Discours et communiqués de presse

Discours de Renaud Donnedieu de Vabres
à l’occasion de l’ouverture
du séminaire « Attractivité Culturelle » à l’Institut National d’Histoire de l’Art
mercredi 14 juin 2006

RAPPORT DE SYNTHESE SUR L’ATTRACTIVITE CULTURELLE :XAVIER GREFFE (pdf)


« Attractivité Culturelle » à l’Institut National d’Histoire de l’ArtMonsieur le Président de la Commission des affaires culturelles du Sénat, Cher Jacques Valade,
Messieurs les Parlementaires,
Madame la Présidente de l’établissement public du musée et du domaine national de Versailles, Chère Christine Albanel,
Madame la Directrice générale du Centre national de la cinématographie, Chère Véronique Cayla,
Madame la Préfète, Chère Bernadette Malgorn,
Messieurs les Directeurs,
Madame la Présidente, Messieurs les Présidents,
Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,

Tout d’abord, je tiens à vous dire combien je vous suis reconnaissant d’avoir bien voulu répondre à mon invitation à travailler, à réfléchir ensemble ce matin, à frotter nos cervelles pour un exercice de remue-méninges, comme l’on dit en français, en croisant la diversité de vos expériences, de vos parcours, de vos horizons, de vos pensées, de vos idées.

Même s’il y a un certain nombre d’universitaires parmi vous, et si je tiens d’emblée à remercier Xavier Greffe, professeur à l’Université de Paris I, où il dirige l’Ecole doctorale d’économie, pour le remarquable travail préparatoire qu’il a réalisé et qui vous a été distribué, sous le titre La mobilisation des actifs culturels de la France, j’ai conçu cette matinée de travail, avec l’aide du Département des études, de la prospective et des statistiques du ministère, non pas comme un colloque universitaire, mais comme un atelier, un laboratoire d’idées, de libres réflexions, de libres propositions, pour passer en revue l’ensemble des aspects de l’attractivité culturelle aujourd’hui, et, je l’espère, et je vous fais confiance pour cela, faire émerger des idées, des pistes de réflexion nouvelles.

Ce thème de l’attractivité culturelle de la France, vous savez qu’il me tient particulièrement à cœur. Non pas parce qu’il s’agirait d’une « marotte », mais parce que j’y vois un axe essentiel de politique culturelle et sans doute au-delà, de politique économique et sociale. Un axe sans doute aussi fort et complémentaire que celui de la diversité culturelle, qui, après l’adoption, l’an dernier, de la convention de l’UNESCO, constitue non seulement une valeur et un nouvel élément du droit international, mais aussi une richesse et un principe d’action dans la mondialisation, un principe qui se décline au plan interne comme au plan international.

C’est bien la mondialisation et le rôle de la culture dans la mondialisation qui forment la toile de fond et la matière de notre réflexion d’aujourd’hui, qui réunit artistes, créateurs, administrateurs d’équipements culturels, dirigeants d’institutions, de lieux et d’associations, chefs d’entreprises, hauts fonctionnaires, enseignants-chercheurs, responsables politiques et élus, et je tiens à remercier tout particulièrement les trois sénateurs qui ont accepté de présider trois des quatre tables rondes de cette matinée, le Président Jacques Valade, Président de la commission des affaires culturelles du Sénat, le Président Daniel Percheron, Président du Conseil régional du Nord Pas-de-Calais, qui est l’une des régions de France qui a fait résolument le pari de la culture pour assurer son développement et son rayonnement, et le Président Louis Duvernois, sénateur représentant les Français établis hors de France et auteur d’un remarquable rapport d’information de la commission des affaires culturelles du Sénat sur la stratégie d’action culturelle de la France à l’étranger.

Je remercie également Sophie Boissard, Directrice générale du Centre d’analyse stratégique, qui a gentiment accepté de suppléer Alain Lambert.

Nous allons relever ensemble ce matin un grand défi : celui de la créativité, celui de l’amour de la culture, de sa diversité, du rôle que la France peut et doit jouer dans le monde et des relations que je crois mutuellement fécondes entre la culture et l’économie.

C’est dans cet esprit que je voudrais évoquer l’un des axes de mon action, l’affirmation du rôle de la culture, qui ne se limite pas à ce que l’on appelle d’ordinaire les « retombées » sur l’économie, mais qui porte en elle-même cette force de rayonnement, de créativité, et d’entraînement de l’ensemble de l’économie et de la société.


J’inscris mon travail dans la succession des ministres de la culture depuis André Malraux, quel que soit leur engagement politique, car l’élaboration de notre politique culturelle résulte d’un large consensus. L’une des inflexions toutefois que je me suis fait un devoir d’apporter, c’est d’aider à dépasser totalement ce vieux débat, qui consiste à opposer la culture, qui relèverait d’une vie de l’âme, pure et désintéressée, et l’économie. Je crois que ce vieux débat est totalement dépassé.

Je suis convaincu au contraire que notre société comprend de mieux en mieux ce que le monde de la culture et le monde de l’économie peuvent s’apporter mutuellement.

Car je tiens à le rappeler, l’activité culturelle contribue à la croissance et à l’emploi. Si la culture coûte de l’argent au contribuable, elle en rapporte bien plus à notre pays.

