Discours et communiqués de presse

 

Colloque de la présidence française

"de nouvelles voies pour la diffusion du spectacle vivant en Europe"

Cité internationale universitaire de Paris - lundi 24 novembre 2008

Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,

Je suis très heureuse d’ouvrir ce colloque sur la diffusion du spectacle vivant en Europe et je veux remercier la nouvelle Directrice du Théâtre de la Cité internationale de nous accueillir aujourd’hui. J’en profite pour rendre hommage à cette grande dame de la programmation qu'est Nicole Gautier, qui a quitté récemment ses fonctions. Je remercie également Marcel Pochard, Président du Conseil d'administration de la Cité internationale universitaire de Paris, ainsi que Sylviane Tarsot-Gillery, sa Déléguée générale, qui œuvra longtemps dans l'administration de notre ministère.


Cette Cité me semble un lieu cadre particulièrement adapté à cette réflexion et ce pour deux raisons :


D’abord parce qu’elle est né d’une très belle utopie : encourager l’amitié entre les peuples et la connaissance des autres cultures en s’adressant à la jeunesse, aux nouvelles générations. C’est sans doute aujourd’hui le plus grand défi pour l’Europe.

Ensuite parce que son ensemble architectural exceptionnel porte la signature de bâtisseurs de toute l’Europe et du monde entier et qu’il a accueilli de prestigieux résidents de tous les horizons : le poète espagnol Fernando Arrabal, l’écrivain danois Karen Blixen, le poète et critique anglais Michael Edwards, le philosophe français Jean-Paul Sartre et tant d’autres…

Cette tradition d’accueil de toutes les cultures, de tous les talents du monde est plus vivante que jamais et ce Théâtre en est le reflet : je sais que vous venez de jouer un spectacle hongrois de Bela Pinter, et vous allez bientôt créer le dernier opus de l’artiste allemand Raymund Hogue.

Je crois que ce que nous dit ce lieu, à travers son histoire et à travers son actualité, c’est que l’art ignore les frontières depuis toujours. Que la « nationalité » entre guillemets d’une œuvre est toujours très difficile à définir – si tant est que l’on souhaite la définir.

Qui pourrait dire, par exemple, de quel pays vient le chef d'œuvre « Paso doble », imaginé par Josef Nadj, un chorégraphe né en Voïvodie, formé en Hongrie et installé en France, qui l’a conçu, qui plus est, avec la complicité d’un plasticien espagnol Miguel Barcelo ?

Ou encore, en remontant dans le temps, le génie de Chopin a t-il plus éclos de ses impressions champêtres nées dans les campagnes polonaises – dont on trouve la trace dans les mazurkas –, ou dans les salons parisiens, creuset d'une société artistique ou se croisaient alors ses amis Delacroix, Liszt, Berlioz ou Sainte-Beuve ?

Je suis d’ailleurs certaine que Monsieur Waldemar Dabrowski, ancien ministre et commissaire de l'année Chopin 2010, que je salue, que la Pologne et la France bâtiront à quatre mains, aura à cœur de montrer combien l'Europe, sa culture, son identité, doivent à la mobilité des artistes.

Et pourtant, nous le savons, franchir une frontière n'est jamais aisé. Il existe encore aujourd’hui de trop nombreux obstacles à la circulation des artistes et des productions du spectacle vivant.

Ce sont ces obstacles et les moyens de les franchir que nous allons examiner ensemble pendant ce colloque, qui s’inscrit dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne.

Dans le domaine du spectacle vivant, la circulation des artistes et des œuvres est en effet la principale problématique communautaire.

C'est pour cette raison qu’elle figure parmi les priorités du plan de travail du Conseil de l'union européenne en faveur de la culture, adopté pour 2008-2010. Ce colloque s'inscrit donc pleinement dans les travaux menés par les institutions communautaires et je salue la présence de Xavier Troussard, chef de l'Unité culture, représentant Monsieur Jan Figel, Commissaire européen, qui n'a pu faire le déplacement.

Nous n’abordons donc pas ce sujet tels des défricheurs sur un territoire inexploré.

