Discours et communiqués de presse
Discours de Renaud Donnedieu de Vabres
Conférence de presse - 25e Fête de la musique

mardi 6 juin 2006

le site : fetedelamusique.culture.fr

 

© Didier plowy - MMC

Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,

Je suis très heureux et très fier de vous accueillir rue de Valois pour célébrer un événement dans l'événement : la Fête de la Musique souffle aujourd'hui ses 25 bougies. Un quart de siècle, déjà !

C’est au sein du ministère de la culture et de la communication, sur l’initiative de mon prédécesseur, Jack Lang, et sur la proposition du Directeur de la Musique de l’époque, Maurice Fleuret, convaincu que la musique, plus qu’un divertissement, est une nécessité vitale pour l’individu, que s’est allumée, en 1982, cette étincelle qui allait éclairer notre vie musicale d’un jour totalement nouveau, festif, joyeux et fédérateur, qui allait faire vibrer la France entière et bientôt l’Europe et le monde, au rythme d’un vaste élan collectif.

Dès sa première édition, la Fête s'est étendue à tout le territoire. Le concert improvisé d'un soir a aussitôt mobilisé les 5 millions de Français pratiquant un instrument, ces « amateurs », au sens si noble du terme, à qui la Fête, de façon emblématique, reste toujours dédiée. C'est là une tradition à laquelle je reste personnellement attaché et particulièrement attentif, puisqu’elle est si chère au cœur des Français.

Certains s'en souviennent peut-être : les concerts de la première Fête de la Musique, le 21 juin 1982, devaient durer une demi-heure !

Qui pouvait prédire que cette demi-heure allait durer 25 ans ?

Aussi ai-je souhaité cette année donner à cette édition historique de la Fête une forte portée symbolique, en l'investissant de deux grands messages, pour nous guider et nous inspirer dans le nouveau monde qui se dessine, et que nous inventons, ensemble.

En premier lieu, j'ai voulu inscrire la Fête de la Musique au sein de l'Année de la Francophonie.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, ici même : le projet francophone apporte une réponse à l'un des plus grands et des plus beaux défis du siècle, pour établir un dialogue constructif entre des identités diverses, dans le respect de chacune d'elles.

J’ai souhaité que la Fête de la Musique porte ce message haut et fort pour son 25e anniversaire. J’ai souhaité qu’elle fasse rayonner, par ses rythmes et ses couleurs, l'idéal d'échange et de diversité que porte le langage conjugué de la musique et des mots.

A mi-parcours du « Grand festival francophone en France » - placé lui-même sous le signe de la musique, avec, dans son intitulé, « Francofffonie », le triple fff d'un victorieux fortissimo - la Fête de la Musique en sera l'un des temps forts. Elle lui offrira l’écho du grand concert mondial qu'elle est devenue.

Le 21 juin 2006, jour du solstice d'été, verra ainsi se rejoindre, en une même célébration, la polyphonie des cultures et de leurs métissages, orchestrée par la langue française, et l'infinie richesse des musiques du monde, participant de la grande aventure francophone.

Quel plus beau message, aujourd'hui, que celui porté à travers le monde par la musique, pour construire le dialogue des identités et des cultures, si nécessaire, si fructueux ? Une multitude d'artistes l'exprimeront le 21 juin à travers toute la France, illustrant la richesse et la diversité de la palette musicale francophone.

Ainsi, à Paris, le Mali sera représenté par Salif Keita, l'Algérie par Souad Massi, le Cambodge par Prach Chhoun, la Hongrie par Mitsou, le Congo par Kékélé - tandis que Soft à Reims, Youssou n'Dour à Toulouse, Ba Cissoko à Nanterre, Tabarnouche à Barentin, parmi bien d'autres, défendront les brillantes couleurs des scènes musicales de Guadeloupe, d'Afrique, et du Québec.

