Discours et communiqués de presse
Allocution de Renaud Donnedieu de Vabres

COMMISSION NATIONALE CULTURE-HANDICAP

lundi 29 novembre 2004

Madame la Ministre, Chère Marie-Anne,
Monsieur le Délégué interministériel, cher Patrick Gohet,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,


Je suis particulièrement heureux de vous accueillir rue de Valois, avec ma collègue, Marie-Anne Montchamp, pour cette quatrième réunion annuelle de la Commission Culture-Handicap.

Le Président de la République a tenu à faire, vous le savez tous, de l’insertion des personnes handicapés, l’un des grands chantiers de son quinquennat, afin de permettre « à la société française de mieux accueillir la différence et de recueillir ses richesses ». A l’occasion de la clôture de l’année européenne des personnes handicapées, à la fin de l’an dernier, le Président de la République ajoutait : « notre conception de la citoyenneté nous engage à rendre à nos concitoyens handicapés toute leur place au cœur de la cité, à leur permettre de jouir des droits fondamentaux, d’être soumis aux devoirs qui s’imposent à tous et de participer à la définition des choix publics ».

Cette année 2004, a été marquée par la discussion au Parlement, qui vous a mobilisée, chère Marie-Anne, de la grande loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont l’article premier, tel qu’il a été adopté par le Sénat, proclame notamment : « toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation nationale, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens, notamment (…) à l’éducation, à la formation et à l’orientation professionnelle, à l’emploi (…) aux loisirs, au tourisme, à la culture, à l’information et aux technologies de l’information et au plein exercice de sa citoyenneté ».

Sans doute allez-vous revenir dans un instant, Chère Marie-Anne, sur cette œuvre législative majeure qui prendra, dès l’an prochain, le relais de la grande loi de 1975 et qui a pour ambition de faire franchir à la société française une nouvelle étape.

Je tiens à vous dire aujourd’hui solennellement et à réaffirmer par ma voix que le Ministère de la culture et de la communication prendra toute sa part de la réalisation de cette grande ambition. C’est un devoir. C’est une chance. C’est aussi un beau projet pour réaliser pleinement la mission qui lui a été assignée par André Malraux dès sa création : « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français » et « assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel ».
Ce ministère est celui de l’alliance entre le patrimoine et la création. Il est celui de l’identité et du rayonnement. Il est celui de la diversité. En prenant en compte les besoins des personnes handicapées, en veillant à favoriser un meilleur accès de l’ensemble des publics à la culture et aux pratiques artistiques, comme aux moyens d’information et de communication, ce ministère accomplit sa mission et sa vocation.

la Commission nationale Culture-Handicap constitue le lieu par excellence des échanges, des appuis nécessaires. C’est aussi le lieu idéal qui permet aux ministres, au délégué interministériel, aux directeurs d’administration centrale, aux sociétés et aux établissements publics, aux responsables des associations, d’impulser la mobilisation de tous, afin de faire vivre, dans le domaine de la culture et de la communication, essentiel à la vie personnelle et sociale, les trois grands principes, les trois grandes valeurs inscrites aux frontons de nos édifices républicains.

Je tiens à remercier chacun d’entre vous pour votre participation à cette commission. Je tiens à saluer :

- les associations représentatives des personnes handicapées qui s’engagent activement, je le sais, dans chacun des groupes de travail, qui se réunissent tout au long de l’année pour prolonger les recommandations et les orientations de cette commission ;
- les services du ministère de la culture et de la communication, et les établissements publics sous sa tutelle, qui sont également représentés au plus haut niveau ;
- les sociétés de l'audiovisuel public, et notamment France Télévisions représentée par son Président, M. Marc Tessier.

Le principe d’accessibilité généralisée affirmé par le projet de loi constitue le cadre général de notre action qui doit se décliner dans toute la diversité des dimensions, des modes d’expression et des métiers de la culture et de la communication.

Je pense, d'abord, à l'accès des personnes handicapées aux pratiques artistiques en amateur.

Je pense, ensuite, à l'accès des artistes et les créateurs handicapés aux formations et aux métiers de la culture. Cet accès doit être facilité. Il faut en conséquence adapter les cursus et les techniques d'apprentissage, de médiation humaine et technique.

Je l’ai dit, la semaine dernière, en inaugurant les nouveaux locaux de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs, qui est « l’autre » grande école de la rue d’Ulm : on ne sait pas assez, que le Ministère de la culture et de la communication est aussi le ministère de l’enseignement supérieur artistique et culturel. Et je tiens à ce qu’il assume à ce titre toutes ses responsabilités.

Je tiens à saluer à ce propos, à titre d’exemple, l’engagement de l'Ecole supérieure des Beaux-Arts de Marseille, qui réalise une refonte de son projet pédagogique pour accueillir des étudiants sourds et malentendants.

Je pense aussi naturellement à l’accès de tous aux lieux de culture et notamment aux monuments historiques : parce que notre patrimoine appartient à tous, il doit être ouvert à tous.

