Discours et communiqués de presse

Conférence de presse sur la politique des archives


jeudi 16 février 2006

> le dossier de presse
photo : Didier Plowy/MCC

Mesdames, Messieurs,

Les missions du ministère de la Culture et de la Communication composent aujourd'hui une vaste palette. Mais il en est une, cardinale à mes yeux, qui contribue à donner sens à toutes les autres : les Archives.

Les Archives sont en effet la mémoire de la nation. Traces dans lesquelles se lit l'Histoire de notre pays, et des générations successives de ses habitants. Rapportant les faits, les dates, les noms, elles sont des outils indispensables pour l'Histoire. Elles portent les signes et les témoignages qui rendent possibles le travail de l'historien et l'approche raisonnée de notre passé partagé.

Ce faisant, elles offrent les clefs de compréhension de notre destin commun, qui sont aussi des facteurs de la cohésion et de la solidarité nationales.

Cette dimension est essentielle à mes yeux.

Ainsi j'ai souhaité, en 2004, lors des premières Journées du patrimoine que j'ai organisées, montrer à tous les visiteurs de mon ministère un document essentiel pour la vie de notre nation, un texte de tolérance, d'apaisement et de respect réciproque : l'Édit de Nantes. Le succès rencontré par cette " exposition " montre que les Archives sont, pour chacun de nos concitoyens, une part essentielle de leur patrimoine, leur bien commun, leur propriété. Cela n'est guère étonnant lorsqu'on considère l'exceptionnelle richesse des Archives en France.

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Les Archives : mémoire de la nation

La mémoire des Archives en France est d'abord une mémoire particulièrement longue, fruit à la fois du hasard et de la vigilance des hommes. Elle s'étend, pour les Archives nationales, du VIIe siècle à nos jours, au-delà de nos fréquents et multiples changements de régimes. Même la Révolution n'a pas fait table rase du passé.

Cette mémoire longue correspond parfaitement aux attributs que Jacques Le Goff confère au Moyen Âge " total, long, profond " : " c'est la distance de la mémoire constituante - le temps des grands-parents " ; " ce passé primordial où notre identité collective, quête angoissée des sociétés actuelles, a acquis certaines caractéristiques essentielles ". Mais, comme le relève Paul Ricœur, la longue durée n'abolit pas les événements. Et les Archives gardent aussi la trace de tous les moments importants de notre histoire : les conflits, les traités, les actes fondateurs, comme le serment du Jeu de Paume, la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, toutes les Constitutions. Elles conservent aussi des traces des moments privés de la vie d'un certain nombre d'hommes illustres à travers en particulier deux types d'actes essentiels, les contrats de mariage et les testaments. Le minutier central des notaires à Paris est par exemple le dépositaire de nombreux contrats de mariage, auxquels le roi, quel qu'il fût, était témoin, du contrat de mariage de Molière avec Armande Béjart ou encore de celui du général Bonaparte avec Joséphine de Beauharnais. Quant aux testaments, je me bornerai à citer celui de Suger, abbé de Saint-Denis, celui de Blaise Pascal (1662), celui de Louis XIV, pièce autographe signée à paris en 1715 ou celui de Napoléon, demandant le 6 avril 1821 que ses cendres soient rapportées à Paris.

Au-delà de la mémoire des Grands, se retrouve aussi celle des " gens de peu ", pour reprendre le titre d'un livre de Pierre Sansot. Se reflètent des parcours individuels, des existences modestes, des vies humaines, à travers ces mêmes actes notariés, à travers les documents de l'état civil, les décrets de naturalisation, à travers les archives des groupements, associations ou entreprises. Je souhaite que se créé et s'entretienne le recours aux archives, particulièrement parmi les plus jeunes d'entre nous, et qu'il devienne en quelque sorte un réflexe. Les archives ne doivent pas être un ensemble inaccessible, mais le reflet des existences de tous ceux qui, témoins ou acteurs, ont contribué, contribuent, et contribueront à la construction de notre communauté nationale.

C'est parce que les Archives sont constitutives de la mémoire collective nationale que leur est rattachée la délégation aux célébrations nationales.

