Discours et communiqués de presse
Intervention de Renaud Donnedieu de Vabres
Présentation des Rencontres pour l'Europe de la culture (2 et 3 mai 2005)
Petit-déjeuner de presse
Mercredi 29 mars 2005

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Mon premier contact avec la presse dans mes fonctions actuelles, il y a presque un an, a été de présenter ici même, au ministère, un mémorandum pour la coopération culturelle européenne contenant 16 propositions d'action que le gouvernement français adressait à ses partenaires de l'Union européenne. Le Président de la République avait pris connaissance de ce document avec le plus vif intérêt et avait demandé à son gouvernement de soutenir son effort avec détermination dans ce sens.

J'ai voulu placer mon action à la tête de ce ministère au service d'une ambition européenne. Ceci correspond à mes convictions et résulte d'une analyse de la situation de la construction européenne partagée par le Président de la République, comme par le Chancelier fédéral ou le Président de la Commission européenne : l'Europe a besoin de placer la culture au cœur de ses priorités et de son action. Parce que la culture est un fondement de l'idée européenne, parce qu'elle rassemble les Européens dans une même communauté de valeurs et parce que la culture est un atout dans la concurrence économique internationale, tant en termes de créations d'emploi (métiers du tourisme, patrimoine, industries culturelles) d'attractivité (grandes entreprises, touristes, étudiants) que de capacité d'innovation.

Avec l'élargissement, l'Europe a franchi deux étapes historiques : celle de la réconciliation, franco-allemande notamment, puis celle de la réunification et du retour dans une destinée commune des pays qui étaient placés dans l'orbite de l'Union soviétique. Un cycle s'est accompli. Se pose à présent la question des valeurs qui rassemblent 450 millions d'Européens qui sont enfin parvenus à la paix et à la démocratie. Je crois pour ma part que l'Europe politique repose sur une Europe de la culture qui l'a précédé de longtemps. Ce qui réunit profondément les Européens, ce sont leurs affinités culturelles, ces affinités qui sont au cœur d'une tension entre "Unité et diversité ", la devise que nous propose la Constitution.

On ne peut aborder le débat sur la Constitution sans cette réflexion fondamentale sur ce qui nous unit, sur notre héritage culturel, sur ce que nous ressentons de commun mais aussi sur le rôle que joue la culture pour préserver la diversité de nos identités.

Le projet de Constitution européenne est une avancée pour la culture. Il ouvre de nouveaux domaines d'action auxquels des pays qui tiennent à la culture, comme la France, doivent se préparer.

Pour l'essentiel, la Constitution comporte deux nouveautés :

- l'affirmation de la diversité culturelle comme un objectif de l'Union
- le passage à la majorité qualifiée pour les coopération culturelle interne tout en maintenant l'unanimité pour les négociations commerciales quand elles risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique.

Dans le domaine culturel, les choses sont claires. Si le non l'emporte, c'est tout ce que la France a bâti patiemment au fil des années, de l'exception culturelle à la diversité culturelle, qui sera remis en cause. Je ne vois pas comment après un non de la France, nous pourrons encore dire à nos partenaires que la Commission européenne ne doit pas offrir l'audiovisuel et les industries culturelles à la libéralisation des services à l'OMC. En revanche, le oui ouvre tout car il sera plus facile de progresser à la majorité qualifiée au service de la culture.

Ce sera d'autant plus facile si, comme la France le souhaite, la communauté internationale adopte une Convention sur la diversité culturelle à l'automne prochain à l'UNESCO, selon les échéances prévues. Car cette Convention aura un effet en retour dans les affaires européennes.

Le risque d'uniformisation de la culture n'est pas un mythe. Quelques chiffres :

- 85% des places de salle de cinéma vendues dans le monde concernent des films produits à Hollywood (chiffres de l'UNESCO 2002).
- la part de marché globale des films européens dans l'Union européenne a baissé de 2002 à 2003 : 25,7% en 2003 contre 27,8% en 2002. Celle des films américains a augmenté : 72, 1% contre 70,1 %.
- 50% des fictions diffusées à la télévision en Europe sont d'origine américaine, cette proportion atteignant même 67% dans un pays comme l'Italie.
- 70% des enregistrements légaux de musique vendus dans le monde sont produits par deux grands groupes.
- 9 des 10 écrivains les plus traduits dans le monde sont des écrivains de langue anglaise.

