre continent.

Avec les pays participants à ces rencontres, nous avons décidé de créer un groupe de coopération, en relation avec la commission européenne, sur le patrimoine et le tourisme culturel, qui traitera de ce label, mais aussi d’une autre proposition de la France, tendant à créer un fonds commun d’assurance, pour faciliter la circulation des œuvres entre nos pays. Je souhaite que les prochaines rencontres pour l’Europe de la culture, à Budapest en novembre prochain, nous permettent d’avancer sur ces deux sujets qui me tiennent à cœur, parce qu’il s’agit de notre identité et de notre destin au sein d’une Europe qui est avant tout un espace culturel commun.

Enfin, je tiens à remercier chaleureusement les représentants des entreprises partenaires des Journées européennes du Patrimoine, présents dans cette salle, qui depuis plusieurs années nous accompagnent et partagent fidèlement nos efforts afin que cette manifestation soit une réussite.

Je pense tout particulièrement au groupe Carrefour, partenaire depuis 1999, qui organise de nombreuses animations dans les monuments historiques. J’aurai prochainement l’occasion de remettre, ici même, avec le Président de Carrefour, les « prix Carrefour Journées du patrimoine », qui couronnent des initiatives en faveur de la sauvegarde du patrimoine culturel, architectural et culinaire.

Je pense également au Crédit agricole et à la Fondation du Crédit agricole Pays de France, grand partenaire de la culture et en particulier de la sauvegarde et de la valorisation du patrimoine, partenaires des Journées européennes du patrimoine depuis quatre ans, et qui vient de renouveler, par la signature d’une convention de mécénat, son engagement pour les deux prochaines années.

Je veux encore remercier la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment, qui pour la troisième année consécutive participe activement à cette manifestation.

Enfin je voudrais saluer un nouveau partenaire venu rejoindre nos entreprises mécènes - la RATP - qui propose un programme d’évènements exceptionnels pour faire découvrir toute la richesse de son patrimoine.

Je n’oublie pas non plus les partenaires médias des Journées européennes du Patrimoine dont l’appui est essentiel pour la réussite de cet évènement

France Télévisions mobilise les chaînes du groupe, car elle sait combien notre patrimoine donne aux téléspectateurs des racines et des ailes. Je salue aussi la chaîne Histoire, nouveau partenaire des journées, et RTL qui, après « Rendez-vous aux jardins », en juin dernier, s’engage aux côtés des Journées du patrimoine.

Je vous souhaite à tous et à toutes d’excellentes visites et de très belles découvertes !


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