Discours et communiqués de presse
Congrès national de la Demeure Historique
Angers
13 octobre 2006

Monsieur le Président, cher Jean de Lambertye,
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Je suis très heureux de participer aujourd'hui, à vos côtés, au 82ème congrès national de La Demeure Historique. Vous avez rappelé, Monsieur le Président, que les intempéries m'ont empêché de vous rejoindre, il y a deux ans, en Bourgogne. La " douceur angevine ", chère à Du Bellay, offre aujourd'hui un bel écrin propice à notre rencontre, qui fait écho à la vigueur du rayonnement de cette belle cité, au dynamisme de sa vie culturelle, à la richesse et au prestige du patrimoine du Val-de-Loire, qui, vous le savez, m'est très cher, et qui figure en bonne place sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité, tenue par l'Unesco.

Avant toute chose, je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, pour votre invitation. Vous l'avez rappelé, La Demeure Historique est le dépositaire attentif de quelque 3000 monuments historiques, représentatifs de notre histoire, de nos racines, constitutifs de notre identité, de notre âme, et de la grande richesse comme de l'attractivité même de nos territoires. Le succès sans cesse renouvelé et grandissant des Journées du patrimoine l'a rappelé récemment, les Français sont profondément attachés à leur patrimoine de proximité, parce qu'il fait la fierté de leur ville et de leur région, la qualité de leur vie et de l'environnement. Vous êtes donc, à mes yeux, des partenaires essentiels dans la politique que je mène en leur faveur, et je serai très attentif aux débats comme aux propositions qui émaneront de ce congrès.

J'ai bien entendu vos interrogations, Monsieur le Président. Vous le savez, dès ma prise de fonction, j'ai manifesté un intérêt très fort pour l'ensemble des questions liées au patrimoine, jusqu'à être injustement accusé d'être " le Ministre des vieilles pierres " alors même que je prônais la nécessité de renforcer les liens entre patrimoine et création ! Je me suis attaché, depuis mon arrivée au ministère de la Culture et de la Communication, à nouer des relations solides, durables et fécondes avec toutes celles et tous ceux qui œuvrent chaque jour, sur chaque parcelle de notre territoire, pour préserver et faire vivre ce patrimoine.

Le premier objectif a été le souci d'associer davantage les collectivités publiques et les acteurs privés par un meilleur partage de responsabilités, qui tienne compte des réalités du terrain.

C'est le fondement même des mesures que le gouvernement a inscrites dans la loi relative aux libertés et responsabilités locales : transfert des crédits affectés à la restauration du patrimoine rural non protégé aux départements, transfert de l'inventaire général aux régions et propositions de transfert de propriété de certains monuments de l'Etat aux collectivités territoriales qui le souhaitent. 69 monuments font l'objet d'une candidature. J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit en aucun cas d'un désengagement de l'Etat mais au contraire de la recherche d'une gestion de proximité plus dynamique, plus réactive, et mieux adaptée aux contextes locaux.

Pour les expérimentations, un seul département s'est porté candidat : le conseil général du Lot. J'ai demandé aux services du ministère de la culture et de la communication d'expertiser le projet. Si cette expérimentation est décidée, je serai particulièrement attentif à ce que le financement de la restauration des monuments historiques privés soit bien pris en compte dans ce cadre. J'en fais l'une des conditions mêmes du projet.

Le deuxième objectif consiste à la fois, à responsabiliser les propriétaires, mais aussi à simplifier les textes et à harmoniser les procédures.

Il était fondamental d'acter le principe que le propriétaire est le premier conservateur du monument historique et à ce titre le maître d'ouvrage naturel de sa restauration. C'est chose faite. Le propriétaire, désormais, choisira son maître d'œuvre. Il ne sera plus tenu, comme par le passé, de faire obligatoirement appel à l'architecte en chef territorialement compétent. Pour ceux d'entre eux qui se trouveraient dans l'incapacité de faire face à cette responsabilité nouvelle de maîtrise d'ouvrage en raison de travaux complexes ou trop lourds financièrement, ils pourront bénéficier, sur décision du Préfet qui appréciera au cas par cas, d'une assistance à maîtrise d'ouvrage gratuite des services de l'Etat.

Vous vous inquiétez, Monsieur le Président, des modifications prévues par l'ordonnance du 8 décembre 2005 concernant le régime des autorisations de travaux sur les monuments inscrits. Je le dis ici solennellement, il n'est absolument pas question de n'avoir qu'un seul régime de protection et d'autorisation de travaux sur monuments historiques. Je suis attaché à ce que la distinction entre inscrits et classés demeure. Sur ce point précis, notre objectif est clair : il s'agit de simplifier la procédure ; un seul dossier d'autorisation sera donc adressé à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, qui fera son affaire de la saisine des services du ministère de la Culture. L'objectif est également de sécuriser juridiquement la procédure et les prescriptions qui sont souvent émises dans ce cadre, pour éviter une mesure de classement autoritaire. C'est la raison pour laquelle il a été décidé de soumettre les travaux sur les monuments inscrits à un accord de l'autorité administrative dans le cadre de l'instruction du permis de construire et de la déclaration préalable de travaux, de même que l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France est requis pour les permis de construire des immeubles situés en abords des monuments historiques. Par ailleurs, il n'est pas prévu de modifier le régime de la maîtrise d'œuvre sur les monuments inscrits qui reste ouvert à tous les architectes.