Beaucoup d'efforts ont déjà été faits sur ce point par les différents partenaires et structures professionnels pour réfléchir ensemble aux meilleures solutions.

De nombreuses études ont déjà été menées, traitant de l'ensemble du champ culturel et plus spécifiquement du spectacle vivant. Certaines seront certainement évoquées au cours des débats : l'étude de Richard Polacek pour le réseau Pearle (« Les obstacles à la mobilité dans le domaine des arts de la scène »), mais aussi le rapport très complet intitulé « Pour le développement des arts de la scène en Europe », de Stéphane Fiévet. D'autres études sont en cours et devraient être rendues prochainement.

Certaines pistes de travail ont déjà été soulevées, creusées et débattues.

Une mesure relativement facile à prendre fait d'ores et déjà consensus entre la Commission et les Etats membres : c’est la mise en place d'un outil centralisé d'information des professionnels sur les conditions et les contraintes de la mobilité. Le gouvernement français apportera toute l'expérience acquise par ses professionnels sur un marché déjà très largement ouvert aux productions européennes.

1- La formation des artistes et des professionnels

Créer les conditions favorables à la circulation, c'est aussi, nous le savons, favoriser la formation des responsables culturels, des directeurs de structures, des personnes qui montent les projets de coopération. Sur ce point, les réseaux professionnels européens et nationaux ont un rôle clé à jouer, et l'on connaît leur implication. Mais en amont, c'est dans la formation même des artistes et des responsables culturels qu'il faut désormais intégrer la dimension européenne et internationale. Sur ce point, nous devons rappeler l'importance de la formation en langues étrangères dans le cursus des artistes.

2- La promotion de la diversité linguistique

Cette question amène tout naturellement à celle de la langue originale des œuvres, à la traduction et au sous-titrage. La promotion de la diversité linguistique est un enjeu essentiel en Europe. Il a été au cœur des Etats généraux du multilinguisme, organisés dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.

Le champ culturel a, à cet égard, une grande responsabilité et il est souhaitable, en matière de spectacle vivant, que l'on s'inspire de l'exemple de l'opéra, où toutes les grandes œuvres du répertoire classique comme contemporain sont désormais proposées dans leur langue d'origine, assorties de surtitres.

Nous savons tous combien ce mode de traduction a contribué à élargir l'audience de l'art lyrique auprès du grand public. Permettez-moi de saisir cette occasion pour saluer le travail remarquable fait par l'ONDA dans ce domaine et pour le remercier d’avoir accepté d’être l'opérateur de ce colloque, auquel il a apporté sa connaissance du milieu artistique dans toutes ses composantes, son implication dans les échanges internationaux aussi bien que sa compétence en matière d'organisation de rencontres professionnelles. Je salue chaleureusement son directeur Fabien Janelle, sa présidente Sylvie Hubac, mais aussi son équipe, véritable task force au service des œuvres et des artistes.

3- Circulation des artistes extracommunautaires

La question de la meilleure circulation des artistes et des œuvres au sein des frontières de l’Europe est cruciale, mais nous savons qu’il est un obstacle plus difficile à franchir que les autres, c'est celui des frontières de l'Union même. Nous sommes tous aujourd’hui confrontés à la question de la circulation des artistes extracommunautaires. La France, par ses relations fortes avec les pays de la francophonie, et en particulier les pays du Sud, est très désireuse de partager son expérience sur cette question sensible.

4- Création d’outils pour une meilleure analyse de la mobilité et de son impact économique

Il y a un autre sujet qu’il ne faudra pas hésiter à aborder pendant ce colloque, c’est celui de la dimension économique de la culture.

Lors du forum qui s’est tenu à Avignon la semaine dernière autour des rapports entre la culture, l’économie et les médias, de nombreuses personnalités ont souligné combien cette dimension restait encore largement sous-estimée, alors que la culture représente aujourd’hui un chiffre d’affaires de 650 milliards d’euros en 2005 et près de 5 millions d’emplois en l’Europe !

Il est important de rappeler ces chiffres, parce que la culture est souvent vue comme un secteur qui coûte au contribuable, alors qu’elle est créatrice de richesses et d’emplois. Un festival de théâtre tel que celui d’Avignon ou celui de la Rhur-triennal ont en effet des retombées économiques indirectes, et pourtant substantielles, sur les échanges locaux, mais également sur l’image de la ville à l’international et son attractivité touristique.

