Discours et communiqués de presse
Discours de Renaud Donnedieu de Vabres
Présentation du Portrait du duc d’Orléans de Jean-Auguste-Dominique Ingres,
acquis pour le musée du Louvre grâce au mécénat d’AXA


Musée du Louvre - mardi 31 janvier 2006

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Présentation du Portrait du duc d’Orléans de Jean-Auguste-Dominique Ingres - photos © Didier Plowy/MCC

Monsieur le Président du directoire d'AXA, cher Henri de Castries,
Madame la Directrice des musées de France, chère Francine Mariani-Ducray,
Monsieur le Président-directeur du musée du Louvre, cher Henri Loyrette,
Mesdames, Messieurs, Chers amis,

C’est un temps particulièrement fort dans l’histoire des collections nationales qui nous réunit ce soir, et un moment de grande émotion. Longtemps conservé dans les collections de la Maison d’Orléans, le très célèbre « Portrait du duc d’Orléans » par Ingres, compte en effet parmi les œuvres de longue date les plus convoitées par le département des peintures du musée du Louvre. Ce rêve est aujourd’hui devenu réalité grâce au mécénat du groupe AXA, qui contribue ainsi pour la troisième fois à l’enrichissement de ce musée.

Je suis particulièrement heureux et fier de voir aujourd’hui ce chef d’œuvre réintégrer nos collections nationales. Le modèle était, comme vous le savez, un homme remarquable : destiné à devenir l’héritier du trône à la mort de Louis-Philippe, éminemment populaire, le duc d’Orléans avait une réelle influence politique et était un homme moderne, aux idéaux démocratiques. Il fut l’un des premiers à imposer la cocarde et le drapeau tricolores, symboles républicains par excellence. Les Français admirèrent son courage, notamment lors de l’épidémie de choléra à Paris qui l’avait vu parmi les premiers se rendre au chevet des malades à l’Hôtel-Dieu ; de grandes espérances, portées par les républicains autant que par les monarchistes modérés, se cristallisèrent à cette période sur sa personnalité.

C’est dans le costume du corps des chasseurs d’Orléans, qu’il avait créé en 1836, que le duc allait poser pour Ingres. Mais il était aussi un amateur éclairé de littérature, de musique et de beaux-arts, grand érudit et grand collectionneur, à l’instar du duc d’Aumale, son frère.

Je ne résiste pas au plaisir de vous lire ici deux extraits de la correspondance d’Ingres, qui font suite au souhait exprimé par le duc d’Orléans, de faire réaliser son portrait par le maître de Montauban. En août 1840, encore directeur de la Villa Médicis à Rome, Ingres commente ainsi la commande du duc dans une lettre à son ami le graveur Gatteaux : « Entre nous […] malgré tout l’honneur que je ressens de la volonté du prince de n’être peint que par moi, il faudra donc encore faire un portrait ! Vous savez quel éloignement j’ai à présent pour ce genre de peinture ; mais enfin je ferai tout pour son aimable personne ». A son ami le plus proche, le Montalbanais Jean-François Gilibert, il dira aussi : « […] parce que j’ai peint des portraits de Bertin et Molé tout le monde en veut, en voilà six que je refuse ou que j’élude, car je ne puis les souffrir. Cependant je n’ai pu refuser de peindre le duc d’Orléans, ce prince, pour moi si aimable mécène et auquel je ne pourrai jamais rien refuser. ». Ces aveux qui traduisent une certaine lassitude pour un genre où Ingres excellait, ne laissent guère pressentir le moment de grâce que traduit le portrait que nous avons la chance immense d’admirer aujourd’hui !

Ingres a en effet investi dans le Portrait du duc d’Orléans tout son savoir, toute son expérience et tout son génie. L’audace de la composition est réelle, le travail des couleurs exceptionnel.

Admirée dès sa découverte par les critiques et amateurs invités à la découvrir, l’œuvre allait devenir quelques semaines plus tard comme une icône, en raison de la mort dramatique du duc, victime le 13 juillet 1842 d’un accident de voiture sur la route de Neuilly.

Dans les mois qui suivirent, la famille royale, le gouvernement, certaines villes françaises et des associations diverses demandaient au peintre d’exécuter des répliques de son portrait du duc d’Orléans ; Ingres et son atelier allaient ainsi en livrer, dans les années qui suivirent, de nombreuses copies, de format, d’univers pictural et de taille extrêmement variables, témoignage de l’affection des Français pour ce prince mort trop jeune, mais aussi preuve de la notoriété croissante d’Ingres à cette époque.
Quant à l’œuvre originale, dans laquelle le peintre avait mis tout son génie de portraitiste, elle fut conservée aux Tuileries par la veuve du duc ; séquestré par l’Etat durant la Révolution de 1848 et la Deuxième République, le tableau sera rendu à la duchesse d’Orléans le 15 décembre de cette même année. Echappant à la nationalisation de la collection princière qui suivra, ce portrait demeurera dans la Maison d’Orléans jusqu’à cette année 1986 où le précédent comte de Paris s’en dessaisit.

