Discours et communiqués de presse
Remise des insignes de Commandeur dans l'Ordre National du Mérite à Jacques Charpentier

19 septembre 2006

Jacques CharpentierCher Jacques Charpentier,

Je suis très heureux de vous accueillir ce soir dans ce ministère pour lequel vous avez tant œuvré. Compositeur éminent, auteur d' une musique originale et inspirée, vous êtes en effet également un grand serviteur de l'Etat et des pouvoirs publics, puisque vous avez été associé, dès l'origine, à la politique en faveur de la musique menée par André Malraux, en 1966, et mise en place progressivement au cours des quinze années suivantes.

Votre enfance est bercée de musique. Vos parents possédaient une collection remarquable de 78 tours, et, le jour de vos cinq ans, ils vous offrent le plus beau des cadeaux : ils vous inscrivent au cours de piano de Maria Boutillier-Cérati, auprès de qui vous apprenez également le chant, la théorie, l'histoire de la musique et l'analyse des œuvres.

Vous avez à peine dix ans, quand vous ressentez pour la première fois le besoin de composer. Votre père est alors prisonnier de guerre, et en découvrant vos œuvres à son retour, il demande l'avis d'Henri Busser. Le verdict est sans appel : " Si vous ne faites pas continuer la musique à votre garçon, lui répond-il, vous êtes un criminel ". Jeanine Rueff, qui venait d'obtenir le prix de Rome, vous enseigne alors l'écriture musicale.

Vous vous envolez alors pour Calcutta, où vous jetez les bases d'une Introduction à l'étude de la musique de l'Inde, musique qui vous fascine et qui restera toujours pour vous une source inépuisable d'inspiration.

De retour à Paris, vous étudiez, au Conservatoire de Paris, la composition auprès de Tony Aubin - vous remportez le premier prix en 1958 - et, surtout, l'analyse musicale avec Olivier Messiaen qui a formé nos plus grands compositeurs. Ce dernier vous enseigne l'art de se nourrir des influences hindoues, sans tomber dans le travers " carte postale ", folklorique, que vous redoutez par-dessus tout.

Vous entamez alors vos 72 Etudes karnatiques, sur les 72 échelles possibles de 72 modes musicaux, une somme musicale qui ne sera achevée qu'en 1984.

Vous êtes nommé organiste titulaire à l'église Saint-Benoît d'Issy-les-Moulineaux, et vous entrez aux Jeunesses musicales de France où vous participez, en tant que compositeur, pianiste, chef d'orchestre, ou même conférencier, à plus de deux cents manifestations.

Vous êtes alors nommé Membre du jury du Conservatoire national supérieur, et vous représentez la France dans plusieurs congrès de l'UNESCO. En 1966, alors que vous venez de recevoir, à New York, le prestigieux Prix de composition de la Fondation Koussevitzky, André Malraux crée la Direction de la Musique et vous nomme Inspecteur Principal de la Musique, aux côtés du compositeur Marcel Landowski.

C'est le début d'une grande aventure et d'un véritable renouveau de la vie et de la pratique musicales en France, auquel vous avez largement contribué. En 1979, vous êtes nommé Directeur de la Musique, de l'Art lyrique et de la Danse au ministère de la Culture.

En deux ans seulement, en dépit des contraintes économiques, vous multipliez par deux le budget de la musique, vous faites rayonner l'Opéra de Paris, tout en implantant l'Orchestre de Paris à la Salle Pleyel, dont j'ai célébré, avec beaucoup de bonheur, la réouverture, mercredi dernier. Vous développez une action en faveur des musiques de tradition orale, de la restauration et de la construction des orgues, vous fédérez les aides consenties par les départements pour le développement de la pratique musicale, aides dont nous mesurons aujourd'hui l'ardente nécessité, et vous apportez un soutien décisif au chant choral et aux musiques populaires.

En plus de ces nobles missions, vous êtes l'un des compositeurs les plus féconds de votre génération. En 1971, au Festival d'Aix-en-Provence, vous avez dirigé la création de votre opéra, Beatris de Planissolas, qui remporte un très grand succès. Et que dire de votre 4ème symphonie, sinon qu'elle fut jouée et immédiatement rejouée en " bis " par l'Orchestre Philharmonique de Léningrad sous la direction du célèbre chef d'orchestre, Evgeni Mravinski.

Ardent défenseur, durant votre très belle carrière, du dialogue des cultures vous avez pris tout récemment la présidence du Comité National de la Musique, au sein de l'Unesco. Le 15 octobre prochain, pour le millénaire de l'arrivée de Saint Fulbert comme évêque de Chartres, vous allez créer une Messe dans la plus célèbre de nos cathédrales. Cet écrin exceptionnel sera, je n'en doute pas, à la hauteur de votre immense talent.

Au nom du Président de la République, et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons commandeur de l'Ordre National du Mérite.

photo : Farida Bréchemier/MCC

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