L'éducation artistique et culturelle


Prise de parole de Christine Albanel en Conseil des ministres

mercredi 30 janvier 2008

L’éducation artistique et culturelle consacre la mission culturelle de l’école.
Elle consacre de même la mission éducative de la culture.

C’est pourquoi je mobiliserai l’ensemble des établissements sous tutelle de mon ministère et des structures qu’il subventionne au service de la communauté éducative : élèves, enseignants, et, au-delà, parents et familles. Pour y parvenir, j’inscrirai la mission d’éducation artistique et culturelle dans les contrats de performance et les cahiers des charges de ces établissements et structures.
Ainsi, nous développerons ensemble – Etat et collectivités locales – une offre nouvelle de ressources pédagogiques et de formation, d’activités culturelles et de pratiques artistiques.
Nous devons, et nous allons, changer la donne en termes de ressources.

Première mesure : Dès cette année, un grand portail de l’éducation artistique et culturelle sera mis en chantier pour présenter l’ensemble des ressources numériques gratuites.

Ce site regroupera, en les structurant, toutes les ressources gratuites des établissements publics du ministère de la culture et de la communication, ainsi que celles du ministère de l’éducation nationale. Il s’agit de millions d’images et documents d’archives, de dossiers pédagogiques comme ceux du Centre Pompidou, de modules téléchargeables comme ceux du Quai Branly, de l’offre de l’INA - dont la part gratuite augmentera - ou encore du projet d’histoire européenne des arts porté aujourd’hui par l’école du Louvre. A l’heure du haut débit, et bientôt du « très haut débit », il faut que cette ressource gratuite, dont la richesse est unique, soit facilement accessible à tout enseignant et prenne dans le travail en classe une place que paradoxalement elle n’a pas encore, notamment par rapport à des offres payantes.

Deuxième mesure : Au cours de ce semestre, je mettrai à profit la révision en cours du cahier des charges des chaînes publiques pour y intégrer la mission d’éducation artistique et culturelle.
Les chaînes du service public devront en particulier renforcer leur offre de programme dans ce domaine, mais aussi développer leur offre de vidéo à la demande (VOD) à l’usage de la classe : captations de spectacle, documentaires, magazine artistique, ou encore séries sur les artistes contemporains.

Troisième mesure : Le ministère de la Culture et de la Communication contribuera de façon majeure à la formation des enseignants.
- Formation initiale : Nous veillerons, avec Valérie Pécresse, à systématiser le partenariat entre les universités comprenant un IUFM et les DRAC, à l’exemple de ce qui se fait en Nord-Pas-de-Calais, où les jeunes stagiaires apprennent en IUFM à monter un projet culturel avec leur classe.
- Formation continue : Aujourd’hui, à titre d’exemple, le Centre Pompidou forme 300 professeurs chaque année, Orsay 1 000 et le Louvre plus de 1 500. On peut, on doit faire mieux encore. Tous les grands établissements mais aussi tout le réseau des écoles d’art et d’architecture déploieront une offre qui pourra s’articuler aux plans académiques de formation, dès lors que ceux-ci intégreront la priorité donnée à l’éducation artistique et culturelle.
- C’est enfin dans cette ambition de formation que j’inscris la gratuité, à titre professionnel et personnel, qui sera accordée dès la rentrée 2008 à tous les professeurs de l’enseignement scolaire et agricole, pour l’entrée dans tous les musées et tous les monuments nationaux dépendant de la Culture et de l’Enseignement supérieur.

Quatrième mesure : Nous mettrons l’accent sur l’éducation à l’image, qui est un aujourd’hui un enjeu fondamental.
Sur ce point, le développement de la ressource pédagogique jouera un rôle essentiel. Grâce à cette ressource, l’éducation à l’image pourra tirer pleinement parti du développement des enseignements touchant à l’art et à la culture, comme vient de l’évoquer Xavier Darcos.
Mais je m’appuierai aussi sur le programme national « Ecoles, collèges et lycées au cinéma », véritable école du spectateur, animée par des associations et subventionnées par le ministère. Ce programme offre aux enfants, dans une salle, si possible d’art et d’essai, la projection de plusieurs films, précédée et suivie de séquences pédagogiques.
Cette action touche aujourd’hui 1,2 million d’enfants, soit 10% de la population scolaire. Mon objectif est d’atteindre 2,5 millions d’enfants à l’horizon 2009. Le CNC y mettra les moyens nécessaires.