Les Archives sont aussi, on l'oublie trop souvent, une mémoire en cours de constitution. Tous les jours, des archives sont recueillies. La collecte est en effet une fonction quotidienne des archivistes et tout particulièrement, pour les Archives nationales, des missionnaires en place dans les différents ministères. En liaison avec le Centre des archives contemporaines de Fontainebleau, ils donnent à la collecte des archives des services publics centraux de l'État, une vivacité, une vigueur que l'on retrouve rarement ailleurs. Un chiffre est éloquent : 4 km linéaires de documents produits par les organes centraux de l'Etat entrent chaque année à Fontainebleau, en moyenne. Les flux sont donc constants. Ils sont si importants qu'il faut trier et sélectionner, ce que contestent certains, mais qui est indispensable. On risquerait sinon d'être submergé par les archives et finalement de perdre toute capacité de les conserver et de les exploiter.

Cette mémoire en cours d'élaboration a vu et continue de voir ses supports changer : des papyrus, parchemins et autres tablettes de cire jusqu'aux papiers de diverses qualités, sans parler des photos, des films, des enregistrements sonores ou audiovisuels et aujourd'hui des archives électroniques.

L'émergence croissante de celles-ci ne signe pas pour autant l'avènement d'une mémoire totalement virtuelle. La mémoire, en archives, reste aujourd'hui volumineuse. Elle est même au fil du temps devenue de masse : le volume des archives publiques en France a ainsi quasiment doublé depuis trente ans.

L'action et la vie du réseau des archives unit en une chaîne unique les archives nationales, départementales et municipales, au carrefour des services producteurs d'archives qui l'alimentent et des utilisateurs qui le fréquentent. L'institution Archives a donc dû, depuis toujours, s'adapter aux besoins des premiers et aux aspirations des seconds. Les uns et les autres ont connu, ces dernières années, une forte évolution. Une indispensable modernisation en découle. C'est une obligation absolue de l'État.

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La modernisation des Archives : une mission essentielle de l'Etat…
Que l'Etat entend assumer pleinement.

Les témoignages de cet engagement sont nombreux et 2006 est une année décisive en cette matière.

La construction d'un nouveau centre pour les Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), a été annoncée par le Président de la République le 9 mars 2004.

Depuis tout est fait pour mettre en œuvre cette décision et je tiens à saluer ici tout ceux qui ont déjà contribué à ce dessein, stratégique pour les archives, et primordial pour mon département ministériel en son entier.

L'objectif de ce projet est, vous le savez, de remédier à la saturation des locaux actuels et à l'inadaptation fonctionnelle de certains d'entre eux. Le choix du site de Pierrefitte-sur-Seine marque la volonté de l'Etat d'intégrer cet équipement majeur de la vie publique au sein de la cité, dans un territoire en devenir, aux portes de Paris.

Cet établissement est destiné à collecter, conserver et communiquer les archives des administrations centrales de l'Etat depuis 1790 et pour les trente ans à venir. D'une capacité de 320 km linéaires, il offrira 310 places de consultation aux chercheurs. Son ouverture est prévue pour 2010.

J'ai annoncé le 10 mai 2005 le nom de l'architecte retenu pour la construction du nouveau centre : Massimiliano Fuksas, grand prix national d'architecture 1999. La direction des Archives de France a confié par convention de mandat à l'EMOC (l'Etablissement Public de Maîtrise d'Ouvrage des Travaux Culturels) la construction du nouvel équipement. Une équipe de projet a par ailleurs été constituée auprès de la directrice des Archives de France afin d'assurer la liaison avec l'EMOC et d'organiser les grands chantiers connexes : la conception du système d'information, la préparation des fonds avant leur déménagement.

Ce projet avance. Nous tenons les délais.

Au-delà de la construction d'un bâtiment, aussi nécessaire soit-il, ce projet est porteur d'une triple dynamique :

- Une dynamique de modernisation de l'organisation administrative des Archives nationales. Je vais y venir tout de suite.

- Une dynamique technologique qui s'applique aux trois catégories de chantiers actuellement engagés : celui du bâtiment, celui du système d'information et celui de la préparation des collections, le tout dans le contexte des évolutions radicales qui touchent la production de l'information, avec les enjeux liés au développement de l'archivage électronique.

- Une dynamique culturelle car le nouveau centre est le laboratoire de ce que tous les dépôts d'archives sont en puissance, un vecteur de l'éducation culturelle et civique.

La mise en valeur des archives apparaît comme un enjeu fondamental pour l'identité et la mémoire de la nation, pour sa cohésion aussi. Dans le contexte social actuel, cette dimension est plus forte et sans doute plus nécessaire que jamais, dans la mesure où elle offre à tout citoyen la possibilité de connaître l'Histoire et de connaître son histoire.