Dans le domaine du spectacle vivant, cette dimension économique doit être davantage mise en valeur. Mais pour cela, il est indispensable de connaître ce dont on parle. Quantifier la mobilité, évaluer les flux des productions et les volumes d'échanges entre pays européens en matière de spectacle vivant est un enjeu de premier ordre, et il est indispensable de se doter des outils appropriés d’observation et d’analyse. La France a proposé de conduire la réflexion dans ce domaine au sein du groupe d'experts européens mis en place par la Commission.

5- Redéfinition des enjeux européens

Après avoir dressé un état des lieux et un diagnostic, il conviendra de définir des pistes d'évolution pour une redéfinition des enjeux européens, notamment dans la perspective de l'après 2013. Nous mettrons alors en place une nouvelle génération de programmes de soutien à la culture au niveau communautaire.

C'est dès maintenant qu'il faut réfléchir aux moyens que nous voulons nous donner pour améliorer la circulation des œuvres et des productions artistiques dans l'espace européen et au-delà.

Cela passe sans aucun doute par une simplification de l'accès aux financements communautaires, mais aussi par la mise en place de nouveaux instruments d'accompagnement à la circulation. En intervenant sur le surcoût induit par la circulation internationale des œuvres, sur les déséquilibres entre pays d'envoi et pays d'accueil, mais aussi sur l'environnement linguistique des productions, l'Europe serait sans aucun doute dans son rôle. Ces sujets sont encore des pistes à étudier, mais on sait que l'attente des professionnels européens en la matière est importante, et que certaines études explorent déjà de telles pistes de réflexion.

Mais c'est aussi aux professionnels du spectacle vivant de se saisir de ces échéances. Les travaux de la Commission avec les Etats membres sont une chose, mais rien ne remplacera l'influence que peut avoir un secteur professionnel sur les décisions prises au niveau communautaire. Il faut saluer à ce titre l'initiative du Syndeac de constituer un « groupe Europe du spectacle vivant », dont l'objectif est justement de sensibiliser les professionnels et d'être un interlocuteur privilégié des institutions communautaires. Je rappelle par ailleurs que Pearle, premier réseau européen d'employeurs du spectacle vivant, tiendra son assemblée générale à Paris dans quelques jours. Je voudrais citer enfin, sur ce sujet, le travail remarquable de la Convention théâtrale européenne, ou de l'Union des théâtres de l'Europe.

Toutes les études disponibles ou en cours de rédaction semblent montrer qu'il n'existe pas d'obstacle insurmontable à la circulation des artistes et des productions.

Pour l'Union européenne, comme pour les Etats membres, il s'agit bien de créer les conditions favorables à la circulation, chacun dans son champ de compétence. Celle des Etats est primordiale, et nous verrons combien l'internationalisation des pratiques artistiques implique une redéfinition des politiques nationales et régionales de soutien au spectacle vivant.


Sur ce point, le colloque doit aussi ouvrir de nouvelles voies : les structures de spectacle vivant, implantées au plus près de leur public, ont un rôle essentiel à jouer, en lien avec les régions et les villes d'Europe, pour développer de nouveaux modes de production et de diffusion. Il paraît essentiel d'encourager les partenariats entre structures équivalentes ou désireuses de travailler ensemble, et de constituer de nouveaux réseaux pour la diffusion du spectacle vivant européen, s'appuyant sur le très grand nombre de structures de création et de production présentes sur le continent.

Voilà quelques-uns des nombreux sujets qui vont vous mobiliser pendant ces deux journées.

Je veux saluer le comité scientifique qui a aidé l'Office national de diffusion artistique à concevoir la problématique des tables rondes. Composé de personnalités européennes de tous horizons et présidé par Madame Nele Hertling, qui dirigea notamment le Hebbel theater, théâtre phare de la création à Berlin et co-présidente du Haut conseil culturel franco-allemand.

Je tiens enfin à remercier les intervenants et les participants et à vous souhaiter à tous, de fructueux échanges.