Discours et communiqués de presse

Discours de Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l’occasion de l’inauguration du Midem 2009.

Cannes, le 18 janvier 2008

Monsieur le sénateur, messieurs les députés,
Monsieur le directeur général, cher Paul Zilk,
Madame la directrice du MIDEM, chère Dominique Leguern,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,

C’est un très grand plaisir et un honneur pour moi d’inaugurer cette 43e édition du MIDEM.

Ce rendez-vous est désormais une référence internationale. J’en veux pour preuve le nombre croissant de participants, la diversité de leurs activités et de leurs nationalités, que j’ai pu constater en visitant quelques-uns des nombreux stands.

Je me félicite tout particulièrement du remarquable succès du MidemNet, qui réunit les grands opérateurs français et internationaux de la téléphonie mobile et de l’Internet. Nous en sommes tous conscients, l’avenir de la filière musicale s’écrira à l’encre du numérique. Et cet avenir passe par l’invention de nouveaux modèles économiques qui prennent pleinement en compte la diffusion légale des œuvres via les nouveaux réseaux. J’aurai l’occasion d’y revenir.

La situation de la musique enregistrée n’est pas bonne, nous le savons tous : une baisse du chiffre d’affaires de 15% pour la France en 2008, de 50% depuis 2003. Quelle filière industrielle, dans notre histoire récente, a été confrontée à un choc d’une telle ampleur, sur une aussi courte période de temps ? Si j’emploie le terme industriel, c’est à dessein. Oui, nous sommes bien confrontés à la fois à un désastre culturel – car de nombreux contrats d’artistes ont dû être résiliés, et le nombre de nouveaux artistes « signés » a diminué chaque année – mais également à un désastre industriel et social – puisque les maisons de disque ont perdu plus d’un tiers de leurs effectifs.

J’ai déjà eu l’occasion de le souligner lors du récent Forum d’Avignon, qui réunissait pour la première fois les acteurs de la Culture et de l’Economie : les activités culturelles au sens large représentent 1/40ème du PIB et de l’emploi en France. Au sein de cet ensemble, les industries culturelles occupent 157 000 salariés, et réalisent un chiffre d’affaires de 43 Mds d’euros.

Dans le contexte économique que nous connaissons, ce sont des chiffres que les pouvoirs publics ne peuvent ignorer. D’autant que la filière musicale, plus que toutes les autres industries culturelles, est constituée d’un réseau d’innombrables PME : 99% des entreprises ont moins de 20 salariés ! Celles de moins de 50 salariés représentent la moitié de l’emploi du secteur ! La musique est très largement un univers d’artisans.

Ce foisonnement est une source de richesse, il reflète le dynamisme et la créativité qui anime les professionnels du secteur. Mais, de même que le succès d’un album ou d’un artiste peut donner à un label plusieurs mois, voire plusieurs années de visibilité, l’échec d’une production ou la brusque dégradation des conditions du crédit, peuvent compromettre son existence même.

C’est pourquoi l’action de l’État est décisive. Il ne s’agit pas, bien évidemment, de nationaliser ces entreprises. Je ne crois d’ailleurs pas qu’elles le souhaitent ! Mais d’utiliser toute la palette qui s’offre à un État moderne : créer un environnement juridique stable et sûr, qui permette aux créateurs et aux industriels de faire respecter leurs droits ; mettre en œuvre des incitations ciblées, qui encouragent la diversité et le renouvellement de la création ; garantir un accès au crédit ou à différentes mesures d’accompagnement qui permettent de moderniser les structures des entreprises et leur outil de production.

J’ai présenté, ici-même, il y a un an, un vaste plan de renouveau de l’industrie musicale. Toutes les mesures que j’avais alors envisagées sont aujourd’hui soit mises en œuvre, soit décidées ou sur le point de l’être. Elles devraient produire leur plein effet à compter de cette année. Je souhaite pouvoir, à l’occasion du MIDEM 2010, constater le renversement de tendance pour lequel nous nous battons tous.

Ce plan comportait trois volets complémentaires, pour répondre aux trois enjeux de la modernisation de la filière musicale : faire d’Internet un vecteur privilégié de diffusion de la musique, tout en luttant contre la piraterie ; consolider la rémunération des artistes et des entreprises ; soutenir la création, l’emploi et l’adaptation des entreprises.