Les choix à faire quant à leur organisation administrative ne sont donc pas purement techniques, mais doivent s'inscrire dans une problématique générale prenant en compte l'ensemble de ces facteurs.

C'est la raison pour laquelle j'ai estimé nécessaire, afin d'éclairer ces choix, de confier à M. Bernard Stirn, conseiller d'Etat, la présidence d'une mission d'étude sur l'organisation administrative des Archives nationales et sur les possibilités s'offrant à l'action de l'Etat en ce domaine. Trois personnalités qualifiées lui ont prêté leur concours : Pierre Miquel, historien, Patrice Gueniffey, directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales et Patrick de Carolis, qui n'était pas encore président de France Télévisions. Le rapporteur était Olivier Henrard, maître des requêtes au Conseil d'Etat.

Je tiens à saluer ce travail et ceux qui l'on mené. Et à ce point j'ai une pensée toute particulière pour Pierre Miquel qui ne peut pas être présent parmi nous aujourd'hui et je sais qu'il le regrette.

La mission a travaillé dans des délais contenus. Au cœur de votre démarche Cher Bernard Stirn, on trouve à la fois le souci de l'équilibre et de l'efficacité. De l'impact présent et à venir de la LOLF sur l'organisation des archives et critère de leur ancrage territorial, jusqu'au souci primordial du service au public vous avez embrassé la question dans son entier.

Après avoir rencontré diverses personnalités qualifiées, notamment du monde des archives et de la culture, ainsi que les représentants des organisations syndicales du ministère, la mission m'a rendu son rapport le 14 décembre dernier.

Ses recommandations s'articulent autour de trois orientations principales :

- Le renforcement de la direction des Archives de France, en particulier sous l'angle de sa compétence interministérielle, à travers le rattachement direct des missions installées dans les différentes administrations centrales, et aussi le rattachement du Centre national du microfilm d'Eyspéran qui exerce ses missions au bénéfice de l'ensemble du réseau des Archives en France.

- Le choix, en termes d'organisation administrative et juridique, de la formule du service extérieur à compétence nationale.

- La déclinaison de cette formule en termes de pôles géographiques et thématiques à la fois : un pôle francilien regroupant les centres " généralistes ", le site à venir du nouveau centre à Pierrefitte-sur-Seine, et les sites existants de Paris et de Fontainebleau ; un pôle méridional avec le Centre des archives d'outre-mer d'Aix-en-Provence ; et un pôle septentrional avec le Centre des archives du monde du travail de Roubaix.

Ces orientations générales recueillent mon approbation et je fais miennes vos recommandations. Le choix du service extérieur à compétence nationale répond pleinement à l'ambition qui est la notre aujourd'hui. Souplesse, modernité, proximité, la formule a déjà fait ses preuves au sein du ministère de la Culture et de la Communication. Cette forme administrative et juridique est aussi la plus apte à garantir le lien indissoluble entre l'Etat et sa mémoire.

Mais plus qu'à la lettre de vos propositions, j'adhère à leur esprit et à la priorité que vous donnez tout au long de votre rapport à l'efficacité de l'organisation et à la qualité du service dû aux usagers des archives.

J'ai donc décidé de demander à Martine de Boisdeffre, directrice des Archives de France, en liaison avec les chefs de centre concernés, et dans le cadre d'une concertation approfondie, de me faire des propositions précisant les modalités juridiques, administratives et fonctionnelles de mise en œuvre de ces orientations. Je souhaite que soit préservé ce qui fait la force de notre organisation actuelle, notamment en matière de collecte.

En outre, je tiens à l'affirmation du rôle interministériel de la direction des Archives de France ; la réunion régulière du Comité interministériel des Archives de France, créé par le décret du 23 janvier 2002, devra renforcer encore un peu plus cette vocation.

Enfin un calendrier d'action devra m'être soumis.

Je souhaite en effet que l'ensemble de ce dispositif soit arrêté dans les tout prochains mois, et en tout état de cause durant l'année 2006. Il doit permettre aux Archives nationales de remplir au mieux leur triple mission de collecte, de conservation et de valorisation des archives, dans un contexte général de réforme de l'Etat.

Je pense notamment au développement de l'administration électronique, mais qui est un des axes de sa modernisation. Car l'Etat ne peut pas, ne doit pas être amnésique.

