Discours et communiqués de presse


Discours de Christine Albanel prononcé à l’occasion de la remise des insignes de Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’Honneur à Laurence Franceschini

mercredi 12 juin 2008

Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’Honneur à Laurence FranceschiniChère Laurence,

Tout le monde ici devine aisément le plaisir particulier qui est le mien, au moment de vous témoigner la reconnaissance de la France pour votre contribution éminente à la vie de ses médias, à sa vie démocratique.

Je sais que le professionnalisme, le dévouement, la force de conviction qui sont les vôtres vont de pair avec une réelle modestie. Aussi commencerai-je en parlant des autres, de cette assemblée réunie aujourd’hui pour vous rendre hommage. Une assemblée prestigieuse, très diverse, qui réunit d’anciens collaborateurs, des collègues actuels, vos équipes, des professionnels des médias, de la culture, du cinéma, de la musique, des hommes politiques, des hauts fonctionnaires. Elle donne la mesure de votre rôle, de l’importance des combats que vous portez, des liens d’estime et d’amitié que vous avez su tisser au fil des années dans le domaine des médias comme dans d’autres domaines.

Ils ont été nombreux, dans cette assemblée, à vouloir apporter leur pierre à cet éloge, soulignant tous la force d’une personnalité à la fois extrêmement rigoureuse et profondément attachante. L’un de mes plus proches collaborateurs garde ainsi de vos années d’études communes à Science Po – en plus d’une amitié indéfectible – le souvenir d’une étudiante extrêmement brillante avec, je cite, « un mélange très subtil et terriblement séduisant de réserve et de féminité revendiquée ». Nous pouvons faire entièrement confiance, pour distinguer les différentes composantes de cette chimie, à cet ancien président de la Cité des Sciences et de l’Industrie.

Moi je dirais qu’il y a en vous une élégance, une pudeur et en même temps une flamme toute méditerranéenne, un je ne sais quoi de pictural et de romanesque. Il y a en vous la poésie des héroïnes de Mérimée et l’énergie d’une Irène Pappas.

C’est pourtant dans un univers peu féminin et a priori peu poétique, au sein d’une administration qui avait, à l’époque, une réputation un peu militaire, la « DGI », Direction générale des impôts, que vous faites vos premières armes à la sortie de l’ENA. D’abord auprès du très sérieux bureau du cadastre, puis en qualité de responsable du bureau « Organisation, méthode et mise en place des grands projets informatiques ».


Votre mobilité statutaire effectuée au Conseil d’Etat confirmera votre goût et vos dispositions pour la matière juridique, dans ce qu’elle a de plus noble et de plus complexe, dispositions que vous saurez exercer un peu plus tard avec le talent que l’on sait au Conseil supérieur de l’audiovisuel en qualité de directeur juridique.

Désormais, le fil conducteur de votre carrière, sera, par excellence, le domaine des médias.

En 1999 vous êtes nommée sous directeur de la communication audiovisuelle au service juridique et technique de la communication, préfiguration de l’actuelle DDM. Les grands changements qui se profilent pour les médias à l’horizon d’un nouveau siècle vous passionnent. Vous en serez l’un des plus précieux artisans.

Avec l’énergie et le désir de performance qui vous animent, avec également une conscience aigüe des enjeux démocratiques, vous menez à bien la réforme de la loi sur la communication audiovisuelle et vous participez activement aux réflexions menées sur les nécessaires mutations économiques de la presse.

Vous devenez rapidement l’une des meilleures spécialistes du paysage de la communication. Mon prédécesseur, Renaud Donnedieu de Vabres, ne s’y trompe pas et vous confie en avril 2004 les fonctions de directrice adjointe de son cabinet. Pendant trois ans, vous saurez imprimer la marque de votre talent et de vos compétences. Vous y laisserez aussi l’empreinte d’une femme qui, dans un métier ô combien difficile, aura su par ses qualités humaines se forger de réelles amitiés. C’est grâce à cela qu’avec le ministre vous avez su, par exemple, surmonter les difficultés et les embûches d’un dossier comme celui de la loi DADVSI. C’est grâce à cela également que la loi sur la Télévision du futur a pu être adoptée dans de bonnes conditions, peu avant les élections.

L’aventure des médias se poursuit pour vous dans un autre contexte qui vous est cependant familier.

Je dirai, en m’inspirant de cette formule marquante utilisée dans les premières années du XXe siècle par un célèbre commissaire du Conseil d’Etat, que si, pour un temps, vous vous êtes détachée de la DDM, la DDM, elle, ne s’est jamais détachée de vous. Vous en devenez Directrice au début de l’année 2007.