L’enjeu est très vaste. A l’heure où nous entrons dans la civilisation numérique, il s’agit tout simplement de saisir la chance qu’elle représente pour la culture, pour sa démocratisation, pour le renouvellement de la création, et pour la valorisation de son potentiel de développement économique, tout cela en faisant respecter, sur les nouveaux réseaux, les valeurs et les droits qui sont au fondement de notre société.

Le Président de la République l’a rappelé lors de ses vœux au monde de la culture à Nîmes : la France a inventé le droit d’auteur, clé de voûte de l’équilibre toujours fragile de la création. Et elle l’a défendu avec détermination à chaque révolution technologique.

Aujourd’hui, nous sommes les premiers à fouler ce droit aux pieds. Nous détenons en effet le record mondial du piratage sur Internet, avec un milliard de fichiers échangés illégalement chaque année et des internautes français qui consacrent deux fois plus de temps que leurs homologues allemands, américains ou anglais à l’échange de fichiers.

La situation des créateurs et des entreprises françaises ne serait pas si alarmante si l’effondrement du marché des biens « physiques », CD et DVD, était compensé par les ventes en ligne. Mais ce n’est pas du tout le cas à l’heure actuelle.

En effet, alors que ces ventes représentent en moyenne 20% du total dans la plupart des grands pays comparables au nôtre (plus de 25% aux Etats-Unis), elles atteignent à peine 6% en France en 2008 avec un chiffre d’affaires de 61,4 M € pour un marché « physique » de 987,6 M€.

Il fallait une vraie prise de conscience de l’urgence de la situation.

L’accord de l’Elysée signé quelques semaines avant le MIDEM 2008 a marqué une étape décisive à cet égard, en réunissant les professionnels de l’Internet et de la culture autour d’objectifs partagés : lutter contre le piratage et développer l’offre légale – deux actions indissociables ; et décriminaliser les internautes en substituant à la lourde sanction pénale actuellement encourue un dispositif pédagogique et progressif.

Prise de conscience de la part des professionnels de tous les secteurs concernés, et prise de conscience de la part de la représentation nationale. Le Sénat a en effet adopté le 30 octobre dernier le projet de loi « Création et Internet » et ce, sans aucune voix contre.

Je crois que les esprits sont mûrs et que le sursaut tant attendu est en train de se produire.

Les acteurs de la filière musicale ont d’ailleurs consenti des efforts importants ces dernières semaines et même ces tout derniers jours, qui démontrent leur esprit de responsabilité. Les majors comme de nombreux indépendants ont en effet décidé de retirer les verrous numériques qui protègent les œuvres mais bloquent leur utilisation sur tous les matériels.

Avec ces décisions, et celle de la plateforme iTunes, c’est la quasi-totalité de l’offre légale « à l’acte » qui est désormais offerte sans DRM bloquants aux internautes français. Qui l’aurait dit voici un an ? Je rappelle en effet que les maisons de disque s’étaient engagées, en signant l’accord de l’Elysée, à retirer ces dispositifs seulement un an après la mise en œuvre de la loi « Création et Internet ». C’est donc un geste très fort en direction des consommateurs, car il intervient avant même le vote de la loi à l’Assemblée Nationale.

Parallèlement, de nouveaux modèles d’offres légales continuent à apparaître, qui accroissent le nombre de titres disponibles et abaissent le coût unitaire des œuvres achetées. Certains mêmes sont gratuits pour le consommateur. Soit grâce au financement publicitaire, qui permet de rémunérer les créateurs : et je tiens à saluer, par exemple, l’accord entre Deezer.com et la SACEM. Soit parce que c’est le choix de l’artiste d’offrir ses œuvres au public. Le site d’information « jaimelesartistes.fr », que j’ai tenu à créer pour sensibiliser les internautes à la richesse de l’offre légale, en donnera un exemple dès aujourd’hui : sept artistes de musique électronique ont accepté d’y mettre des « mix » gratuitement à disposition. Je les remercie au passage, ainsi que FG et Antoine Baduel qui sont nos partenaires dans cette opération.