L'archivage électronique est donc un enjeu majeur pour les prochaines années.

La direction des Archives de France a développé un partenariat actif avec l'ADAE, l'Agence de développement de l'administration électronique, intégrée désormais au sein de la nouvelle Direction générale de la modernisation de l'Etat, ainsi qu'avec d'autres organismes publics.

En 2006, sera développé le pilote de la plate-forme d'archivage électronique. Opérationnel en 2007, ce système préfigure le système de grande ampleur dont le centre de Pierrefitte-sur-Seine sera doté pour son ouverture.

La modernisation des Archives passe aussi par l'ouverture de celles-ci au plus grand nombre. Cette préoccupation était déjà celle des Conventionnels qui, par la loi de Messidor de l'an II, posaient le principe de la libre communication des Archives. Il faut toutefois reconnaître que la pratique fut beaucoup plus restrictive et la loi du 3 janvier 1979, sous le régime de laquelle nous sommes toujours, a été, au moment de son adoption, un texte novateur qui a inspiré les législations de nombreux pays. Un quart de siècle plus tard, ce dispositif a vieilli et il est apparu nécessaire de l'actualiser sur plusieurs points.

L'avant-projet de loi sur les archives est actuellement soumis à l'examen du Conseil d'Etat et je le déposerai devant le Parlement prochainement.

Favoriser l'accès des documents au plus grand nombre, c'est aussi utiliser les ressources offertes par les technologies de l'information et de la communication. Le patrimoine archivistique est de plus en plus, et chaque jour d'avantage, un patrimoine numérisé, accessible en ligne. Les Archives représentent ainsi plus de 45% des opérations de numérisation entreprises dans le domaine culturel, avec un effort marqué en faveur des fonds les plus consultés par le public, au premier plan desquels les généalogistes et les simples citoyens dans leurs démarches administratives, comme par exemple des registres paroissiaux, des registres d'état civil, les décrets de naturalisation, d'anciens plans cadastraux. Parallèlement, des campagnes de numérisation de documents particulièrement fragiles ou prestigieux ont été menées.

Associés à des outils de recherche et de consultation, ces fonds numérisés constituent désormais pour des personnes en quête d'identité et de mémoire des outils particulièrement précieux, sans précédent. Je citerai simplement l'exemple de l'état civil dit " européen " de l'Algérie, opération réalisée en partenariat entre le Centre des archives d'outre-mer et le Service central de l'état civil relevant du ministère des affaires étrangères, grâce à laquelle plus d'un million d'actes sont accessibles.

Ces réalisations transforment les usages que les publics font des Archives. A côté des salles de lecture classiques, des salles de lecture virtuelles, ouvertes jour et nuit, susceptibles de recevoir simultanément des centaines de visiteurs, se créent. Ainsi, dans le département de la Mayenne, un des pionniers en la matière, le site des archives départementales reçoit environ 30 000 visites mensuelles au cours desquelles plus d'un million d'images sont téléchargées.

Enfin l'ouverture au plus grand nombre c'est, bien sûr, l'accueil du public au quotidien dans les centres des archives. A ce titre je tiens à saluer devant vous ce jour les efforts qui ont permis la réouverture au début de l'année 2006 du centre de consultation des archives nationales, le CARAN. Pendant une trop longue période cet outil essentiel a dû être fermé. Je sais les effets destructeurs de cette fermeture pour la recherche française mais aussi étrangère.

Je souhaite que cet équipement trouve très vite sa vitesse de croisière. Une montée en charge progressive est entamée. Il convient d'offrir au public ce qu'il est en droit d'attendre en matière de qualité de service et d'efficacité.

Mais l'accueil au quotidien du public est aussi le fait de tout un réseau : archives départementales, municipales, régionales.

Ce réseau est un atout essentiel pour les Archives en France, pour la cohérence de leur recueil et de leur traitement au service de tous.

Les Archives départementales sont décentralisées depuis la loi du 22 juillet 1983, les services ayant été transférés aux départements en 1986.

Le système mis en place à ce moment-là a permis de préserver la cohérence d'une politique nationale en matière de collecte et l'intégrité des archives publiques.

Le maintien et la consolidation de ce réseau exceptionnel passent par le maintien des effectifs d'agents de l'Etat mis à disposition des départements dans les services d'archives départementales pour exercer les missions de contrôle scientifique et technique fixée par la loi, agents dont je tiens à saluer l'action tout à fait remarquable.

