Discours et communiqués de presse

 

Discours de Christine Albanel

Ouverture du symposium « Lascaux et la conservation en milieu souterrain »


jeudi 26 février 2009

Ouverture du symposium « Lascaux et la conservation en milieu souterrain »Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,


Je suis très heureuse d’ouvrir ce symposium sur « Lascaux et la conservation en milieu souterrain ».
Pendant deux jours, des chercheurs, des experts et des scientifiques du monde entier vont confronter, partager leurs points de vue, l’état de leurs connaissances, l’avancée de leurs expérimentations sur les grottes ornées à travers le monde.

Nous sommes tous conscients des défis scientifiques que représentent ces trésors du patrimoine mondial ; des problèmes inédits, éminemment complexes, que pose leur préservation : comment conserver des peintures fragiles dans un milieu vivant ?
Nous sommes également tous conscients de l’enjeu. A Lascaux, en France, à Altamira, en Espagne, au tumulus de Takamatsuzuka, au Japon, ce sont des chapitres de l’histoire de l’humanité qui nous sont donnés à lire. Ce sont des messages inestimables, uniques, laissés il y a quinze mille, dix-huit mille ans, qui nous parviennent.
J’ai eu la chance de pénétrer en juillet dernier dans la grotte de Lascaux. J’ai été véritablement frappée, émue par la puissance artistique des dessins, par leurs couleurs. J’imagine l’émotion qu’ont pu ressentir M. Georges Agniel, ici présent, et ses trois camarades en découvrant ce trésor par hasard en 1940…

J’imagine aussi combien cela a dû être difficile, pour André Malraux, de prendre la décision de fermer le site en 1963. Lui qui était si attaché à partager les trésors de l’humanité avec le grand public.
Nous savons que c’était une mesure indispensable : depuis 1948, la grotte avait connu un fréquentation élevée, jusqu’à 1800 visiteurs par jour ! C’est aussi cette fermeture qui a suscité le projet de Lascaux II, tant était grand le désir de transmission. Je tiens, à ce sujet, à saluer l’initiative du conseil général de la Dordogne.
Les messages de Lascaux ont traversé le temps. A nous aujourd’hui de faire en sorte qu’ils parviennent, intacts, aux générations futures. Nous en avons la responsabilité.
Cette question passionne, nous l’avons bien vu récemment en France : il y a eu une vive émotion, une grande inquiétude de l’opinion publique au sujet de l’état actuel de la grotte de Lascaux.
Le ministère de la Culture et de la Communication met tout en oeuvre pour faire progresser les recherches. Lascaux est pour moi une priorité et je tiens à ce que nos recherches et nos actions soient menées en toute transparence.

Vous le savez, le ministère a créé en 2002 le comité scientifique de la grotte de Lascaux pour répondre à une première crise : une contamination biologique, avec l’apparition de moisissures blanches sur les sols et de petites tâches noires sur les voûtes. Les traitements appliqués alors ont été couronnés de succès, au bout de quelques années, en 2004.

La deuxième grande difficulté est apparue durant l’été 2007 avec l’apparition de nouvelles taches noires dans les voûtes du Passage, l’Abside et la Nef.
Depuis lors, des traitements ont été appliqués sur des zones tests et les résultats sont observés et analysés. Nous sommes encore aujourd’hui dans cette phase d’observation, nécessaire, forcément longue. Elle doit nous permettre de mieux comprendre les interactions complexes à l’oeuvre dans ce milieu vivant qu’est la grotte et, en évitant toute précipitation, d’éviter les erreurs du passé.

Depuis sa création, le comité scientifique a donc eu à affronter des crises complexes, totalement inédites. Je tiens à saluer son action. Il a élaboré un programme global de conservation, en associant les recherches de plusieurs disciplines. De nouveaux outils ont été mis au point : constat d’état, modèle 3D, simulateur, et tout récemment, un projet de « grotte laboratoire » a démarré. L’idée est de réaliser des tests curatifs sur une grotte présentant des caractères géomorphologiques similaires à ceux de Lascaux.