Je signale au passage que l’autre volet de l’accord de l’Élysée relatif à l’amélioration de l’offre légale, qui concerne le raccourcissement des délais de la « chronologie des médias », pourrait lui aussi être mis en œuvre beaucoup plus tôt que prévu, grâce à l’esprit de responsabilité des acteurs du cinéma et de l’audiovisuel.

En effet, la consultation à laquelle le CNC vient de procéder auprès des professionnels démontre en effet que les délais de sortie des films en DVD et en vidéo à la demande (VOD), actuellement de six mois et de sept mois et demi, pourraient être ramenés à quatre mois dès le vote de la loi – et non pas un an après, comme prévu par l’accord de l’Elysée.

Chacun a fait du chemin. La balle est désormais dans le camp des pouvoirs publics. Le Président de la République l’a réaffirmé à Nîmes : le vote de la loi « Création et Internet » doit intervenir au plus vite.

Vous connaissez les grandes lignes du mécanisme que ce texte instaure : une Haute Autorité, indépendante et impartiale, gardienne du secret de la vie privée des internautes, est saisie les ayants droit. Elle adresse des messages d’avertissement par mail puis par lettre recommandée avant, en dernier recours, de prononcer la suspension de l’abonnement pour quelques semaines ou quelques mois. Encore l’internaute peut-il réduire la durée de cette suspension en acceptant une transaction avec la Haute Autorité. Pour les entreprises, ou pour tous les autres cas particuliers, la suspension peut être remplacée par une injonction de mettre en place des mesures préventives.

Je ne m’attarderai donc que sur certaines objections parfois soulevées au sujet de ce projet de loi.

Première objection : le choix, comme « mesure ultime », de la suspension de l’abonnement Internet de préférence, par exemple, à une amende.

Je suis attachée à cette solution, que les industries culturelles et les fournisseurs d’accès à Internet se sont accordés à proposer aux pouvoirs publics. Car elle manifeste très clairement la volonté de décriminaliser le piratage ordinaire, en instaurant une procédure totalement différente de celle qui est suivie devant le juge correctionnel. Une amende aurait brouillé le message. Elle aurait également créé une inégalité entre les internautes les plus aisés, pour lesquels elle ne signifierait rien, et ceux qui se verraient dans l’impossibilité de l’acquitter.

Quant à l’idée que la suspension de l’abonnement à Internet à domicile porterait une atteinte disproportionnée à la liberté de communication et d’expression, dont seul le juge pourrait prendre la responsabilité, elle me plonge dans la perplexité !

La résiliation de l’abonnement Internet est déjà prévue dans tous les contrats passés par les fournisseurs d’accès avec leurs abonnés, pour les cas où ceux-ci ne s’acquittent pas de leurs factures ou se livrent à un usage inapproprié. Pas besoin, pour mettre en œuvre cette résiliation, du juge, ni même de l’autorité administrative ! Une simple mise en demeure suffit… On peut donc résilier sans problème, de façon unilatérale, l’abonnement des mauvais payeurs. Mais on violerait gravement les droits de l’homme en suspendant l’abonnement de ceux qui violent le droit de propriété des créateurs, et ce, en passant par une autorité indépendante, dans le cadre d’une procédure contradictoire ? Un tel raisonnement ne tient pas la route.

J’en viens à présent à la deuxième objection la plus fréquemment soulevée : la Haute Autorité violerait la vie privée, elle serait préposée au fichage des internautes, à la surveillance généralisée des réseaux. Quel paradoxe ! En effet les autres pays qui pratiquent l’envoi de messages d’avertissement aux internautes voire la suspension de l’accès à Internet – et ils sont de plus en plus nombreux : Etats-Unis, Norvège, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni – se passent entièrement de l’intervention publique. Le mécanisme est purement contractuel et résulte d’accords entre les fournisseurs d’accès et les ayants droit. La particularité de « l’approche française », c’est justement d’interposer entre les parties en présence une autorité indépendante, qui assure la prévention du piratage tout en protégeant le secret de la vie privée.

