Discours et communiqués de presse

Discours de Christine Albanel prononcé à l’occasion de la conférence de presse de présentation des manifestations organisées dans le cadre de la Journée européenne des langues 2008, le 26 septembre 2008

mardi 16 septembre 2008

Jounées européennes des langues 2008Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les directeurs des centres et instituts culturels étrangers à Paris,
Madame la Présidente du FICEP, chers amis,

Nous sommes réunis aujourd’hui pour faire avancer une grande cause, celle de la diversité culturelle - et plus particulièrement celle du multilinguisme. Votre présence aujourd’hui témoigne de l'intérêt que vous manifestez à sa défense et à sa promotion. Je vous en remercie et je m’en félicite.

Oui, la diversité des langues est une chance pour l'Europe et je me réjouis que la Journée européenne des langues, le 26 septembre prochain, nous donne l’occasion de la célébrer par toute une série d’initiatives.

Vous le savez, cette Journée marque tous les ans le lancement de la Semaine des cultures étrangères, organisée par le Ficep, association qui réunit les centres et instituts culturels étrangers installés à Paris. Ces instituts ont une offre linguistique très riche, trop souvent méconnue. Pour y remédier, nous proposons un Passeport pour les langues, qui donne droit à une formation ou une initiation gratuite. Muni du précieux sésame, le public pourra ainsi, pendant près d'une semaine, s'initier à plus de cinquante langues. Mme Rudy Wester, la présidente du Ficep, que je salue, nous présentera dans un instant cette opération de façon plus détaillée.

Mes collègues au sein du gouvernement et moi-même avons souhaité saisir l’occasion de la présidence française du Conseil de l'Union européenne pour donner à la Journée européenne des langues un éclat particulier.

La France a placé la promotion de la diversité culturelle parmi les objectifs prioritaires de cette présidence. Or, il ne peut y avoir de diversité culturelle sans diversité linguistique.

Cette conviction n'est pas, loin s'en faut, partagée par tous. Certains pensent que la diversité des langues est un obstacle à la communication, un obstacle qu'il faut surmonter en s'en remettant aux bienfaits d'un idiome mondialisé, censé résoudre les incompréhensions, dépasser les différences, gommer les clivages.

Nous pensons, au contraire, qu'une langue n'est pas seulement un outil de communication - et qu'elle est, comme l'écrit Karl Kraus, « la mère et non la fille de la pensée ». Nous avons donc le devoir de montrer à nos concitoyens à quel point chaque langue est un bien précieux, porteur d'une vision du monde. Laisser s’éteindre une langue, c’est faire le deuil d’une culture.

Une langue est d'abord une richesse. Une richesse personnelle et une richesse collective. Posséder une langue, c'est être en mesure d'exprimer une émotion, de transmettre un savoir, de partager un espoir. Connaître plusieurs langues, c'est avoir accès, dans leur authenticité, aux autres cultures, prendre pied dans les réseaux de communication et d'information ; c'est, de façon très concrète, avoir une meilleure chance de trouver un emploi et d'évoluer dans cet emploi, et donc bénéficier d'une mobilité sociale et professionnelle accrue.

Permettre à chaque citoyen d'être à l'aise dans sa langue et lui donner les moyens de s'ouvrir aux autres langues (selon des modalités, des degrés qui peuvent être variables) est un enjeu majeur pour l'avenir de nos sociétés. C’est bien entendu la mission de nos système éducatifs, mais les politiques économiques, sociales et culturelles ont également un rôle essentiel à jouer.

Ce rôle consiste à ne pas penser le développement et la promotion de chaque langue séparément, mais dans ses rapports avec les autres langues. Bref, à organiser ce que j'appellerais la coexistence des langues.

Organiser la coexistence des langues, c'est tirer le meilleur parti du multilinguisme, qui est la réalité profonde de l’Europe.

C'est notre objectif en France, à travers une politique qui vise à garantir l'usage du français, langue de la République, notre langue commune, tout en veillant à valoriser les autres langues parlées sur notre territoire. A cet égard, la modification constitutionnelle du 21 juillet dernier, qui inscrit les langues régionales dans le patrimoine de notre pays, représente une avancée importante.

Tirer le meilleur parti du multilinguisme pour le développement des échanges en Europe, c'est aussi l'ambition des Etats généraux qui se tiendront à la Sorbonne, dans très exactement dix jours. Pourquoi des Etats généraux ? Parce que c’est un sujet si important pour l’Europe et sa diversité qu’il mérite un traitement particulier. L’objectif de ces rencontres est donc bien de recueillir et de mettre en perspective une pluralité d'expériences, de points de vue sur les enjeux du multilinguisme et de réunir des propositions que nous porterons ensuite au niveau européen. Et parce que ces enjeux ne se limitent pas à la seule dimension éducative, au seul apprentissage des langues pendant la scolarité, nous réunirons des professionnels d’horizons très divers, des chercheurs, des universitaires, des chefs d'entreprise, des syndicalistes, des artistes, des responsables d'institutions culturelles.