Je ne manque pas de saluer et de mettre en valeur les efforts qui sont faits par les responsables de ces lieux, en concertation avec les associations concernées et les élus, à chacun de mes nombreux déplacements à travers la France. Ainsi, en inaugurant la médiathèque José Cabanis à Toulouse, j’ai été sensible à l’effort d’équipement spécifique qui a été fait pour permettre aux malvoyants l’accès au fonds des œuvres littéraires et artistiques.

A Chambord, j’ai salué l’accessibilité du rez-de-chaussée avec l’ouverture d’une piste de visite, ainsi que la mise à disposition de véhicules électriques qui permettent enfin l’accès autonome au parc, grâce à l’action déterminée de l’établissement, du ministère et le soutien des associations et du mécénat.

Je tiens aussi beaucoup aux liens entre la culture et la communication par l’usage intelligent des nouvelles technologies. A Chambord, un film en images de synthèse de haute définition permet à toutes les personnes qui ne peuvent parcourir les terrasses ni les étages de connaître l’ensemble des volumes, des façades et des ornements qui ont été entièrement modélisés.

En inaugurant le musée des Beaux-Arts d’Angers agrandi et transformé, j’ai également salué, non seulement l’enrichissement des collections, grâce à un apport exceptionnel des collections nationales, mais aussi les efforts faits pour l’accès aux personnes handicapées et de celles qui les accompagnent.

Je cite ces exemples, qui sont tous situés en Régions, délibérément. Pour vous montrer l’importance que j’attache à ce que, bien sûr, les plus grands établissements, les plus prestigieux, comme la Cité des Sciences et de l’Industrie, dont nous entendrons dans un instant le Président, le musée du Quai Branly, le musée d’Orsay, le musée du Louvre, situés à Paris, soient non seulement accessibles mais exemplaires. Mais je tiens aussi à ce que ces efforts d’accessibilité soient répartis sur l’ensemble de notre territoire.

Et c’est sur l’ensemble de notre territoire que l'accès des visiteurs aux œuvres doit être développé, c’est une question de scénographie, d’adaptation de l’offre culturelle, de dispositifs techniques et de médiation humaine.

J’attache aussi beaucoup d’importance à l'accès à l'information, aux outils de la pensée, au discours critique, à la parole libératrice et créatrice, aux échanges culturels. C’est une question d'apprentissage et de bonne maîtrise de la langue et des langues.

L'amélioration de l'accès à la culture exige enfin un effort de formation de l’ensemble des professionnels de la culture et de la communication.

Notre séance permettra de décliner de nombreuses initiatives qui toutes ensemble, constituent un véritable plan d'action en faveur de l'accès des personnes handicapées aux pratiques artistiques et culturelles.

En premier lieu, c’est une mobilisation de l’administration centrale. La création d’un poste de correspondant handicap, au sein de la délégation au développement et aux affaires internationales, permettra la coordination entre les associations, le ministère de la culture et ses établissements et les ministères partenaires.

Je me félicite que l’accessibilité au nouveau bâtiment qui abritera, dès le début de l’an prochain les services du ministère, rue des Bons Enfants, soit exemplaire, tant pour le personnel handicapé, que pour l’accueil des visiteurs handicapés.

J’ajoute que le ministère a fait de l'accueil des personnes handicapées au sein des équipements culturels l’un des principaux indicateurs d’évaluation de son action à destination des publics.

Chacune des directions régionales a été dotée d’un correspondant Handicap avec pour mission d'assurer la mobilisation des différents secteurs de la culture, au sein de chaque DRAC. Un plan de formation de ces correspondants Handicap et des conseillers sectoriels des DRAC démarrera dès le mois prochain.


Jean-François Hébert nous présentera, au cours de cette séance, le bilan des six groupes qui ont travaillé depuis l’an dernier sur l’amélioration de l’accueil des personnes handicapées au sein des Etablissements publics. Je tiens à le remercier pour son investissement personnel et pour le rôle moteur de la Cité des Sciences et de l’Industrie.

Le ministère de la culture et de la communication est aussi, vous le savez, le ministère de l’architecture et en particulier des écoles d’architecture.

J’ai présenté au conseil des ministres mercredi dernier, avec mes collègues Gilles de Robien et Marc-Philippe Daubresse une communication sur l’amélioration de la qualité architecturale et du cadre de vie des Français. L’action que nous devons mener en faveur de l’accessibilité du cadre bâti, et en particulier, du patrimoine dépendant du Ministère de la culture et de la communication, où l’on estime qu’au total environ 600 établissements sont ouverts au public, est une action résolue, qui doit commencer par un inventaire précis de l’existant.

Le domaine de la formation des architectes est également essentiel. Une étape très importante a été franchie lors de cette rentrée universitaire, avec l’inscription de modules consacrés à l’accessibilité pour tous les étudiants dans tous les programmes. Des expériences pilotes ont été réalisées dans les écoles d’architecture de Rennes et de Montpellier.