Troisième et dernière objection : cette loi serait dictée par les « majors », accrochées à la défense de « privilèges » obsolètes. Mais le projet de loi « Création et Internet » a reçu le soutien de tout le monde de la musique. Et je ne reviens pas sur la prédominance des PME dans l’industrie musicale.

Ces structures indépendantes, de France et de toute l’Europe, se sont réunies en octobre dernier, quelques jours avant le vote du Sénat, pour dresser leurs perspectives d’avenir dans le cadre des premières « Arènes européennes de l’Indépendance ». Toutes ont conclu que cet avenir resterait bouché tant qu’elles seraient expropriées de leurs droits sur Internet. Elles ont apporté un soutien massif au projet de loi et je remercie leurs chefs de fil ici présents, comme Vincent Frèrebeau, Michel Lambot, Stephan Bourdoiseau ou Patrick Zelnik.

Cette loi, c’est la loi de tous les créateurs, celle de tous les labels et des jeunes talents, celle des dizaines de milliers d’acteurs de la filière, du technicien à l’artiste interprète, de l’auteur au producteur en passant par le diffuseur.

Je me félicite que cette approche globale et innovante, initiée par la France voici un an, se soit entre-temps largement diffusée. Le 24 juillet 2008, un memorandum inspiré de l'accord de l'Élysée a été signé au Royaume-Uni entre les six principaux fournisseurs d'accès à Internet et les industries culturelles. Et le 20 novembre suivant, les 27 ministres de la culture et de l’audiovisuel de l’Union européenne, réunis au sein du Conseil, ont unanimement approuvé des conclusions sur le thème des « Contenus créatifs en ligne », qui encouragent la prévention et la lutte contre le piratage et saluent la mise en place par certains États, dont la France, de mécanismes non judiciaires, pédagogiques et progressifs.

Ce projet de loi dont je souhaite le vote au plus tôt, il faut en anticiper, autant que possible, la promulgation. Car sa mise en œuvre doit être rapide. Les semaines qui nous séparent du vote ne doivent pas être perdues. Je souhaite donc lancer immédiatement la rédaction des futurs textes d’application du projet, en liaison aussi bien avec les signataires de l’accord de l’Elysée qu’avec la CNIL. Les fournisseurs d’accès, par ailleurs, doivent anticiper dès à présent le traitement des requêtes qui lui seront adressées par la Haute Autorité et la mise en œuvre des mesures de suspension qu’elle pourrait décider, en adaptant si nécessaire leurs systèmes d’information.

Parallèlement, je souhaite étendre la méthode de l’accord de l’Élysée à ce qu’on appelle les « sites contributifs » du Web 2.0. Le succès de ces prestataires représente en effet un enjeu énorme du point de vue du respect des droits d’auteur et du droit moral des artistes. Lors du Forum d’Avignon, Didier Lombard voyait dans l’entreprise qui dominera ce nouveau marché le successeur de Microsoft et de Google. La France peut d’ailleurs s’enorgueillir, avec Dailymotion, de l’existence d’un champion national. Raison de plus pour tenter de rapprocher les points de vue des ayants droit, des sites contributifs et des chaînes de télévision sur les moyens de prévenir les atteintes aux droits d’auteur. Je me félicite d’ailleurs de l’accord récemment conclu entre Dailymotion et la SACEM, qui aboutit à un partage de recettes publicitaires au bénéfice des créateurs représentés par cette société.

C’est l’objet d’une mission que je viens de confier, conjointement avec Luc CHATEL et Eric BESSON, au professeur Pierre SIRINELLI. Au nombre des pistes examinées par cette mission, en liaison avec tous les acteurs concernés, devra figurer celle d’une charte consignant les engagements des acteurs du « Web 2.0 » et des différents titulaires de droits. Le but est d’évaluer et, si les résultats sont probants, de mettre en place le plus rapidement possible les technologies de marquage et de reconnaissance des contenus.

Il est clair que l’avenir est à la coexistence de multiples sources de revenus : la vente sur supports physiques ou numériques, les recettes publicitaires, les « droits exclusifs » ou les droits calculés de façon forfaitaire tels que la rémunération pour copie privée ou la « rémunération équitable », etc.