Cinquième mesure : Dans le cadre de véritables projets de territoire, 3 000 médiathèques municipales, 1 200 musées de France, des centaines de scène théâtrales et musicales soutenues par l’Etat, bref toutes les structures culturelles, se relieront à tous les établissements scolaires.
L’objectif est que les élèves « prennent pied » dans leur environnement culturel, qu’il s’agisse de patrimoine ou de création, en assistant aux spectacles des scènes de leur région, en visitant les monuments, en fréquentant les expositions des musées, des centres d’art contemporain, des FRAC, en apprenant à déchiffrer les archives dans les centres municipaux et départementaux. Mais il faut aussi qu’ils découvrent « l’envers du décor » en participant à des répétitions de théâtre, d’orchestre, d’opéra, de danse.
Avec Christine Lagarde, nous consacrerons un volant d’emplois aidés, dans chaque région, au recrutement de médiateurs culturels pour l’accueil des classes dans les musées et les monuments.

Sixième mesure : Les possibilités d’une pratique artistique en dehors de l’école seront développées.
Les élèves doivent pouvoir facilement prolonger hors de l’école l’initiation qu’ils reçoivent à l’école.
Je demanderai à mes services, dans chaque région, de travailler avec les collectivités locales pour décupler les capacités d’accueil d’élèves dans les écoles de musique, de danse et de théâtre, et pour multiplier les « ateliers beaux-arts ».
Il faut aussi valoriser les dispositions très favorables - et créatrices d’emplois - de la loi Borloo de 2005 sur les services à la personne : crédit d’impôt, exonération de charges, rémunération par chèque emploi service universel. Les Français connaissent bien ce dispositif pour le soutien scolaire. Il y a un travail d’information à mener, aussi bien du côté des professionnels que des familles, pour que ce dispositif permette une offre et une demande élargies de cours de pratique artistique à domicile ou dans un cadre associatif.

Septième mesure : Au-delà des trésors de leur région, tous les élèves de France doivent pouvoir découvrir les grandes institutions culturelles de la nation.
Aujourd’hui, une grande majorité de Français ne connaissent pas le Louvre et ne le connaîtront jamais. Les élèves d’Ile-de-France représentent 70% des visites scolaires de ce musée, et les élèves de province seulement 30%. N’est-ce pas notre devoir, à un moment de leur scolarité, d’y conduire le plus grand nombre d’élèves, de même qu’au musée d’Orsay, au Quai Branly, à la Cité de l’architecture et du patrimoine ou au Centre Pompidou, pour ne citer que ces exemples ? Les professeurs sont les premiers à témoigner de l’importance et de l’impact de telles visites, qui mobilisent l’imaginaire des enfants des mois avant et des mois après.

J’encouragerai les projets innovants des grands établissements publics pour mieux accueillir les classes : celui du Louvre, qui veut créer au pavillon de Flore, sur près de 2 000 m², un centre de préparation à la visite dédié aux groupes scolaires ; celui de la BnF, qui envisage, dans le cadre de la rénovation du site Richelieu, un centre d’initiation à la consultation de ses collections fondé sur les nouvelles technologies.
Avec Xavier Darcos, nous solliciterons la SNCF, pour qu’elle améliore son offre tarifaire, et nous trouverons des solutions d’hébergement, qui pourraient passer par la mise en oeuvre d’un équipement national d’accueil, avec le partenariat d’acteur comme le ligue de l’enseignement, avec qui je suis en contact.
Malgré le patrimoine exceptionnel de notre pays, les moyens qu’il dédie à la création, et un réseau d’équipements unique au monde, la démocratisation culturelle n’est pas encore achevée. L’éducation artistique et culturelle est un des moyens d’y parvenir pour peu qu’elle soit conçue comme une coproduction entre les ministères intéressés, au premier rang desquels ceux de l’Education nationale et de la Culture, en liaison étroite avec les collectivités locales qui sont mobilisées sur cette question.