Discours et communiqués de presse
Discours de Renaud Donnedieu de Vabres

Signature de l’accord « Louvre Abou Dabi »

Abu Dhabi - Palais des Emirats - mardi 6 mars 2007

Votre Altesse Cheikh Mohammed Bin Zayed AL NAHYAN, Prince héritier d’Abou Dabi, Vice Commandant en Chef des Forces armées,

Altesse Cheikh Abdallah Bin Zayed AL NAHYAN, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération des Émirats Arabes Unis,

Excellence Cheikh Sultan Bin Tahnoun AL NAHYAN, Président de l’Autorité de la Culture et du Patrimoine d’Abou Dabi, Président de l’Autorité du Tourisme d’Abou Dabi,

Altesses,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Nous signons aujourd’hui un accord historique de coopération culturelle entre les Émirats Arabes Unis et la France, en vue de la création par l’Émirat d’Abou Dabi d’un musée à vocation universelle, qui portera le nom de « Louvre Abou Dabi ».

Depuis plusieurs mois, à l’initiative de l’Émirat d’Abou Dabi, des négociations étaient en cours pour identifier précisément les besoins, définir la nature de la réponse française et aboutir à l’accord intergouvernemental qui est conclu aujourd’hui. La négociation a été sérieuse et techniquement exigeante. Son premier acquis est d’avoir permis aux deux parties de faire progresser encore l’esprit de respect mutuel et d’amitié féconde qui anime ce projet. Elle s’est déroulée, de bout en bout, dans un climat de confiance exceptionnel, parce que la France a été particulièrement touchée du souhait émirien qu’un musée conçu « à la française » prenne place sur son territoire, parce que l’ambition d’investissement pour l’éducation et la culture de l’Émirat d’Abou Dabi, qui a déjà présidé à l’accueil de la Sorbonne, mérite d’être secondée, et parce qu’il existe entre la France et les Émirats Arabes Unis, depuis leur fondation, des liens d’amitié et de travail communs extraordinairement solides et précieux.

Nous avons décidé de créer ensemble un musée destiné à favoriser le dialogue des cultures entre l’Orient et l’Occident, qui présentera des œuvres majeures dans tous les domaines de l’histoire de l’art, sera ouvert à toutes les périodes, y compris l’art contemporain, et toutes les aires géographiques, et fera appel aux techniques les plus innovantes en matière de muséographie. Il répondra, à tout moment, aux critères d’excellence de la qualité et de l’ambition scientifique et muséographique du Musée du Louvre.

Il s’agit, pour la France, d’un projet collectif permettant de valoriser son expertise et son savoir-faire, uniques au monde, dans le domaine des musées. Coordonné par le ministère de la culture et de communication, l’apport français associera les grands musées nationaux français et les musées de France qui souhaiteront spontanément les rejoindre. Ce que nous réalisons ensemble, grâce à l’accord que nous signons aujourd’hui, c’est un grand musée du XXIe siècle, qui puisse lui-même servir de référence scientifique et culturelle aux institutions muséales dans le monde.

Notre accord, signé pour trente ans, est un engagement de la France pour la conception et le fonctionnement de ce nouveau musée. Il s’agit tout à la fois d’élaborer le projet scientifique et culturel, d’aider à la maîtrise d’ouvrage, de mener des actions de formation des professionnels de musées, d’organisation de prêts d’œuvres, ainsi que des expositions, et enfin d’aide à la stratégie d’acquisition par Abou Dabi d’une collection de haut niveau, propre au musée.

Comme vous le savez, l’Émirat d’Abou Dabi a choisi pour la construction du musée l’architecte français Jean Nouvel. Je suis heureux que ce grand architecte élabore ici un musée dont les surfaces seront de 24 000 mètres carrés, et qui comportera

toutes les fonctionnalités dignes de l’institution voulue par les Émirats Arabes Unis : 6 000 mètres carrés de galeries permanentes, qui ouvriront par tranche, 2 000 mètres carrés de galeries d’expositions temporaires, des espaces d’accueil et des services culturels et pédagogiques.