Pour ma part, j'attends de ces Etats généraux des propositions concrètes sur des sujets tels que la traduction des textes, la circulation des œuvres audiovisuelles et du spectacle vivant, l'avenir du métier de traducteur, ou encore le rôle des technologies de la langue. J’évoquerai ces sujets avec mes 26 homologues, ministres de la culture, notamment le 20 novembre prochain à Bruxelles, lors du Conseil des ministres de l'Union européenne. Mon objectif est d’obtenir un consensus pour adopter une résolution en faveur d’une stratégie européenne en faveur du multilinguisme. Cette résolution s’articulera totalement avec le plan d'action de la Commission européenne et les mesures prises par chaque Etat membre. Ce sera un véritable tournant dans la politique en faveur de la diversité linguistique.

L'Union européenne doit en effet jouer un rôle central dans la mise en œuvre d'une politique en faveur de la diversité linguistique. Elle doit donner un cadre de référence aux politiques de la langue conduites au niveau national, dans le respect, bien sûr, du principe de subsidiarité. Il lui revient également d'encourager les projets innovants, de favoriser les partenariats et de développer les synergies entre les Etats membres dans un grand nombre de domaines : je pense par exemple à la question, riche d'enjeux économiques, technologiques et culturels, des technologies de la langue.

Je me réjouis donc que le commissaire européen chargé du multilinguisme, Léonard Orban, ait accepté de venir à Paris le 26 septembre prochain pour présenter la stratégie de la Commission européenne en faveur du multilinguisme.

Je tiens à souligner la très grande qualité de la collaboration qui s'est nouée entre les organisateurs de ces Etats généraux, à savoir le ministère de la Culture et de la Communication, le ministère des Affaires Etrangères et Européennes et le ministère de l'Education Nationale, sans oublier naturellement l'équipe de la présidence française de l'Union européenne, qui a mis son savoir-faire au service de l'opération, et notre représentation permanente à Bruxelles, qui a facilité notre dialogue avec la Commission européenne. Ce dialogue est indispensable.

Cette journée du 26 septembre sera une journée de réflexion mais aussi d’action et de sensibilisation. Parallèlement aux Etats généraux du multilinguisme, l’opération « langues en fête » suscitera la curiosité des Parisiens à travers un certain nombre d'interventions s'appuyant sur l'environnement urbain. C'est ainsi que des "mots lumière" en plusieurs langues illumineront quelques façades des bords de Seine ; qu'un voyage musical à travers une centaine de succès européens de la chanson populaire sera proposé Place de la Sorbonne ; et que sur plusieurs autres sites, le public sera invité à suivre un parcours de ballons et de banderoles à la découverte des langues européennes. Vous pourrez trouver le programme complet de ces manifestations sur le site Internet dédié.

Je me tourne maintenant vers quelques-unes des personnalités qui ont été, à un titre ou à un autre, associées à la préparation de cette Journée européenne des langues :
- Julia Kristeva, vous avez participé, je crois, au travail de conception des Etats généraux du multilinguisme. Pouvez-vous nous dire en quelques mots ce que vous attendez de cette rencontre :
- Je voudrais maintenant demander aux trois personnalités qui ont accepté d’animer les tables rondes aux Etats généraux de bien vouloir nous en préciser le thème :
- Carlos Pinto Coelho, vous êtes notamment journaliste à la télévision portugaise et particulièrement attaché à la question de la circulation des œuvres en Europe  (1mn d’intervention) ;
- Rolands Lappuke, vous êtes ancien ambassadeur de Lettonie en France, et vous animerez un échange sur les innovations dans l’apprentissage des langues en Europe (1mn d’intervention) ;
- Philippe Dessaint, vous êtes journaliste à TV5 Monde et vous inviterez les orateurs à se pencher sur le rôle du multilinguisme dans la compétitivité des entreprises (1mn d’intervention) ;
- Enfin, Lio, vous nous apportez le témoignage d’une artiste particulièrement sensible à la diversité des langues (2mn d’intervention).

Je passe maintenant la parole à Mme Rudy Wester, présidente du Forum des instituts culturels à Paris, parce qu’au fond, l’ambition qui anime la Semaine des cultures étrangères comme les États généraux du multilinguisme, c’est Proust qui l’a exprimée : « Le seul véritable voyage n'est pas d'aller vers d'autres paysages, mais d'avoir d'autres yeux. »

photo : © Didier Plowy/MCC