L’emploi culturel représente en France près de 470 000 actifs, soit 2% des emplois totaux. Comparaison bien sûr n’est pas raison, mais c’est une part équivalente à celle du commerce de l’automobile et qui représente deux fois la part du secteur des assurances.

Plus de la moitié de ces 470 000 actifs travaillent dans les industries culturelles.

Encore cette estimation ne tient-elle pas compte des emplois indirects du secteur du tourisme et de l’hôtellerie, ni des industries du luxe, dont certains métiers sont éminemment et évidemment artistiques.

Je citerai un exemple : le Palais des festivals de Cannes estime à près de un milliard d’euros et 16 000 emplois les activités induites par sa programmation.

Dans l’Union européenne à 25, on recense 4,2 millions d’actifs dans la culture, dont la moitié dans les industries culturelles.

L’industrie du cinéma est historiquement pour les Etats-Unis et pour la France, une industrie aussi ancienne, aussi enracinée dans notre modèle économique et social, que l’aéronautique ou l’automobile : c’est en France que le cinéma est né.

L’économie de la culture est aujourd’hui un segment moderne dans le processus de création de richesse. Ainsi, l’emploi culturel en France a progressé deux fois plus vite que le reste de l’emploi depuis 1990. C’est particulièrement frappant dans les industries culturelles : dans le secteur de l’audiovisuel, le nombre d’entreprises a augmenté de 42% dans la même période, quand la création d’entreprises augmentait de 10% dans le reste de l’économie. Le crédit d’impôt cinéma, dans sa version adoptée en 2005, a non seulement permis de renforcer le financement de la production en France, puisque 117 films en ont bénéficié en 2005, mais il a également eu des effets très importants sur l’emploi, puisque plus de 2000 emplois ont été créés. Aux Etats-Unis comme en France, certains secteurs comme celui des jeux vidéo font appel à des talents particulièrement créatifs, tant sur le plan artistique que technologique.

Quels sont les principaux enjeux, remarquablement mis en relief et en perspective par le rapport foisonnant de Xavier Greffe, riche d’une multitude de données, de sources, d’approches scientifiques et empiriques ? C’est sur ces enjeux que je vous invite à réfléchir, à échanger, à inventer, à proposer librement.

Il s’agit :
- d’apprécier et de renforcer le rôle de la culture comme facteur d’attractivité des talents, des entreprises, des capitaux, des activités ;
- de maîtriser les flux et les échanges culturels, qu’il concernent le tourisme culturel ou les œuvres d’arts ou les œuvres audiovisuelles ;
- il s’agit enfin, d’évaluer pleinement l’évolution et l’impact de l’emploi culturel

Prendre la mesure de ces enjeux, au sens tout autant quantitatif que qualitatif, c’est percevoir que la stratégie d’attractivité culturelle de la France à laquelle je vous invite à réfléchir doit être mise en œuvre sur l’ensemble des territoires. Une telle stratégie ne met pas les territoires en concurrence. Elle leur permet en revanche de renforcer le développement culturel, facteur d’attractivité, les conditions de déploiement du tourisme culturel, les échanges avec le monde au profit de la diversité, en particulier à travers l’accueil des étudiants et des créateurs étrangers, ainsi que le développement des industries culturelles en France et les exportations de leurs produits.

C’est autour de quatre thèmes cardinaux qu’une telle politique peut se penser et être mise en œuvre.

Ce sont ces thèmes qui structureront votre réflexion en autant de tables rondes :
- le développement culturel, l’attractivité et le dynamisme économique ;
- la culture au cœur de l’ attractivité touristique ;
- la France, terre d’accueil des créateurs ;
- l’attractivité et la compétitivité des activités et des industries culturelles.
Ainsi, vos expériences et vos regards croisés pourront mettre en perspective le tableau brossé par le professeur Xavier Greffe, en passant au crible nos atouts et nos faiblesses, et en dégageant les lignes de force d’un horizon fondé sur l’attractivité culturelle de la France.

Cet horizon que Xavier Greffe désigne comme celui d’une “ nation culturellement créative ” est déjà celui d’une compétition internationale très vive, qui concerne l’ensemble de l’économie, des produits, des services, et des marques, et qui porte sur la créativité au sens large, mais aussi sur la diversité culturelle.

Dans cette compétition, la culture doit jouer tout son rôle. Elle doit assumer son importance économique ; elle doit pouvoir servir de point d’appui, de centre historique et spécifique de l’économie de la créativité qui va au-delà de la culture, mais imprègne le reste de l’économie industrielle et de services. Elle doit le faire sans rien perdre du rôle éminent qu’elle joue en faveur de la cohésion sociale, de la diversité, de l’échange avec l’autre, du sens qu’elle procure.

Voici en quelques mots, ce que peut recouvrir la question de l’attractivité culturelle que ce séminaire de réflexion collective, fondé sur l’ouverture, l’échange, le décloisonnement, nous permettra d’explorer en toute liberté.
Je vous rejoins tout à l’heure, à l’issue du conseil des ministres, pour la restitution des travaux de vos tables rondes, auxquelles je regrette sincèrement de ne pouvoir participer personnellement.

Je suis certain qu’elles seront fructueuses.

Je vous remercie.

photo : Didier Plowy/MCC


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