C'est pourquoi, à l'initiative du Président de la République, la France a compté parmi les plus ardents promoteurs de la Convention sur la diversité culturelle en cours de négociation à l'UNESCO. Vis-à-vis des négociations à l'OMC, comme des politiques internes de l'UE, ce projet vise à garantir le droit des Etats à mener des politiques de soutien à l'activité culturelle au nom de la spécificité des œuvres d'art et de l'esprit qui ne peuvent être considérées comme des marchandises ordinaires. La Commission européenne s'est engagée dans cette négociation avec l'appui de la France. Elle a reçu mandat du Conseil des ministres en décembre dernier. C'est un exemple clair du rôle que l'Europe peut jouer pour répondre à la mondialisation.

Il est important de réflêchir avec les professionnels de la culture aux conséquences que nous pourrons tirer dans les affaires européennes internes des principes acquis à l'UNESCO, sur le fonctionnement du marché intérieur et de la concurrence. C'est l'objet de la Charte pour l'Europe de la culture que je me suis engagé à élaborer à Berlin, en novembre dernier, dans une initiative conjointe avec mes collègues allemand et polonais. Dix-sept ministres de la culture ont apporté leur soutien au principe d'une telle charte.

C'est dans ce contexte de mobilisation exceptionnelle que le Président de la République m'a demandé d'organiser à Paris des Rencontres pour l'Europe de la culture qui se tiendront à la Comédie française les 2 et 3 mai.

Ces Rencontres font suite à la Conférence organisée par les autorités allemandes à Berlin en novembre dernier sous le titre " Donner une âme à l'Europe ". Cette conférence avait été inaugurée par le Chancelier Schröder. Le Président de la Commission européenne, M. Barroso y était intervenu. La déclaration de Berlin qui en a résulté annonce plusieurs réunions régulières. Celle de Paris, puis celle de Budapest en novembre prochain en font partie. Ma collègue espagnole est prête à organiser la réunion suivante au printemps 2006.

Il s'agit d'organiser un véritable débat européen, des artistes, des intellectuels, des responsables de la culture, conduisant, dans la durée, à lancer des initiatives concrètes en faveur du rayonnement culturel de l'Europe.

Nous attendons environ 500 artistes et intellectuels dont au moins la moitié venus de tous les autres Etats membres de l'Union européenne, de toutes disciplines et formes d'expression. Les réponses sont très positives.

Du côté politique, le Président de la République a invité le président du Conseil européen, M. Jean-Claude Juncker et le président de la Commission européenne, M. Barroso, qui prendront la parole le 3 mai. Le Président interviendra lors d'une réception à l'Elysée. J'ai invité l'ensemble des ministres de la culture de l'UE, les membres du collège des Commissaires concernés (M. Figel, Mme Reding) ainsi que plusieurs parlementaires européens et nationaux.

L'esprit des rencontres sera de mettre les responsables politiques à l'écoute des artistes et des intellectuels qui prendront la parole en toute priorité. Ce sera un débat de réflexion mais aussi un débat en vue de l'action qui se déroulera en quatre temps :

Matinée du lundi 2 mai
" Cette figure spirituelle que nous nommons l'Europe " (Husserl)

Débat des philosophes, des écrivains et des historiens sur le rôle de la culture comme fondement de l'idée et de l'identité européennes.
Animateur : M. Frédéric Ferney

Après-midi du lundi 2 mai
" La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert " (Malraux)

Débat sur les priorités de l'action et sur les initiatives à prendre au sein de l'Union européenne.
Animateur : M. Patrick de Carolis

Des propositions concrètes seront soumises à débat par les ateliers qui se seront réunis avec des experts européens de la fin mars à la mi-avril :

Sur la base de ces travaux, je souhaite pouvoir lancer des groupes de coopération avec les Etats membres qui ont décidé de s'impliquer dans ce débat européen en organisant des conférences sur la politique culturelle européenne : Allemagne, Pologne, Espagne, Hongrie et d'autres qui nous rejoindront.

Matinée du mardi 3 mai
" Simul et singulis " (devise de la Comédie française)

Débat sur la tension entre la proximité et la diversité des cultures européennes, du point de vue des artistes et des créateurs à partir de leurs différents métiers et disciplines.
Animateur : M. Guillaume Durand

Après-midi du mardi 3 mai
" Pour une Europe fondée sur sa culture " (appel lancé en juin 2004 par une centaine d'artistes et de penseurs européens)

Débat des artistes et des intellectuels avec les responsables politiques.
Animateur : M. Amin Maalouf

Ouverture de la matinée par M. Jean-Claude Juncker, Président du Conseil européen, Premier ministre du Luxembourg

Clôture des travaux par M. José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne.

Discours de M. Jacques Chirac, Président de la République française, lors d'une réception au Palais de l'Elysée.

Je vous remercie.


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