J'ai tenu également à ce que la jeune création musicale francophone soit à l’honneur, dans l'éclat de sa diversité, lors d'un concert exceptionnel dans la Cour d'Honneur du Palais-Royal.

Je vous invite à y écouter Davy Sicard, l'une des plus belles voix de l'Océan indien ; mais aussi Darko Rundek et Cargo Orkestar, qui revisitent la musique slave entre jazz, musette et électro. J'ai souhaité également que participent à cette soirée Arthur H, conteur d’histoires douces amères qui emprunte sur son piano au jazz, au musette, au tango autant qu’au rythmes africains, orientaux et tzigane, ainsi que l'Orchestra Baobab du Sénégal, dont l'audace musicale n’a pas de limite !

Autant de talents, d'artistes et de couleurs musicales qui porteront au plus haut, j'en suis persuadé, leur message d'ouverture, de partage et de diversité dans le concert des cultures du monde, comme dans cette édition exceptionnelle de la Fête de la Musique.

Un message de solidarité, et d’espoir également, adressé à tous ceux qui ont souffert, et souffrent encore, des conséquences de l’ouragan Katrina, qui a ravagé l’une des plus belles villes au monde, la Nouvelle-Orléans, dont des jazz bands nous chanteront l’âme, le 21 juin, lors d’un concert exceptionnel à l’Hôtel Kinski, qui abrite aujourd’hui la Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles.

Le second message que j'ai souhaité assigner à cette édition anniversaire est précisément celui de la pérennité, de la longévité de la Fête.

Parce qu'une manifestation spontanée qui réunit plus de 18 000 concerts dans tout le pays et plus de 1000 événements à Paris et en Ile-de-France, qui attire 10 millions de spectateurs pour 800 000 musiciens, et entraîne 5 millions de personnes dans le plaisir de chanter ou de jouer d'un instrument, en progression constante d'année en année ; une manifestation de cette ampleur, coordonnée certes, mais non organisée, une manifestation qui s'est muée au fil du temps en une véritable fête républicaine, et dont les jeunes, entre quinze et vingt ans, sont pour la plupart intimement persuadés qu'elle a de tout temps existé, une telle manifestation nous parle. A nous de l'écouter, et de l'entendre.

Je vous le disais au début de cette brève allocution : je reste personnellement très attaché au lien fondateur de la Fête avec la pratique musicale des amateurs, mais aussi à son pouvoir intrinsèque de resserrer le lien social, les relations entre les générations, et de promouvoir le métissage culturel.

C'est que, dans sa richesse et sa multiplicité, la Fête nous révèle un grand appétit de musique, et, au-delà, une profonde attente de dialogue, d'échange et de culture. Elle se révèle un puissant ferment de vie citoyenne et de cohésion sociale.

Porteuse de nouveaux courants musicaux que parfois elle annonce, que toujours elle traduit, elle est animée, par essence, d’un souffle précurseur.

La Fête de la musique est aussi l’événement culturel conçu, par excellence, pour dépasser toutes les barrières érigées par les frontières, les langues, les écritures, les disciplines.

Vous savez combien je suis attaché au rôle de la culture dans la construction d'une identité européenne, de même qu'au respect de l'égale dignité des cultures dans le cadre d'une mondialisation maîtrisée. Devenue européenne avec la Fête Européenne de la Musique, puis pleinement internationale en s'étendant aujourd'hui à 120 pays et 250 villes sur les 5 continents, la Fête, là aussi, a su ouvrir la voie. Elle incarne brillamment cet idéal de diversité culturelle qui m’est si cher, cet idéal qui fait aujourd’hui l’objet d’une convention adoptée le 20 octobre 2005 par 191 Etats membres de l’UNESCO, actuellement en cours de ratification dans notre pays. Le 22 mars dernier, le ministre des Affaires étrangères a présenté un projet de loi autorisant l’adhésion à la convention en Conseil des Ministres. Il a été déposé le même jour à l’Assemblée nationale en vue d’un examen et d’un vote par les députés, avant d’être soumis au Sénat.