La question de la durée des droits des artistes interprètes et des producteurs est pour moi une vraie préoccupation. Cette durée est aujourd’hui harmonisée à cinquante ans pour les États membres de l’Union européenne, alors qu’elle varie de soixante à quatre-vingt-quinze ans dans des pays aussi importants pour la culture musicale que les États-Unis ou le Brésil. Cela pose des problèmes évidents d’équité pour les artistes qui ont commencé leur carrière très jeunes. Mais également de financement de la filière et de renouvellement de la création : si les producteurs de disques misent sur de nouveaux talents, c’est parce qu’ils peuvent compter sur l’exploitation du fonds de catalogue.

J’ai donc saisi, quelques jours avant le MIDEM 2008, la Commission européenne d’une initiative à ce sujet, après concertation avec plusieurs autres États membres. Cette initiative a prospéré sous la présidence française de l’Union européenne, puisqu’un projet de directive est sur le point d’être transmis au Parlement. Il allonge à 95 ans la durée des droits des artistes et des producteurs. Il prévoit en outre des mesures complémentaires en faveur des artistes, notamment sous le principe d’un prélèvement sur les recettes supplémentaires dégagées par les producteurs. Dans ce dossier que j’ai lancé puis favorisé, la France continuera à jouer un rôle moteur pour favoriser un aboutissement rapide, dans le courant de l’année 2009.

Consolider le financement de la filière musicale, c’est aussi faire en sorte que l’utilisation de la musique – c'est-à-dire sa diffusion au public et sa copie à usage privée – fassent l’objet d’une juste rémunération. J’ai donc veillé avec une attention particulière à ce que la « rémunération équitable » et la rémunération pour copie privée évoluent pour tenir compte des nouveaux usages.

Dans le cas de la « rémunération équitable », les négociations conduites sous l’égide de l’État ont abouti à réactualiser le barème applicable aux radios privées et aux radios publiques. Ces barèmes étaient inchangés depuis 1993. Le montant versé aux artistes interprètes et aux producteurs augmentera ainsi de 38% sur les radios privées et de 30% sur les radios publiques, ce qui représentera un effort de 9 M€ chaque année, au total, en faveur de la filière.

Je souhaite à présent que ce mouvement de remise à niveau se poursuive, en envisageant les tarifs applicables aux autres secteurs et notamment aux « lieux sonorisés » – c'est-à-dire les bars, hôtels ou restaurants qui diffusent de la musique – qui ne versent pour l’instant qu’une rémunération très modeste à ce titre : en moyenne de quelques dizaines d’euros par entreprise et par an. Je souhaite également que les négociations en cours avec les chaines de télévision, très avancées, puissent aboutir dans les meilleurs délais : il en va de l’intérêt même de toutes les parties.

S’agissant maintenant de la rémunération pour copie privée : avec environ 170 M€ par an, elle représente une part capitale du financement de la création française toutes disciplines confondues et contribue au maintien de sa diversité.

Il s’agit, je tiens à le dire, d’un enjeu majeur pour le financement des industries culturelles, enjeu dont l’importance est bien sûr croissante avec le progrès des technologies, qui permettent de reproduire des œuvres à l’infini. Enjeu pour ses bénéficiaires directs, tout d’abord – les auteurs et les artistes interprètes qui en perçoivent les trois quarts, ainsi que les producteurs. Mais enjeu aussi en termes de solidarité interprofessionnelle, puisqu’un quart de cette ressource est utilisée pour soutenir la création, la diffusion du spectacle vivant et la formation des artistes : au total, plus de 4 000 projets artistiques sont concernés chaque année.

Je tiens donc à réaffirmer mon attachement à ce système voulu par le législateur en 1985, d’autant qu’il fait l’objet d’attaques particulièrement injustes. J’entends parler de « taxe », alors qu’il s’agit de l’exercice du droit d’auteur. J’entends parler « d’opacité », alors que son montant est fixé par une commission de 24 membres, composée à parité des bénéficiaires et des contributeurs de la rémunération…

Mon attachement n’exclut pas, bien entendu, une réflexion sur la modernisation de la rémunération pour copie privée. Ainsi, afin de favoriser un meilleur climat de travail au sein de la commission chargée de déterminer les barèmes, j’ai décidé, conjointement avec Eric BESSON et après consultation de toutes les parties, une série de mesures de réforme de son fonctionnement. J’ai élaboré le projet de décret nécessaire, et la réforme pourrait entrer en vigueur avant la fin du premier trimestre. Il est aussi prévu que le montant de la rémunération soit affiché avec le prix de vente des matériels assujettis, pour mieux informer le consommateur. La rémunération pour copie privée doit en sortir consolidée.

