Discours et communiqués de presse
Cérémonie de remise des insignes de Chevalier
dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Sting,
Stewart Copeland, Andy Summers, du groupe The Police

lundi 1er octobre 2007



Cher Sting,
Cher Stewart Copeland,
Cher Andy Summers,

C’est un très grand plaisir pour moi de vous recevoir aujourd’hui, et de vous témoigner toute l’admiration et la reconnaissance de la France pour votre musique. Pour ce son nouveau que vous avez fait surgir à la fin des années soixante-dix, un son reconnaissable entre mille, et qui pourtant puisait aux sources d’inspirations très diverses.

Nous sommes en août 1977. Elvis Presley disparaît, et avec lui un certain âge du rock. Bob Marley le suivra quelques temps plus tard, après avoir offert au reggae un rayonnement international. Des pages se tournent, plusieurs chapitres de l’histoire de la musique au XXe siècle se referment, alors que d’autres s’ouvrent.

En France, au Festival de Mont-de-Marsan, le punk impose son énergie débridée, le new wave fait planer ses premières notes et offre une nouvelle couleur à la pop. Sur cette scène en pleine effervescence, aux côtés des Anglais The Clash et des Français Bijou, apparaît un groupe anglo-saxon débordant de créativité et d’imagination, qui distille un savant mélange d’énergie punk rock, de rythmes reggae et de mélodies pop. La France vient de découvrir The Police, qui marquera l’histoire de la musique d’une empreinte indélébile. La suite, tout le monde la connaît.
Ce que l’on sait peutêtre moins, et que je tiens à souligner, c’est que parmi les trois membres fondateurs de The Police figurait un Français, le guitariste Henry Padovani que vous avez convié à vous rejoindre sur scène samedi, pour reformer l’espace d’une chanson « Next to you » le Police punk des débuts. La collaboration franco-britannique n’aura malheureusement duré que quelques mois, puisque vous l’avez remplacé, cher Andy Summers, au sein du trio.

C’était il y a trente ans. Et depuis, vous avez conquis la planète, avec des titres devenus cultes pour toutes les générations. Est-il nécessaire de les citer ? Message in a bottle, Roxanne, Walking on the moon, Can’t stand losing you, Every breath you take, et tant d’autres. Autant de nouvelles écritures, de nouveaux rythmes, autant
d’harmonies ciselées, de mélodies épurées, autant de « tubes » restés dans toutes les mémoires, et que l’on ne cesse de redécouvrir.

Vous nous en offrez une très belle occasion avec cette tournée des « retrouvailles », si je puis m’exprimer ainsi, puisque The Police n’a jamais été officiellement dissous. Vos nouveaux concerts prouvent, si besoin en était, que le temps n’a pas prise sur vos chansons. J’ai été très heureuse de voir, samedi soir, votre énergie, votre souffle électriser de nouveau un public qui connaissait toutes vos chansons par coeur.
Je voudrais vous dire, à tous, un grand merci pour tout ce que vous nous avez offert depuis maintenant trente ans.

Merci, cher Sting, pour votre charisme, pour votre personnalité hors du commun, pour vos dons d’auteur-compositeur qui vous ont porté vers une carrière en solo au milieu des années quatre-vingts. Elle nous réservait encore une fois de très belles surprises : Englishman in New York, bien sûr, Fragile, Shape of my heart, Desert rose, ou encore It’s probably me, en duo avec Eric Clapton.

Mais je pense aussi à votre étonnant album Songs from the Labyrinth, en 2006, dans lequel vous revisitez l’oeuvre de John Dowland. Accompagné du luthiste virtuose Edin Karamazov, vous livrez une interprétation surprenante, très personnelle, d’une grande pureté, qui nous ferait presque oublier que ces musiques ont plus de quatre siècles.
Vous savez explorer de nouvelles voies – toujours brillamment – et apparaître là où l’on ne vous attend pas. Sur le grand écran notamment, avec Dune, de David Lynch en 1985, ou encore Le Baron de Munchausen, de Terry Gilliam, quelques années plus tard. Mais aussi sur les planches, avec L’Opéra de quat’sous à Londres en 1991.
Merci également pour avoir mis votre renommée planétaire au service de très nombreuses causes humanitaires et écologiques. Le sauvetage de la forêt amazonienne, aux côtés du chef Kayapo, Raoni, est l’un de vos combats les plus fameux. Mais vous avez participé également à de nombreux concerts et tournées de
solidarité, le Band Aid notamment, ou encore la tournée d’Amnesty International.
Merci pour cette main que savez tendre à tous ceux qui en ont besoin. Sting, au nom de la République, nous vous remettons les insignes de Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres.


Cher Andy Summers,
Le public vous connaît comme ce guitariste prodige, l’un des trois pivots d’un groupe immortalisé par les objectifs sur les scènes du monde entier. Vos solos samedi soir, alternant entre la Stratocaster rouge et la Telecaster, ont d’ailleurs mis le stade de France en ébullition. Mais il sait peut-être moins que vous êtes à l’origine des plus beaux et des plus authentiques de ces clichés. A la fois acteur et témoin, sur scène et en coulisse, vous avez tenu un journal de bord photographique en noir et blanc, captant sur le vif l’esprit et l’atmosphère des années Police, qui sont aussi celles de toute une époque. Les locaux de RTL exposent d’ailleurs en ce moment même plusieurs de vos oeuvres, qui seront vendues au profit d’une association caritative.
Cette passion de l’image vous a fait faire le tour des villes du monde, fixant sur votre pellicules des scènes de rue en noir et blanc. Et cela n’est pas prêt de s’arrêter, pour notre plus grand bonheur, puisque l’on m’a dit que vous aviez emporté en tournée vos deux objets fétiches : votre guitare, bien sûr, et une caméra.
Cher Andy Summers, au nom de la République, nous vous remettons les insignes de Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Cher Stewart Copeland,
Vous êtes aussi l’autre mémoire du groupe. Vous avez promené votre caméra 8 mm dans les coulisses de votre gloire, et de ces images intimes, précieuses, vous avez tiré un documentaire : Everyone stares, The Police inside out, qui sortira bientôt sur nos écrans.
Le cinéma n’a plus de secret pour vous, puisque vous avez composé de nombreuses musiques de films, notamment Rumble Fish, de Francis Ford Coppola, dès 1983, mais aussi Wall Street, d’Oliver Stone en 1987, ou encore Riff Raff, Hidden agenda et Raining stones de Ken Loach.

Mais – cette nouvelle tournée n’avait pas besoin de nous le rappeler – vous êtes aussi, et avant tout, un magicien, un batteur de génie. Né en Virginie, grandi à Alexandrie et au Liban, révélé à Londres, vous avez fait du mélange des influences et des inspirations la force d’un style inimitable. Votre frappe, puissante et claire, au son tendu et mat influencée par les beat du reggae a largement contribué à la création du son « Police » : « Walking on the moon » est à cet égard un modèle du genre !
Elle a inspiré des générations de musicien. C’est ce parcours, cette influence que la France veut honorer aujourd’hui.

Stewart Copeland, au nom de la République, nous vous remettons les insignes de Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres.

photos : Farida Bréchemier/MCC