La diversité musicale passe par la diversité des œuvres et des répertoires et par la diversité des acteurs de la musique.

Dans cet esprit, le crédit d’impôt en faveur de la production phonographique, validé par les autorités de la concurrence de Bruxelles le 18 mai dernier, est une innovation majeure pour garantir l’avenir de la diversité musicale et de l’emploi dans l’industrie musicale.

Je rappelle que cette mesure fiscale s'appliquera à toutes les dépenses artistiques, de développement et de numérisation des nouveaux talents, dans la limite d'un plafond de 500 000 euros par entreprise et par exercice. Une centaine d’entreprises devraient pouvoir en bénéficier. Cette mesure, qui a été inscrite dans le cadre de la loi sur les droits d’auteur et les droits voisins dans la Société de l’Information, aura, dès lors que la loi sera promulguée, un effet rétroactif au 1er janvier 2006 et fera l'objet d'une évaluation dans 4 ans, au 31 décembre 2009.

La loi permet le développement des offres légales de musique en ligne, selon des modèles innovants et différenciés, pour satisfaire les attentes de chacun, en garantissant l’accès le plus large aux œuvres, dans le respect essentiel du droit d’auteur, droit fondamental, qui sait s’adapter aux innovations technologiques.

J’ajoute que le crédit d’impôt en faveur de la production phonographique est l’élément clef d’un ensemble de mesures importantes que j’ai présenté au début de l’année, lors du Midem à Cannes. Ainsi, le fonds d'avances remboursables, géré par l'Institut pour le Financement des Industries Culturelles (IFCIC) et doté de 1,8 millions d'euros, mis en place en avril dernier, contribue, par des prêts remboursables, au développement de projets structurels d'entreprises indépendantes de la filière musicale (producteur, éditeurs, distributeurs).


En ce 25ème anniversaire, je ne vois donc pas de meilleur message pour cette Fête, que celui de la confiance et de la foi en la force de la musique, ainsi que de la diversité dont elle est elle-même porteuse.

Et maintenant, Mesdames et Messieurs, je résiste évidemment avec peine au plaisir d'énumérer quelques-uns des temps forts de cette édition anniversaire. Le site Internet de la Fête et le dossier de presse qui vous sera remis vous en fourniront le détail.

Sachez simplement que cette année, la Fête de la Musique qui, chaque 21 juin, fait le tour de la planète au rythme des fuseaux horaires, entraîne dans sa ronde un nouveau pays, l'Australie, et que, en phase avec Sydney, le coup d'envoi de la Fête sera donné à Paris à minuit et une minute, dans la nuit du 20 au 21, aux premières heures du 21 juin donc, par un concert d'orgue à Saint-Eustache, tandis que, dans toute la France, dès les premières heures de la matinée, harmonies et chorales donneront l'aubade pour cette édition exceptionnelle. A Paris, le studio Campus proposera La Roue musicale, soit 24 heures de musique pendant lesquelles de nombreux artistes improviseront librement autour des musiques contemporaines, du free rock et du jazz. Et pour la première fois je crois cette année, c'est véritablement une programmation ininterrompue qui investira l'ensemble du territoire de minuit à minuit, donnant partout droit de cité à la musique.

Je voudrais citer aussi « Le Parcours de la Seine Harmonique », qui proposera aux Parisiens et aux Franciliens une promenade le long du fleuve et des canaux : de Boulogne-Billancourt au quai François Mauriac, du Parc de la Villette au bassin de l'Arsenal à Bastille, on pourra assister à 25 concerts aux univers musicaux multiples, à l'image de la Fête. Musique classique, musiques du monde, jazz, chanson, musique électronique : enfants et adultes, amateurs et professionnels, tous s'y retrouveront pour célébrer, dans un même enthousiasme, 25 ans de Fête de la musique.