Vous le savez, je viens d’obtenir du Parlement le vote d’une extension considérable du crédit d’impôt en faveur de la production de nouveaux talents, créé en 2006. Le montant total de l’enveloppe a été quadruplé, de 3 M€ à 12 M€, notamment grâce au relèvement de l’aide maximale dont peuvent bénéficier les entreprises (700 000 ou 1 100 000 €, au lieu de 500 000 € actuellement) et surtout grâce à l’élargissement très sensible des dépenses prises en compte dans le calcul du crédit d’impôt : je pense notamment aux salaires des personnels permanents affectés à la production. Cette mesure sera rétroactive au 1er juillet 2007, et aura donc un effet immédiat sur les comptes des entreprises.

Cette décision a été approuvée par la Commission européenne au mois de juillet dernier, et traduite dans la loi à l’occasion du vote de la loi de finances pour 2009. La disposition ainsi adoptée a été transmise à la Commission dans le cadre d’une procédure simplifiée d’information, d’une durée d’un mois. Parallèlement, j’ai saisi ma collègue Christine LAGARDE pour que les textes d’application soient pris dans les meilleurs délais, et en tout état de cause avant le 1er avril prochain, date de clôture des exercices de certaines entreprises.

Pour moi, le crédit d’impôt est une mesure d’incitation exemplaire, aussi bien d’un point de vue économique que culturel. A ce jour, une centaine de labels et près de 1300 productions en ont bénéficié. L’effet du quadruplement de l’enveloppe sur la création, et notamment sur les PME, devrait donc être considérable.

Pour ces raisons, je m’engage à faire du renouvellement de cette mesure pour une nouvelle période de quatre ans, de 2010 à 2013, une priorité dans le cadre de la négociation du PLF 2010.

Quant à la question de l’accès au crédit des entreprises indépendantes, comme les petits labels de production ou les petits distributeurs, elle est devenue plus cruciale que jamais avec la crise financière. J’ai engagé l’année dernière des négociations avec la Caisse des dépôts, pour tripler – de 2,9 à environ 9 M € – le Fonds d’avance aux industries musicales, réservé aux PME de la filière et géré par l’IFCIC – dont je tiens à souligner le rôle irremplaçable et surtout croissant dans le financement des industries culturelles.

Je vous annonce que cette négociation vient d’être conclue et que le conseil d’administration de l’IFCIC pourrait en approuver les termes le 4 février, pour une entrée en vigueur le 15 février.

Dernier élément à mes yeux essentiel pour l’avenir de la filière musicale : la régulation des rapports sociaux.

J’ai veillé dès ma nomination, avec les services du ministère du Travail, à encourager et à accompagner la négociation conduite par les partenaires sociaux, afin d’aboutir à une nouvelle convention collective pour la filière. Et je me félicite qu’un accord historique, intervenu cet été, ait pu recueillir la signature de toutes les organisations représentatives. Ce texte vient combler un vide conventionnel de plus de quinze années. Il modernise de façon radicale les rapports sociaux dans l'industrie musicale et contribue à la diversité culturelle :

- les musiciens percevront désormais, au delà du cachet de base, un intéressement au chiffre d'affaires du secteur et un pourcentage des droits perçus par les producteurs ; ce dispositif novateur est sans équivalent en Europe ;


- un protocole additionnel facilite l'exploitation des enregistrements les plus anciens, dans l'intérêt commun des musiciens et des producteurs ; les consommateurs pourront ainsi accéder à des œuvres inexploitées qui dorment dans les catalogues des maisons de disques.

La convention constituera un outil de modernisation décisif pour les entreprises de ce secteur. Je m’engage à favoriser son entrée en vigueur la plus rapide possible, ainsi que sa bonne application.