De manière plus large, afin d'encourager l'ensemble des lieux culturels à mieux accueillir les personnes handicapées, le ministère de la culture et de la communication a engagé des actions de sensibilisation et de formation. Je signale notamment :

? l’édition de guides pratiques ;

? la mise en place de séminaires, et notamment d'un cycle de séminaires inter-régionaux au sein des DRAC. Je tiens à saluer l'action de la DRAC Alsace, dont le directeur est parmi nous, qui a mis en œuvre, le 7 octobre dernier, le premier séminaire interrégional Culture et Handicap, sur l'accès des personnes handicapées aux pratiques artistiques. Un séminaire national sur l’accueil des jeunes handicapés dans les établissements d’enseignement artistique spécialisés (conservatoires et écoles de musique, de danse et de théâtre) sera également organisé en 2005, par la direction de la musique, de la danse, du théâtre et du spectacle vivant.


Enfin, je ne sépare pas le contact avec la culture, du lien avec l’audiovisuel et les industries culturelles. C’est pourquoi je tiens à ce que l'accès au cinéma et à la télévision constitue un champ d'action privilégié. Monsieur Marc Tessier, président de France Télévisions vous présentera tout à l’heure le plan d'action de sa société pour l’accessibilité des programmes des chaînes publiques. Je tiens également à souligner les initiatives du Centre National du Cinéma pour l’accès au cinéma, que vous présentera Madame Catherine Colonna, et notamment la mise en place d'un groupe de concertation rassemblant producteurs, exploitants, diffuseurs et associations représentatives des personnes handicapées. C’est un sujet que j’ai abordé notamment au congrès de la Fédération nationale des exploitants à Bordeaux.

Afin d’irriguer d’avantage l’ensemble du territoire, nous souhaitons, avec Marie-Anne Montchamp, que soit mise en place une convention culture/handicap, pour le secteur médico-social, sur le modèle de la convention culture/santé qui concerne les hôpitaux.

Cette convention permettra le développement des pratiques artistiques au sein des institutions d'accueil des personnes handicapées, notamment grâce à des jumelages entre ces institutions et des équipements culturels. Cette action impliquera la collaboration des ministères de la culture et de la communication et du Secrétariat d’Etat aux personnes handicapées, en lien avec les associations de personnes handicapées gestionnaires d'établissements d'accueil.

Je propose qu’un groupe de travail, se réunisse dès janvier 2005, afin de parvenir à la conclusion d’une convention entre nos deux ministères dès le premier semestre de l’an prochain.

L’ensemble de cette politique ne pourra porter pleinement ses fruits que si elle est ponctuée de moments forts qui permettent au plus grand nombre d’acteurs de se rencontrer et d’échanger, avec le relais des médias. Les rencontres “ Art, Culture et Handicap ” tenues en octobre 2003 à Bourges ont été une vraie réussite. Forts de ce premier succès, nous devons nous mobiliser pour organiser de nouvelles Rencontres “ Art, Culture et Handicap ” l’an prochain.

Enfin, je me réjouis de signer aujourd’hui la charte nationale d'accessibilité, au cours de la conférence de presse qui suivra cette séance.

Par cette adhésion sans réserve, j'entends renforcer l'engagement de mon ministère pour :

1. l’accessibilité des nouveaux aménagements et la prise en compte de la notion de chaîne du déplacement ;
2. la concertation permanente avec les associations représentatives des personnes handicapées ;
3. le conditionnement des aides publiques au résultat d’accessibilité, notamment dans les contrats d'objectifs et de moyens ;
4. la qualité d’usage des équipements en fin de réalisation ;
5. l’accompagnement humain ;
6. la mise en place d’une information de qualité.

En conclusion, je voudrais insister sur le fait que la mobilisation de l’ensemble des acteurs réunis autour de cette table est une condition essentielle de la réussite de notre action. Il est particulièrement important que parallèlement à la mobilisation des services de mon ministère et des établissements publics, des référents « culture » puissent être désignés et reconnus au sein même des différentes associations nationales et de leurs délégations régionales. Ainsi, un partenariat plus étroit entre le ministère de la culture et les associations qui siègent autour de cette table pourra se nouer. Je pense notamment à l’accès aux pratiques artistiques et culturelles.

Chère Marie-Anne, avant de te laisser la parole, je voudrais évoquer le souvenir de ce samedi après-midi que nous avions passé ensemble en juin à Nogent-sur-Marne, après les longs jours et les longues nuits que tu avais consacrés à la discussion de ton texte à l’Assemblée. J’avais répondu à ton invitation à visiter l’exposition d’un artiste qui s’appelle Odon. Son œuvre très originale, et multiforme, est une œuvre de tissage et de métissage, constituée d’une série de tresses, à partir notamment de peintures sur papier.

Eh bien aujourd’hui, je t’invite, et je vous invite tous, en vous remerciant pour votre participation et vos propositions, à tresser, à tisser, ensemble, de nouveaux liens. Des liens de culture et de communication. Des liens essentiels à la cohésion et à l’avenir de notre société.

Je vous remercie.



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