J'apporterai une attention particulière à la situation de ce personnel, notamment à sa place au sein des organigrammes des administrations départementales. Cette vigilance est d'autant plus nécessaire que la mise en œuvre de la deuxième vague de la décentralisation risque de modifier sensiblement les équilibres actuels.

De même, je suis attentif aux crédits dévolus à la construction de bâtiments, notamment au niveau des départements. Leurs services conservent des fonds constitués aux deux tiers d'archives produites par les services de l'Etat. Je pense aussi à l'acquisition d'archives privées et à la numérisation de documents présentant pour nos concitoyens un intérêt particulier.

Je tiens à souligner combien les Archives et les archivistes, sans rien sacrifier de ce qui a fondé depuis deux siècles leur expertise ont su prendre le tournant de la modernité et s'adapter pour répondre à une demande sociale en pleine mutation.

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L'archive, les mémoires, les histoires

Les Archives, mémoire de la nation, ont servi de matériau à la construction de l'histoire de la France au XIXe siècle. Faut-il rappeler que Michelet fut conservateur aux Archives nationales ?

Depuis cette époque fondatrice, les horizons de la recherche historique se sont élargis, ils se sont ouverts aux domaines de la vie économique et sociale, à l'ethnologie historique, à l'étude des comportements individuels et collectifs. Parallèlement, les bouleversements profonds qui ont marqué nos sociétés au cours des cinquante dernières années, le passage d'une civilisation encore fondamentalement rurale au monde post industriel ouvert que nous connaissons aujourd'hui, avec les migrations, les déracinements et les ruptures qui l'ont accompagné, ont suscité une demande sociale accrue de mémoire pour conserver ou retrouver les traces d'un passé en voie d'effacement. D'où une multiplication des démarches d'individus, de groupes, de catégories de la population légitimement attachés à la préservation de leurs mémoires particulières et de leurs histoires propres.

Les archivistes ont accompagné, et parfois précédé, ce mouvement. En témoignent des actions volontaristes de recueil d'archives privées, de collecte de témoignages oraux, de sauvetages d'archives d'entreprises permettant de constituer des " stocks " de matériaux, outils pour écrire demain l'histoire, de groupes autrefois invisibles, souvent oubliés de l'histoire. Je ne citerai que deux exemples : l'opération actuellement conduite dans le cadre d'un partenariat entre la direction des Archives de France et la Délégation interministérielle à la ville, pour recueillir des témoignages oraux d'acteurs et de bénéficiaires de la politique de la ville sur un certain nombre de sites emblématiques en France métropolitaine et outre-mer ; la rédaction d'un guide des sources de l'histoire de l'esclavage ayant vocation à faciliter la localisation dans les fonds de pièces et d'ensemble documentaires liés à cette histoire.

A la diversification des fonds, répond une diversification des démarches et des publics. C'est ainsi qu'aujourd'hui on peut identifier quatre types de demandes adressées aux Archives :

- La démarche scientifique émanant d'universitaires et de chercheurs, au premier rang desquels des historiens.

- La démarche des généalogistes, dont les champs d'intérêt s'élargissent souvent et débouchent sur des recherches rejoignant celles des professionnels.

- La recherche de preuves nécessaires pour faire valoir un droit : l'action de la commission d'indemnisation des spoliations juives pendant la deuxième guerre mondiale en est bien sûr l'exemple le plus flagrant, mais je pourrais également citer toutes les recherches en matière de naturalisations pour lesquelles les services d'archives sont sollicités.

- La quête de mémoire individuelle et collective.

Dans ce contexte, la mission des archivistes n'est pas de privilégier un type de démarche par rapport à d'autres ou de se substituer aux historiens. Ils ont une mission tout aussi essentielle. Ils sont là pour recueillir, conserver, offrir et ouvrir les matériaux grâce auxquels se construiront les histoires de tous ces groupes, dans leurs singularités, mais aussi dans leurs interactions, histoires qui constituent notre histoire collective, avec ses parts d'ombres mais aussi de lumières.

C'est ainsi que dans la continuité du mouvement amorcé il y a deux siècles, les Archives contribueront à la poursuite de la construction de notre histoire nationale. Voilà tout ce qui est entrepris aujourd'hui pour donner ou redonner le goût de l'archive, c'est à dire de notre Histoire et en définitive de nous même.

Je vous remercie.



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