En l’espace d’un an, j’ai donc décidé – et, pour une large part, mis en œuvre – un éventail complet de mesures qui mobilisent des moyens sans précédent, à la hauteur des mutations du secteur musical. Cet effort représente plus d’une trentaine de millions d’euros par an, sans compter les effets attendus de la lutte contre la piraterie, ni ceux de l’extension de la durée des droits.

D’abord, je voudrais que l’on examine de façon globale la question du financement des entreprises de la filière. Serait-il par exemple pertinent de créer une société de financement dédiée à la musique, sur le modèle des SOFICA du cinéma ? J’ai donc demandé à Georges-François HIRSCH, directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, de conduire une consultation rapide avec les professionnels et de me faire des propositions qui pourraient donner lieu à des mesures inscrites au PLF 2010.

Deuxième chantier : l’accès aux marchés pour les entreprises. La production culturelle doit être distribuée sur l’ensemble des territoires. Face au désengagement de la grande distribution et des magasins spécialisés dans la vente de disques, la situation devient particulièrement difficile pour certains labels ou répertoires : par exemple, les musiques classiques ne trouvent plus d'espace pour rencontrer le public. C’est une autre cause de la baisse du chiffre d'affaire du secteur. Nous devons réfléchir sur ce sujet, ainsi que sur celui de la durée d’exposition des œuvres culturelles en magasin, dans les bacs des disquaires, qui doit être préservée et encouragée.

La trop faible diversité des œuvres diffusées à la radio a des conséquences voisines. Si on ne relève pas de dégradation, la situation demeure concentrée : peu de titres bénéficient toujours de la majorité de l'audience. Je souhaite donc réunir au printemps prochain les diffuseurs et la filière musicale, afin de dresser un constat partagé sur la base du suivi assuré depuis 2003 par l’Observatoire de la musique de la Cité de la musique. Nous déterminerons alors ensemble, si besoin, des pistes d'intervention.

Un troisième axe de travail pourrait porter sur la défense de la diversité culturelle. Je crois en effet que l’idée d’aménager le droit de la concurrence de façon à ce que les PME puissent se développer, fait son chemin au niveau communautaire. Les principes du « Small business act » présenté cet été par la Commission européenne en témoignent. Je souhaite examiner, avec les professionnels, avec mes collègues au Gouvernement et avec les autorités européennes, comment ils pourraient être déclinés dans le cas particulier des entreprises culturelles. Et plus précisément, dans quelle mesure le maintien et le développement de la diversité pourraient être regardés comme des objectifs d’intérêt général, qui justifieraient que des dérogations puissent être apportées aux règles communautaires de la concurrence « pure et parfaite ».


La mention du niveau communautaire m’amène enfin au combat pour un taux de TVA spécifique applicable aux biens et services culturels, notamment en ligne. C’est le plus difficile à mener. Il suppose, vous le savez, une position unanime des États membres de l’Union européenne. Nous ne pouvons donc pas compter sur l’exemple réussi que pourraient offrir à leurs partenaires les États membres d’un « groupe de tête ».

Mais je crois, très profondément, à la justesse de ce combat. Dans d’autres secteurs, le caractère stimulant pour la demande de taux de TVA ciblés a été démontré. Je pense notamment aux travaux réalisés au domicile des particuliers. Cette mesure a d’ailleurs eu pour vertu de faire disparaître très largement le travail au noir. De même, la TVA réduite sur la musique pourrait avoir une incidence directe sur le piratage en abaissant de près d’1/6e le coût pour le consommateur.

Le Président de la République et moi-même sommes déterminés à poursuivre cette lutte. Le récent exemple de la restauration, et le contexte économique présent, qui appelle des mesures de relance du pouvoir d’achat, nous donne quelques chances d’espérer.

Voilà donc le cadre et les perspectives de cette nouvelle édition du MIDEM. J’espère avoir pu donner à chacun – artistes, entrepreneurs, amateurs de musique – quelques-uns des signes encourageants qu’il est en droit d’attendre de l’intervention des pouvoirs publics, à la fois pour le développement de ce secteur et pour la diversité des œuvres et des créateurs.

Je vous souhaite un excellent MIDEM.