Le deuxième point important, qui aura des répercussions immédiates sur le terrain, c'est la simplification de l'organisation des circuits administratifs. Dès lors que le rapprochement des services régionaux et départementaux, DRAC et SDAP, sera effectif, le service départemental de l'architecture et du patrimoine deviendra le guichet unique de tous les propriétaires de monuments en matière d'autorisation de travaux. Nous avons procédé à la réduction des délais d'instruction des dossiers, à la suppression d'un certain nombre d'avis et, ainsi que je l'ai déjà publiquement annoncé, nous souhaitons que tous les monuments historiques classés bénéficient d'un seul et unique régime de travaux, quel que soit son propriétaire ou affectataire, et quel que soit le mode de financement des travaux. Il nous a semblé également important que le périmètre de protection autour du monument puisse être défini de manière plus fine, et surtout plus adéquate, qu'il ne l'est aujourd'hui.

Enfin, je partage votre souhait d'un débat préalable à la ratification de l'ordonnance relative aux monuments historiques. Il n'a pas été possible de le programmer cette année en raison de l'encombrement du calendrier parlementaire, absorbé notamment par le débat budgétaire. J'espère sincèrement que nous bénéficierons de ce temps de débat l'an prochain.

Je peux comprendre les inquiétudes que suscitent ces réformes dans l'ordonnance du 8 septembre 2005, mais j'appelle votre attention sur le fait que le délai donné pour les décrets d'application est de deux ans. Le gouvernement, en optant pour un délai volontairement plus long, se donne le temps de préparer dans les meilleures conditions les six décrets d'application. La rédaction du projet de décret relatif à la maîtrise d'ouvrage est maintenant quasiment achevée, et sa mise en œuvre suppose un accompagnement en termes de moyens et de formation des personnels, que nous allons examiner dans le courant de l'année prochaine.

Monsieur le Président, vous avez eu le sentiment d'une surcharge, mais en réalité, les mesures découlent de cette seule et unique ordonnance. Le travail avance, et je tiens à remercier le directeur de l'architecture et du patrimoine du ministère de la culture et de la communication, M. Michel Clément, et ses collaborateurs, pour leur investissement.

Un dernier point enfin sur la question des éoliennes. Bien entendu, c'est le ministère de l'écologie et du développement durable qui est en première ligne sur ce dossier. Je rappelle que le protocole de Kyoto engage la France, qui a joué un rôle précurseur dans ce domaine, sous l'impulsion du Président de la République, à respecter ses engagements internationaux en matière de développement des énergies renouvelables. Je suis conscient des limites des dispositions juridiques du code du patrimoine pour certains projets d'éoliennes situés aux abords de monuments. Je tiens à ce que les services départementaux de l'architecture et du patrimoine soient particulièrement attentifs à l'instruction de ces dossiers et qu'ils accompagnent les collectivités locales qui ont désormais l'initiative en matière de définition des zones de développement éolien. Les situations sont à examiner au cas par cas, je suis intervenu personnellement dans certaines situations critiques auprès des préfets de département.

Michel Clément pourra vous apporter toutes les précisions que vous souhaitez sur ces sujets.

Sachez, qu'en tout état de cause, j'ai tenu à ce que les associations nationales reconnues d'utilité publique, et au premier rang d'entre elles, bien sûr, La Demeure historique, soient associées de près à tous ces débats.

C'est pourquoi j'ai créé une instance de concertation qui a permis d'institutionnaliser un dialogue régulier entre l'administration, et plus précisément la direction de l'architecture et du patrimoine, et les huit grandes associations nationales de défense et de valorisation du patrimoine. Je tiens à saluer le travail que vous avez accompli dans ce cadre, qui a permis d'aboutir à un accord de fond sur plusieurs sujets importants.

Il était tout aussi important de veiller à une meilleure représentation des associations sur le terrain. Nous avons donc œuvré en faveur d'une plus grande présence des associations au sein des différentes commissions, et notamment la commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS), ainsi que la commission nationale des monuments historiques (CNMH). Je sais que c'est un point auquel vous êtes, Monsieur le Président, ainsi que les représentants des autres associations nationales, particulièrement sensible.

Bien entendu, beaucoup de chemin reste à faire, mais je voulais de nouveau vous remercier pour votre investissement, et pour la pertinence de vos remarques, qui ont permis de grandes avancées sur ce sujet.