La France s’est engagée à prêter, sur une durée totale de dix ans à compter de l’ouverture du musée, des œuvres issues des collections françaises, venues du musée du Louvre, mais aussi des autres musées nationaux – tels Versailles, Orsay, le Centre Pompidou - et, plus largement, des musées de France. Par rotation, et pour des durées relativement brèves pour chacune des œuvres, la France prêtera ainsi en permanence plusieurs centaines de pièces, représentatives de son patrimoine artistique. Pendant une durée de quinze ans à partir de l’ouverture du Louvre Abou Dabi, la France assurera la programmation et la présentation des expositions temporaires, et mon souhait le plus vif est que le Louvre Abou Dabi devienne un lieu majeur dans le monde des musées, au carrefour des continents, de présentation d’expositions de haut niveau, permettant une coopération entre les grandes institutions de tous les pays.

Ce projet sera mis en œuvre par une « Agence Internationale des Musées de France », créée à cette occasion. Cette Agence regroupera les forces de travail et les compétences de plusieurs institutions nationales - Louvre, Centre Pompidou, musée du Quai Branly, musée d’Orsay, château de Versailles, musée Guimet, Réunion des musées nationaux, - car le projet est d’une ampleur et d’une complexité telles qu’aucune des institutions nationales françaises ne pouvait à elle seule le mener à bien en totalité.

Cet engagement important de la France, de son savoir-faire et des richesses de ses collections, va inciter les institutions françaises à une exigence extrême de qualité et de déontologie. Il va de soi que l’ensemble des contreparties qui résultent pour la France de l’accord que nous signons aujourd’hui seront employées exclusivement pour les musées de France.

Je me suis pleinement engagé pour cet accord international d’un type nouveau, avec mon ami Cheikh Sultan Bin Tahnoun Al Nahyan, dont je voudrais saluer les qualités de visionnaire et de négociateur, parce que ce chantier représente notre capacité à mettre en œuvre concrètement le message universaliste de la France, sur le dialogue des cultures et des civilisations, leur interaction et la connaissance mutuelle des sociétés contemporaines. C’est ce message, que porte le musée du Quai Branly, décidé par le Président Jacques Chirac, et construit par l’architecte Jean Nouvel, que vous avez eu raison de choisir.

L’accord franco-émirien d’aujourd’hui s’inscrit pleinement dans les principes affirmés par la Convention UNESCO pour la diversité culturelle, qui entrera en vigueur le 18 mars, et dans la continuité des propositions que j’ai faites en faveur de l’Europe de la culture. C’est une étape majeure de notre travail pour la diversité et la paix, pour une mondialisation humaniste de la culture.

Je souhaite ici particulièrement saluer la stratégie culturelle des Émirats Arabes Unis, et leur œuvre pionnière pour l’enseignement supérieur et la culture, qui s’est déjà manifesté par l’installation, depuis l’automne dernier, de la Sorbonne Abou Dabi.

Concéder l’usage du nom du Louvre à Abou Dabi est, de la part de la France, une marque profonde de confiance, de respect et d’amitié qui s’adresse, par delà les Émirats Arabes Unis, à l’ensemble des pays arabes. Le Golfe est un carrefour géographique entre l’Orient et l’Occident, zone clef aujourd’hui où se joue la coexistence harmonieuse entre civilisations et religions.

Créer un musée, c’est promouvoir le dialogue des cultures en réponse aux violences du monde, et affirmer la spécificité et la diversité des œuvres de l’art et de l’esprit, ainsi que la force universelle de la liberté de création.

Cet accord est, je l’espère, le début d’une coopération de long terme pour le patrimoine avec l’Émirat d’Abou Dabi et le Golfe. C’est aussi la naissance d’une nouvelle institution muséale universelle, qui, dans quelques décennies, jouera, j’en forme le vœu, un rôle essentiel pour la conservation et la transmission du patrimoine de l’humanité, qui est notre bien commun.

Je vous remercie.


[ Discours et communiqués ]