Dans une conjoncture difficile, où les bouleversements technologiques obligent à conjuguer au futur les grands équilibres de la presse, de l’audiovisuel et de la société de l’information, vous avez à cœur de mener les combats qui s’imposent pour moderniser et adapter le secteur de la communication, de veiller à la mise en œuvre de la politique soutenue par ce gouvernement.

Comme vous aimez le rappeler aux spécialistes qui vous entourent, comme à vos proches collaborateurs, la réussite des grands projets, c’est avant tout un travail d’équipe, de confiance mutuelle. Ne pas hésitez à

dire vrai pour voir juste, voilà ce que vous exigez de vous-même, voila ce que vous obtenez de tous.

En définitive, ce qu’il y a de rare chez vous, ma chère Laurence, et que je voulais souligner ce soir, c’est en effet ce « mélange » harmonieux des qualités intellectuelles qui sont les vôtres et sur lesquelles je n’ai pas besoin d’insister, et d’une extrême sensibilité, à fleur de peau, qui transparaît dans votre façon d’être, de regarder, de réagir aux autres et cela le plus naturellement du monde, donnant ainsi un formidable démenti à l’image caricaturale – et parfois fausse ! – du haut fonctionnaire bardé de certitudes.

Je crois savoir que dans votre bureau, rue de Varenne où domine le rouge de la passion, au milieu des meubles et objets qui vous tiennent compagnie, les trois figures que vous avez choisies sont celles de Malraux, Churchill et Camus, trois hommes exceptionnels, trois hommes de courage, de conviction et d’engagement, trois figures littéraires aussi, qui savaient conjuguer la rigueur avec l’humanisme.

Certains ne manqueront pas de relever que ces trois figures, Malraux, Churchill et Camus forment aussi les initiales MCC et qu’il y avait peut-être dans votre choix, inconsciemment, quelque chose de prémonitoire qui annonçait, pour notre plaisir à tous, l’entrée de la DDM dans notre ministère.

En cette année 2008 si importante pour les médias, il est essentiel pour moi de pouvoir compter sur votre intime connaissance du secteur et de ses rouages, sur votre vision, sur votre dynamisme et votre opiniâtreté, même, dans la défense de la qualité de l’information pour tous. Les chantiers que nous avons engagés ou que nous allons engager cette année sont nombreux :

- la réforme de France Télévisions, la révision du système de financement de la production audiovisuelle avec la mission confiée à David Kessler et Dominique Richard, la transposition de la directive européenne Service de Médias Audiovisuels : toutes ces mesures de modernisation de l'audiovisuel qui donneront l'occasion de réformer profondément le PAF dès l'automne prochain, par la loi et le règlement ;

- le passage de la télévision analogique à la télévision numérique, avec un premier site pilote dès la fin de cette année ;

- le déploiement des nouveaux modes de diffusion de la télévision : télévision mobile personnelle, haute définition, télévision à la demande ;

- la radio numérique qui permettra à ce média si présent dans le quotidien des Français de pouvoir continuer à les accompagner partout ;

- la mise en place d'un audiovisuel extérieur rassemblé, renforcé pour offrir le plus large rayonnement aux programmes audiovisuels français et francophones mais aussi au regard français sur l'actualité du monde ;

- enfin, les Etats Généraux de la presse écrite qui permettront de mettre sur la table l’ensemble des défis lancés à ce secteur ;

Tous ces chantiers, vous les avez déjà pris à bras le corps, avec la détermination et l’énergie qui sont les vôtres. Avec, également, cette volonté de concertation, cette capacité d’écoute et de dialogue qui font de vous une interlocutrice particulièrement respectée et appréciée de tous les professionnels. Et tous ces chantiers, vous les menez sans délaisser votre vie de famille. Je salue vos proches et en particulier vos deux enfants, François et Marie, qui peuvent être très fiers de leur mère.

Chère Laurence, en leur nom, en celui de tous ceux qui ont ou ont eu la chance immense de travailler à vos côtés, je voudrais tout simplement vous dire merci. Merci pour ce que vous avez déjà accompli, merci pour ce que nous allons accomplir ensemble, dans ce ministère où vous avez été désignée pour assurer la préfiguration de l’une des trois nouvelles directions générales, et puis aussi merci d’être ce que vous êtes.

Laurence Franceschini, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion d’honneur.

photo : Didier Plowy/MCC