En ce qui concerne le sujet essentiel du financement, j'ai plaidé à de multiples reprises pour une augmentation des moyens consacrés au patrimoine, mais plus encore pour leur pérennité. L'an dernier, j'avais été en mesure, grâce à un arbitrage très positif du Premier Ministre, d'obtenir une dotation en capital de 100 M€ en faveur du patrimoine monumental. Pour autant, et malgré des reproches constants d'un certain nombre de nos partenaires sur l'insuffisance de nos moyens, je tiens à redire ici même que le niveau de consommation des crédits, seul indicateur significatif témoignant du chiffre d'affaires des entreprises et de la réalité des chantiers, est resté constant. L'Etat contribue en moyenne à hauteur de 320 M€ par an au financement de quelque 4000 chantiers.

Mais je suis parfaitement conscient des besoins, et de l'impérieuse nécessité d'aller encore plus loin.

Nous avons bénéficié d'un dégel de 24M€, qui va permettre une relance immédiate des chantiers de restauration des monuments historiques.

Grâce à notre ténacité, et au soutien actif du Président de la République et du Premier Ministre qui l'a annoncé à Amiens le 14 septembre, 25% du produit de l'impôt sur les droits de mutation, soit 70 M€ annuels, seront consacrés aux travaux sur les monuments de l'Etat. Par effet rétroactif, ce sont donc l'an prochain 140 M€ supplémentaires qui seront affectés au Centre des monuments nationaux et viendront s'ajouter au budget inscrit en loi de finances. C'est la raison pour laquelle, Monsieur le Président, le discours prononcé par le Premier Ministre, à Amiens, était axé sur les monuments historiques appartenant à l'Etat. Mais la mise en place de ce dispositif, inscrit dans la loi de finances de manière pérenne, nous permettra de dégager des marges de manœuvre pour les monuments appartenant aux collectivités locales et aux propriétaires privés. Notre objectif est de passer des 8% de notre budget actuellement destinés aux propriétaires privés à 10 % et sur ce point également, Monsieur le Président, je vous rejoins, et vous comprendrez que je ne puis partager votre diagnostic sévère sur l'action du Gouvernement.

Mais notre patrimoine, parce qu'il est notre bien le plus précieux, est l'affaire de tous, et je souhaite également encourager tous ceux qui, par des opérations de mécénat ou la création de fondations, sont en mesure d'apporter leur concours à sa sauvegarde et à sa valorisation.

La loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, que j'ai mise en œuvre avec énergie, a permis un essor sans précédent du mécénat dans notre pays. Je partage votre volonté d'étendre le bénéfice du régime fiscal du mécénat aux monuments historiques privés. Vous avez fait des propositions en ce sens, Monsieur le Président. Elles sont bienvenues. Je suis favorable à une relecture des dispositions juridiques, et notamment législatives, relatives au mécénat, afin que les monuments historiques privés puissent bénéficier de contributions nouvelles, d'animations nouvelles, afin qu'ils soient rendus encore davantage accessibles à tous les publics.

Soutenir les efforts des propriétaires privés, pour conserver, faire vivre et transmettre un patrimoine qui fait partie de notre histoire et de notre identité, c'est aussi contribuer à faire en sorte que notre pays ait davantage confiance en lui-même, c'est également lutter contre les délocalisations, contre le déclinisme et le pessimisme, pour mieux préparer l'avenir.

D'ores et déjà, j'ai souhaité encourager, en liaison avec l'ambassade des Etats-Unis en France, le projet de création d'un organisme de droit américain, " The American Friends of the Loire Châteaux ", qui aura pour mission de recueillir aux Etats-Unis des fonds privés destinés au financement de travaux sur les parties protégées des châteaux de la Loire. Partenaires publics et privés seront rassemblés préalablement au sein d'une association de droit français. Je crois qu'il y a là une piste de réflexion intéressante pour l'avenir et je pense que La Demeure Historique a, ici aussi, un rôle clé à jouer.

La richesse du patrimoine, c'est aussi ce capital humain d'entrepreneurs, d'artisans, et de professionnels du bâtiment, dont il faut absolument préserver les savoir-faire. Nous œuvrons en ce sens, et nous avons obtenu que soit créé un baccalauréat professionnel d'intervention sur le patrimoine bâti, qui, je l'espère, suscitera de nombreuses vocations. Nous avons bien entendu d'autres projets en matière de formation professionnelle, dont je vous parlerai lorsqu'ils auront abouti. Le patrimoine représente plus de 500 000 emplois directs et indirects, tous secteurs confondus, au plan national. Il est donc essentiel de prendre la juste mesure de ce très important gisement d'emplois, et de réfléchir aux pistes de développement local en matière de tourisme et de revitalisation des activités traditionnelles.

Ce sont des sujets passionnants de vos tables rondes, auxquelles participe notamment Michel Clément, directeur de l'architecture et du patrimoine. Je suis heureux de vous le redire, je me tiendrai étroitement informé de vos travaux et de vos propositions, car c'est ensemble que nous ferons partager notre engagement, notre passion, pour le patrimoine.

Je vous remercie.



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