Discours et communiqués de presse
Discours de Renaud Donnedieu de Vabres à l’occasion de la remise de l’Equerre d’argent
Centre national de la danse - lundi 17 janvier 2005

Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Madame la Présidente,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de revenir, sept mois après son inauguration, au Centre national de la danse.

Le 18 juin dernier, ce fut essentiellement la danse et ses perspectives que nous avons célébrées ici ; mais aussi, bien sûr, la réussite architecturale de ce lieu fédérateur, ouvert sur la cité, dû au talent de Claire Guieysse et d’Antoinette Robain, où la lumière danse avec le béton. Et nous avions amorcé un dialogue entre ces deux arts du mouvement et de l’espace : la danse et l’architecture.

Aujourd’hui, ce dialogue s’épanouit, pour célébrer l’architecture, au cœur de nos villes et de nos vies, pour ce grand rendez-vous annuel du Moniteur, pour cette grande fête, très attendue par l’ensemble des architectes et des maîtres d’ouvrage.

En récompensant des projets exemplaires, l’équerre d’argent, qui allie la rigueur de cet outil à l’angle droit et la force de ce métal précieux, brillant et inoxydable, mais aussi malléable et ductile, nous donne l’occasion de reconnaître, dans le même mouvement, le travail des concepteurs et la responsabilité des maîtres d'ouvrages, dont elle symbolise l’alliance nécessaire, indispensable, féconde.

La 21e édition de ce prix prestigieux est tout à fait exceptionnelle pour moi. Vous avez m’avez invité à le remettre, parce que le ministre de la culture et de la communication est le ministre de tutelle de la profession d’architecte. Mais mon ministère est aussi, bien sûr, maître d’ouvrage, en particulier, de ce lieu magnifique, dédié au spectacle vivant. Et à ce titre, je suis aussi, le lauréat de ce prix, que je partage avec les deux maîtres d’œuvre !

L’architecture fait partie de la culture. Et j’assume une responsabilité particulière, dans l’exercice de mes fonctions, une responsabilité partagée par tous les maîtres d’œuvre et les maîtres d’ouvrage, pour diffuser, dans notre pays, légitimement fier de son histoire, de son patrimoine, de ses créations, dans leur diversité, la culture de l’architecture.

C’est une culture de la qualité. La qualité architecturale, c’est la qualité du cadre de vie de nos concitoyens. C’est la qualité de nos villes et de nos paysages.

Cette qualité, que j’ai la tâche de promouvoir, conformément à la communication que nous avons présentée en conseil des ministres, au nom du gouvernement, avec mes collègues, chargés de l’équipement et du logement, le 24 novembre dernier, elle est le fruit des qualités professionnelles des architectes, de la qualité des maîtres d’ouvrage et de la qualité de leur dialogue.

Les architectes font preuve de compréhension, d'écoute, d’une grande capacité de synthèse des contraintes dans le souci de l'usager et de la satisfaction du commanditaire.

Si "l'Homme habite en poète sur cette terre" (Hölderlin), c'est bien l'architecte qui parvient, au-delà des techniques et des programmes qu’il maîtrise, à bâtir des créations qui sont aussi des espaces de vie adaptés à ses besoins et dignes de lui, en utilisant la lumière et l’espace, bien sûr, mais aussi l’intimité, la surprise, le confort, le plaisir tactile, acoustique ou visuel, et en veillant à l’implantation judicieuse de ses constructions sur un territoire qui est notre bien commun, notre patrimoine collectif, à partager avec les générations présentes et futures.

Les réalisations que vous avez primées apportent la démonstration concrète de l’harmonieuse maîtrise de ces contraintes.

La formation – initiale et continue – des architectes est évidemment essentielle pour maintenir et développer leurs qualités professionnelles dans le monde d’aujourd’hui.
La loi sur la formation continue tout au long de la vie professionnelle, la réforme de l'enseignement et des écoles qui voit le jour cette année, la réforme que nous avons engagée également pour diversifier les métiers exercés par les architectes, de la programmation, aux études urbaines, et à la maîtrise d'ouvrage, vont dans ce sens.

La qualité de l'architecture dépend aussi de la qualité du maître d'ouvrage, de la pertinence du programme, des analyses et des études préalables, du dialogue attentif et continu entre la maîtrise d'ouvrage, la maîtrise d'œuvre et les usagers qui doit présider à la conduite des opérations.