Je veux aussi rappeler que, grâce à la détermination et à la passion de Louis Bricard, inlassable promoteur de toutes les musiques, nous accueillons avec fierté aux Invalides la renaissance du World Philharmonic Orchestra, formation éphémère composée de 112 chefs de pupitres issus des orchestres de 80 pays différents.

En régions, Xavier Ribes, chef de chœur de l'Opéra de Nantes, dirigera 20 chorales qui interprèteront Nabucco de Verdi. A Septèmes-les-Vallons dans les Bouches-du-Rhône, la musique électronique de Barbès D. de Marseille et les chants sacrés du désert des artistes algériens de Béni Abbès s'uniront pour un concert exceptionnel. A l'Opéra de Lille, on assistera à une création de Georges Aperghis, interprétée par des musiciens de l'ensemble Ictus, des étudiants du Centre de Formation des Musiciens Intervenants de Lille et des musiciens de Naplouse et de Nazareth. A l'occasion de ce concert, une collecte d'instruments sera organisée par Music Fund, afin d'offrir un soutien matériel aux musiciens des pays en voie de développement et des zones de conflits. Au centre pénitentiaire de Saint Martin de Ré, La Rue Kétanou participera à un concert rencontre avec les détenus, tandis que Rachid Taha se produira à la Maison d'arrêt de Fresnes.

Autant d'exemples qui illustrent l'esprit de la Fête et les valeurs, les envies qu’elle incarne, des valeurs de solidarité et de partage, des envies d’émotions collectives, de mieux vivre ensemble.

Je tiens enfin à remercier tous les partenaires et participants, sans qui la Fête ne pourrait avoir lieu. La Sacem, tout d’abord, fidèle partenaire de la Fête depuis l'origine ; le ministère des affaires étrangères, ensuite, qui offre chaque année un magnifique concert dans les jardins du ministère de la coopération, rue Monsieur, et qui a largement contribué au développement de cet événement à travers le monde grâce au réseau culturel français à l'étranger, que je tiens ici à féliciter pour le travail accompli ; Radio France et France Télévisions, également, qui relaient avec enthousiasme l'événement sur tout le territoire ; A Nous Paris, enfin, qui informe les Franciliens sur tous les programmes en Ile-de-France.

Je tiens à remercier également tous les établissements publics qui participent à la Fête et en particulier le Centre des monuments nationaux, qui, avec la Fnac, offre chaque année des concerts de qualité dans des lieux exceptionnels ; merci aussi au Forum des Instituts culturels étrangers à Paris, de plus en plus impliqués dans la fête, à Ricard Live Music et au Fonds d'Aide aux Initiatives Rock pour leur implication sans faille, ainsi qu’au Syndicat des Transports d’Ile-de-France, qui met tout en œuvre, à l'occasion de cet événement, pour faciliter les déplacements des millions de Parisiens et Franciliens.

Je félicite tout particulièrement toutes les équipes de l’Association pour le Développement de la Création, Etudes et Projets, Hervé Bordier, Sylvie Canal et tous ceux qui les entourent. Ils assurent chaque année la coordination de ce gigantesque événement qui, pour être spontané, n'en réclame pas moins une attention minutieuse et un travail de longue haleine.

Les remerciements sont évidemment nombreux, mais ils ne sont que le reflet de l’engouement provoqué par cette grande Fête ! Mes derniers et vifs remerciements iront donc à chacune et à chacun des millions d'amoureux de la musique qui, cette année encore, le 21 juin, participeront ou assisteront à ce grand rassemblement : ce sont eux qui, par leur pratique, leur engagement et leur enthousiasme, contribuent à nous donner foi et confiance en cette magnifique mission qui nous est confiée, de conduire les politiques publiques en faveur de la musique.

Et à tous - puisque nous sommes tous un peu des enfants de la Fête, nés avec elle à une autre écoute de la musique - je souhaite pour ce 21 juin un heureux anniversaire et une confiance toujours renouvelée dans l'infini pouvoir de la musique.

Je vous remercie.


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