Vingt ans plus tard, grâce à la générosité de la société AXA, la voici au Louvre, où elle a toute sa place parmi les grands chefs-d’œuvre du musée. Le public pourra enfin admirer ce qui est non seulement, après les effigies de Bonaparte, Premier Consul (Liège), de Napoléon sur son trône (Paris, Musée des Invalides) et de Charles X en costume de sacre (Bayonne, Musée Bonnat), l’un des quatre grands portraits « royaux » d’Ingres, un genre que le peintre avait définitivement renouvelé, mais aussi l’un des chefs-d’œuvre absolus de la peinture française.

Après l’exceptionnelle statue Dogon, qui en 2004 est allée rejoindre les collections du musée du quai Branly, qui ouvrira ses portes au mois de juin prochain, et la Vestale de Houdon que j’avais eu la joie de présenter ici même en mars dernier avec Henri de Castries, c’est la troisième œuvre majeure, acquise grâce au mécénat d’AXA, dans le cadre du dispositif instauré par la loi du 1er août 2003, au bénéfice des collections nationales. Ces nouvelles dispositions, qui complètent celles de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, créent en effet des conditions très favorables à l'entrée dans les collections publiques d'œuvres reconnues d'intérêt patrimonial par la commission consultative des trésors nationaux. Je rappelle qu’AXA avait également financé l’acquisition pour le Louvre en 2003 de deux dessins à la sanguine de Rosso Fiorentino, classés l’un et l’autre « trésor national ».

Je tiens donc à exprimer ici toute ma reconnaissance au Groupe AXA et à son président du directoire pour ce nouvel acte de mécénat tout à fait exceptionnel. Cher Henri de Castries, je rends hommage à votre action particulièrement exemplaire en faveur du patrimoine national. Je connais toute la valeur de votre engagement et de votre enthousiasme au sein du Bureau de l’association des American Friends of The Louvre. Je ne peux qu'encourager les dirigeants d'entreprises ici présents à suivre un tel exemple.

Je tiens à saluer également l’ouverture et le dynamisme du musée du Louvre, qui a compris que le mécénat n’est pas une simple manne financière, mais un formidable outil de développement, au service de l’enrichissement de ses collections, de la conquête de nouveaux publics, de son rayonnement à l’étranger, de la modernisation de ses outils de diffusion - je pense au site Internet Louvre.fr réalisé également grâce au mécénat. Le Louvre fait figure de véritable pionnier en la matière et le succès de ses opérations me conforte dans l’idée que le mécénat est une grande chance que les établissements culturels doivent savoir saisir et valoriser au service de leur développement.

Le statut juridique et fiscal du mécénat en France a, vous le savez, beaucoup progressé. J’ai demandé à la "mission mécénat" du ministère de la culture et de la communication de mieux faire connaître les outils dont nous disposons. Un réseau de correspondants a été constitué dans tous les services et établissements du Ministère, un remarquable travail d’information a été mené auprès des institutions relais, comme les Chambres de commerce et d’Industrie, le Conseil supérieur du Notariat et le Conseil supérieur de l’ordre des experts comptables, et bien sûr le MEDEF. Ce travail doit être poursuivi notamment en direction des petites et moyennes entreprises dont certaines ont déjà réalisé de semblables opérations (je pense aux panneaux d’Oudry entrés fin 2002 dans les collections du Louvre grâce à PGA, premier distributeur en France d’automobiles, et au carnet de Delacroix acquis un an plus tard grâce à Lusis, une petite société parisienne d’informatique). Ainsi le mécénat, qu’il s’agisse de celui des particuliers ou des entreprises, continue d’évoluer.


Bien loin d’un désengagement de l’État, ce nouveau dispositif marque un appel politique fort au partenariat et à la complémentarité des énergies publiques et privées.

La culture est, pour notre pays, à la fois une richesse spirituelle essentielle, un enjeu économique de taille et un atout déterminant du rayonnement international de la France. Parce que la culture est l’affaire de tous, je souhaite que des actions exemplaires, telles que celle qui nous réunit ce soir, contribuent à stimuler l'engagement croissant de nos compatriotes pour leur art, leur patrimoine, enrichi au fil des siècles de tout ce qui forme notre histoire et notre identité.

Grâce au groupe AXA, les quelque 7,5 millions de visiteurs annuels du Louvre vont pouvoir admirer ce fleuron du patrimoine national. C’est un grand moment pour le musée, pour son mécène et pour nous tous.

Je vous remercie.


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