L'assouplissement des règles d'anonymat dans les concours que nous avons obtenu, avec Gilles de Robien, en application d'une directive européenne que nos ministères avait largement préparée, va dans ce sens.

L’Etat se doit d’être exemplaire. Notre communication en Conseil des ministres du 24 novembre dernier sur la qualité architecturale et urbaine, comporte le projet d'une charte sur la qualité des constructions publiques de l'Etat.
J'assumerai, avec mes collègues du gouvernement, la responsabilité de cette mission relevant de la fonction régalienne de l'Etat.

La qualité de l'architecture, par les réponses créatives que vous apportez aux demandes, besoins et programmes qui vous sont confiés, doit être promue et développée sur l’ensemble de notre territoire. C'est pourquoi nous construisons des pôles culturels régionaux, associant les services du ministère (directions régionales des affaires culturelles et services départementaux de l’architecture et du patrimoine) et les écoles d'architecture, en associant, naturellement, tous nos partenaires locaux, en particulier les maisons de l'architecture, les CAUE, et tous les lieux de diffusion existants.

Dès à présent, je vous convie aux prochains Rendez-vous de l'architecture, événement biennal organisé à l'attention des professionnels, qui se tiendront les 6 et 7 avril au Palais de la Porte Dorée. Patrick Berger, lauréat du grand prix national de l'architecture en 2004, a accepté de présider et de préparer cette rencontre. Elle portera sur la programmation des villes, afin d'apprécier comment chacun des acteurs trouvent leur place et assurent leurs responsabilités dans chacun des actes de bâtir.

Les réalisations des lauréats de l'Equerre d'argent sont tous exemplaires de la qualité de ce dialogue entre les architectes et les maîtres d’ouvrage.

Le prix de la première œuvre décerné, pour une maison individuelle, à Montbert, près de Nantes, à Jérôme Berranger et Stéphanie Vincent, architectes et à Fanny et Vincent Bouchaud, propriétaires d’une maison qui n’a rien de banal et s’insère dans le paysage rural ; l’ensemble de 67 logements répartis en sept bâtiments neufs et quatre bâtiments restaurés et réaménagés à Paris XXe par Philippe Prost, architecte et la RIVP (Régie immobilière de la Ville de Paris) avec la Semavip ; l’ensemble de 80 logements locatifs réalisés par Vincen Cornu dans le tracé directeur d’Alvaro Siza à Montreuil-sous-Bois pour la SAEI montreuilloise d'habitation, avec ICADE G3A ; sans oublier, bien sûr, ce lieu, où Claire Guieysse et Antoinette Robain, sous la maîtrise d'ouvrage de l'EMOC, mandaté par le ministère, se sont emparées de la puissance minérale du bâtiment de Jacques Kalisz pour y sculpter une lumière et des volumes nouveaux : toutes ces créations montrent ce que la société peut attendre des architectes.

Elles ont en commun de s’insérer dans un territoire ou sur des bâtiments existants, dans des conditions contraintes, notamment par l'enveloppe financière, par les objectifs, les programmes et les normes existants. Dans chaque cas, aussi différents soient-ils, les auteurs de ces créations ont su trouver des réponses pertinentes et généreuses.

Le souci du cadre de vie quotidien, au moment où le logement devient une préoccupation majeure, est essentielle à mes yeux. Les espaces de vie, l'ouverture sur la ville ou la position dans le paysage, le rapport entre le domaine privé et l'espace public extérieur, sont au cœur des conception des architectes, dans l’attention constante aux habitants et aux usagers.

Tous ces projets montrent que l’intervention des hommes – et des femmes – de l’art, loin de s’apparenter à un « surcoût », apporte un « plus » considérable, une valeur ajoutée de l’intelligence, de l’énergie, de la création et de la beauté, à chacun de ces lieux.

A l’image de ce vaisseau accosté au canal de l'Ourcq, que certains voulaient démolir, par votre travail, vous avez non seulement rendu ces lieux vivants : vous leur avez donné une âme, un souffle et une nouvelle jeunesse.

Je tiens à en féliciter tous les lauréats et à remercier le Moniteur et les Membres du jury. Je suis sûr que l’esprit de l’équerre d’argent nous inspirera tous, architectes et maîtres d’ouvrages, dans notre travail de chaque jour.

Je vous remercie.



[ Discours et communiqués ]