Ce programme est conduit sous l’égide de la direction régionale des affaires culturelles.
Aujourd’hui, la grotte est toujours malade et nous devons continuer d’agir avec beaucoup de détermination, c’est ma volonté.
J’ai signé en juillet dernier la convention d’application du contrat de projets Etat-Région 2007-2013 portant sur la préservation et la mise en valeur du patrimoine culturel, naturel et paysager de la vallée de la Vézère, qui permettra de sanctuariser la colline de Lascaux. Je veux souligner que le consensus qui s’est établi autour de la sanctuarisation de la colline de Lascaux est le signe que protection du patrimoine et valorisation locale peuvent – et doivent – aller de pair. Je veux d’ailleurs saluer la présence, ce matin, de M. Cazeau, président du conseil général de la Dordogne, dont nous connaissons l’engagement sur ce dossier.
Je veux maintenant aller plus loin dans l’autonomie des recherches scientifiques. J’installerai personnellement le nouveau comité scientifique à la mi-mai, pour un mandat de quatre années. Je souhaite qu’à cette occasion, il soit profondément renouvelé, à la fois dans sa composition et
dans son fonctionnement :
- en dissociant clairement sa fonction administrative : le comité sera ainsi composé uniquement de scientifiques, ce qui lui donnera une plus grande autonomie d’analyse, d’expertise et de proposition ;
- en faisant une plus grande place aux représentants des sciences dures, la biologie, la climatologie, la chimie ;
- en invitant des experts d’autres pays – ce symposium nous montrera, j’en suis sûre, l’intérêt de confronter les démarches et les points de vue.

Le patrimoine de l’humanité mérite que les meilleurs experts du monde entier se penchent à son chevet !

J’ai souhaité aller plus loin également dans la transparence autour des opérations de préservation conduites à Lascaux.
- A l’occasion de la réunion de Québec de juillet 2008, l’Unesco avait demandé à la France de réaliser un état des lieux complet sur la grotte de Lascaux. La France est consciente de sa responsabilité en matière de conservation, face à la communauté internationale. Ce rapport a été remis à la fin du mois de janvier 2009, comme je m’y étais engagée.

- J’ai veillé à ce que les réunions du comité scientifique fassent l’objet d’une communication systématique. Les synthèses des travaux sont d’ailleurs toutes consultables en ligne, sur le site du ministère.
Ce symposium participe également à cet effort de transparence, puisqu’il nous permet de présenter à la communauté scientifique internationale, mais aussi au public l’état des travaux sur Lascaux. Il nous permettra aussi de progresser, par la confrontation des analyses et des expériences, vers une meilleure compréhension des phénomènes qui ont affecté la grotte et des moyens d’y porter remède.

Je souhaite qu’il y ait une vraie liberté de parole. Que toutes les questions que vous vous posez sur Lascaux puissent trouver des réponses. Que toute la lumière soit faite sur l’état de ce trésor de l’humanité.
J’ai souhaité confier la présidence de ce symposium à Jean Clottes, conservateur général honoraire du patrimoine et président de la fédération internationale des organisations d’art rupestre (IFRAO). Sa connaissance de la préhistoire – inépuisable, et vivante, comme j’ai pu le constater - ; son énergie et son curiosité inlassables qui lui font parcourir les continents pour découvrir les sites qu’il ne connaît pas ou revoir ceux qu’il a étudiés ; ses nombreuses publications qui lui ont valu une notoriété internationale.

Tout cela en fait un président idéal pour conduire vos travaux, et je le remercie très sincèrement d’avoir accepté mon invitation.
Je suis heureuse que ce symposium réunisse l’ensemble des acteurs concernés. Au-delà de l’art pariétal, ce sont toutes les approches liées à la question de la conservation en milieu souterrain qui sont concernées : climatologie, hydrogéologie, microbiologies, liens avec la valorisation du patrimoine… Voilà pourquoi j’ai tenu à laisser au débat une place importante.

A vous tous, Messieurs les présidents de séance, Mesdames et messieurs les experts venus du monde entier, et d’institutions prestigieuses comme l’Institut des sciences de la conservation de Tokyo, l’Institut tchèque de biologie des sols, la Fondation Smithsonian, l’Institut Pasteur, j’adresse mes remerciements pour votre présence pendant ces deux jours.

Je souhaite que de vos échanges naissent des approches communes et de nouvelles voies de recherche. J’espère également que de nouvelles collaborations internationales pourront se nouer et prolonger les liens déjà existants.

photo : Didier Plowy/MCC